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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 8 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté et déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, défendant cette exception d'irrecevabilité, j'ai à tenir devant vous des propos qui ne sont agréables ni à dire ni à entendre. C'est que ce texte me paraît porter gravement atteinte à de nombreux principes du fait que vous ne vous intéressez pas fondamentalement à la question des causes de la délinquance ni à celle de la lutte à mener contre elle. Il vise en effet avant tout à faire un coup d'éclat et le coup que vous portez aux principes en fait malheureusement partie intégrante.

Le projet de loi devait, à l'origine, ne concerner que les actes commis à l'encontre des mineurs de moins de quinze ans. Or c'est à juste titre qu'on ne comprenait pas pourquoi ces actes étaient plus graves que ceux commis à l'encontre des mineurs jusqu'à dix-huit ans, voire à l'encontre des majeurs. Ce texte a donc initialement reposé sur une distinction fondée sur l'âge des victimes qui, rapidement, n'a pas résisté à l'analyse : aujourd'hui, à la suite des amendements adoptés en commission des lois, ce texte concernera tous les crimes retenus commis à l'encontre de toutes les victimes. C'est donc dire la faiblesse de la réflexion qui a présidé à la rédaction initiale du texte !

Plus extraordinaire encore, on nous a présenté ce texte comme absolument nécessaire à la rénovation de la justice : aussi devait-il être adopté en urgence, mais pour être appliqué seulement dans quinze ans, c'est-à-dire à l'issue des condamnations prononcées après sa promulgation ! L'urgence de son adoption était donc fort relative ! Or, ce matin, nous avons appris que l'urgence, de relative, était devenue absolue et qu'il était désormais nécessaire de rendre la loi rétroactive, afin de rendre immédiate l'application. J'y reviendrai.

Madame la garde des sceaux, si vous ne vous attaquez pas à la délinquance, c'est que vous ne vous intéressez pas au public que vous cherchez à atteindre. Le texte ne repose en effet sur aucune analyse de la délinquance visée. On nous explique que les pédophiles récidivistes seraient dangereux : or il existe des assassins qui ne sont pas des pédophiles et des pédophiles qui ne sont pas des assassins, si bien que c'est à l'ensemble des auteurs de meurtres, d'assassinats, de viols et d'actes de torture ou de barbarie que le champ d'application du texte est désormais étendu, jusqu'aux actes de séquestration d'une durée supérieure à cinq jours ! De fait, vous ignorez quel public vous visez et vous ne connaissez pas davantage le nombre de cas concernés – hier, on nous parlait de quinze à vingt personnes sur cent à cent cinquante condamnés à plus de quinze années de réclusion criminelle ; aujourd'hui, compte tenu de l'extension du champ d'application du texte décidée ce matin en commission des lois, on est incapable de nous fournir un chiffre. Je le répète : ce qui vous intéresse, ce n'est pas la réalité du phénomène que vous prétendez combattre, ce qui vous intéresse, ce sont avant tout des stéréotypes ! Tout cela est né d'une émotion télévisuelle et est destiné à y retourner ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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