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Intervention de Martine Billard

Réunion du 11 février 2010 à 9h30
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de lutter contre la pédopornographie. Cela étant, quels sont les moyens les plus efficaces ? Là est la question.

J'ai sursauté en lisant dans l'exposé des motifs que l'article 4 avait pour objectif de protéger les internautes contre les images de pornographie enfantine. Il serait préférable, selon moi, que le texte vise à empêcher la circulation de ces images. Vous n'avez même pas précisé qu'il fallait protéger les internautes mineurs. Car, chacun le sait, les majeurs sont responsables de leurs actes. Si, dans notre pays, certains d'entre eux sont attirés par ce genre d'image, c'est une attitude répréhensible et réprimée par la loi, et celle-ci doit s'appliquer. Je m'étonne donc que le texte du Gouvernement ne mentionne pas la protection des mineurs.

Comment trouver les moyens efficaces ?

Hier, madame Brunel, vous avez dit qu'il y avait dix fonctionnaires qui travaillaient sur la circulation des images de pornographie enfantine. Nous pourrions sans doute être tous d'accord sur ces bancs pour renforcer le nombre de fonctionnaires qui travaillent sur ce sujet.

Cela étant, l'article 4, inefficace selon nous, ne permettra pas d'arrêter la circulation d'images de pornographie enfantine. Il faut d'abord empêcher les viols d'enfants, bien que cela ne relève pas de cet article. Puis, il faut empêcher la prise de photos et de films, ainsi que leur circulation.

Patrick Bloche l'a dit, il y a trois niveaux. Il faut tout d'abord s'attaquer aux sites. Mais il n'est pas toujours facile de les atteindre, nombre d'entre eux étant situés hors de France, voire hors d'Europe. Il est donc nécessaire de renforcer la coopération internationale, même si des progrès ont été faits en la matière ces dernières années.

Il faut ensuite s'attaquer aux hébergeurs. Le problème est qu'un serveur héberge des sites de toute nature. Aussi, lorsqu'on s'attaque à un serveur, il faut être certain de s'attaquer au site ou aux images concernés et de ne pas bloquer l'ensemble du serveur. Or, il est arrivé dans plusieurs pays qu'en voulant s'attaquer à un site ou à une information précise, c'est tout un serveur qu'on a bloqué. En Angleterre, on a voulu retirer une image pornographique : la cause était juste, mais les moyens utilisés ont bloqué Wikipédia pendant trois jours ! Au Pakistan, pour des raisons de censure, YouTube a également été bloqué. Voilà l'objet de notre discussion : il faut certes empêcher la circulation des images de pornographie enfantine, mais les moyens et la cible n'étant pas assez précis, il faut veiller à ne pas tomber à côté du but recherché.

Restent en troisième lieu les diffuseurs. Vous nous proposez un filtrage, fondé sur une liste noire. Notre collègue Tardy a proposé en commission de confier cette question à l'appréciation d'un juge, ce qui est conforme à la décision du Conseil constitutionnel : vous remettez cela en cause. L'article 4 ne prévoit à aucun moment de contrôle sur cette liste, laquelle ne sera pas publique. Or l'histoire montre qu'en cas de censure, dans notre pays, la liste a toujours été publique. Nous aimerions connaître vos arguments puisque, lorsqu'il s'agit d'interdire des ouvrages imprimés, la liste est publique. Vous ne pouvez donc pas objecter que la publicité va affaiblir la lutte contre le délit ! Et quels sont les recours en cas d'erreur ? Rien n'est prévu. Or l'exemple de l'Australie, que vous citez souvent, montre qu'un tiers seulement des sites correspondait à l'incrimination de pédopornographie, tous les autres sites n'ayant strictement rien à voir ; on trouvait même sur la liste des sites politiques.

Quelles garanties avez-vous prévues pour éviter que les conséquences ne portent sur des sites n'ayant aucun rapport avec la circulation d'images pédopornographiques ? Si vous nous proposiez un dispositif avec de telles garanties, nous vous suivrions. Mais ce que vous nous proposez est un trou noir. Nous sommes d'accord sur l'objectif, mais pas sur la façon de faire.

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