La « clause de l'Européenne la plus favorisée » est une démarche initiée par Mme Gisèle Halimi en 1979 et soutenue par l'association « choisir la cause des femmes », qu'elle a fondée avec Simone de Beauvoir en 1971.
Alors que la première élection du parlement européen au suffrage universel laissait apparaître la promesse d'une Europe « espace politique », où l'ensemble des citoyens bénéficieraient de la reconnaissance des mêmes droits et des mêmes devoirs, Gisèle Halimi a proposé que l'harmonisation des législations applicables aux droits des femmes s'effectue « par le haut ».
Le principe est donc à la fois simple et ambitieux. Il s'agit d'identifier parmi les dispositions législatives des États membres celles qui sont les plus favorables aux femmes, et de proposer que l'ensemble des législations nationales s'aligne sur celles-ci. Cette proposition a été approfondie et affinée en 2008 à l'occasion de la publication d'un ouvrage collectif qui définit cinq domaines possibles d'harmonisation : les droits sexuels et reproductifs ; le droit de la famille ; la prévention et la lutte contre les violences de genre ; l'accès aux responsabilités dans la vie publique et l'entreprise et l'émancipation économique et le refus de toute discrimination.
La proposition de résolution européenne déposée par le groupe socialiste, radical et citoyen et divers gauche invite les pouvoirs publics, tant au niveau national qu'européen, à se saisir de ce principe pour faire progresser le niveau de protection des femmes et ainsi avancer vers la réalisation de l'égalité entre les femmes et les hommes. Ses auteurs en jugent le moment opportun pour trois raisons principales : la persistance de profondes inégalités entre les femmes et les hommes, l'évolution des traités et des compétences européennes en la matière et l'occasion offerte par la présidence espagnole de l'Union européenne, qui a inscrit l'égalité entre les femmes et les hommes parmi ses priorités.
En effet, les inégalités persistent. C'est le cas dans le champ économique et social en termes de taux d'emploi, de rémunérations, de discriminations à l'embauche et à la promotion, de formation ou encore d'exposition au travail précaire. De même, les inégalités face aux violences persistent puisque les violences physiques touchent ou ont touché près de deux femmes sur dix en Europe et que les violences sexuelles concernent une femme sur dix. Il faut aussi rappeler qu'il existe d'autres formes de violences comme la prostitution, le mariage forcé, l'esclavage domestique, les mutilations génitales, le harcèlement sexuel ou moral qui frappent essentiellement les femmes et les jeunes filles.
Enfin, les inégalités dans la sphère publique perdurent puisque la féminisation des parlements européens ne s'élève, en moyenne, qu'à 23,7 %, avec des écarts allant de 46,7 % en Suède à 6,7 % à Malte et rappelons-le, 18,5 % en France.
L'Union européenne n'a cessé, depuis le Traité de Rome sur l'égalité de rémunération, d'étendre ses champs d'intervention et de considérer l'égalité entre les hommes et les femmes comme une mission et une valeur centrale du modèle européen. Alors que 14 directives ont d'ores et déjà été adoptées en la matière, l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne nous offre de nouveaux outils juridiques et doit nous inviter à aller plus loin dans la lutte contre les inégalités de genre. Je citerai simplement la clause transversale comprise à l'article 10 qui impose à l'Union de combattre les discriminations dans la définition et la mise en oeuvre de l'ensemble de ses politiques, ainsi que l'article 23 de la Charte des Droits fondamentaux, adoptée à Nice, qui stipule que l'égalité entre les hommes et les femmes doit être assurée dans tous les domaines. Notons enfin que l'Union dispose, depuis 2007, de l'institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes, basé à Vilnius.
Le gouvernement espagnol de M. José-Luis Zapatero a souhaité inscrire l'égalité entre les femmes et les hommes parmi les priorités de sa présidence européenne. Cette priorité comprend notamment l'adoption d'une nouvelle « feuille de route » pour les années 2011 à 2015, la proposition d'une nouvelle stratégie européenne face aux violences domestiques, ainsi que le soutien à une directive relative aux congés de maternité. Alors que se tiendra à Valence, les 25 et 26 mars prochain, une réunion du Conseil sur la question de l'égalité, les positions de la France n'ont été ni présentées ni débattues devant le Parlement.
Cette proposition de résolution, tout en félicitant la présidence espagnole de son initiative, vise donc à inviter la France à se saisir de la « clause de l'Européenne la plus favorisée » comme principe d'action au cours des négociations à venir.
Dans le respect du principe de subsidiarité, elle invite, d'une part, la Commission européenne à prendre l'initiative de directives issues de la « clause », sur la base d'études comparatives et, d'autre part, le gouvernement français, sur la base d'un rapport débattu devant le Parlement, à présenter un projet de loi qui aligne par le haut les législations françaises pour les domaines relevant de sa compétence propre.
Je vous indique que la Commission des Affaires européennes a rejeté, le 3 février dernier, cette proposition de résolution. Bien que notre collègue Anne Grommerch, corapporteure de cette commission, a estimé cette proposition « intéressante et peu contestable sur le principe », la commission a estimé que son adoption n'était pas opportune, essentiellement pour des questions de calendrier. Jugeant pour des raisons exactement inverses qu'il est très opportun de nous saisir de l'opportunité offerte par la présidence espagnole pour faire avancer la cause des femmes, je ne peux que recommander à la Commission d'adopter cette proposition de résolution européenne.
Je souhaiterais en tout état de cause savoir qu'elles seraient les conséquences d'un rejet de la proposition par la commission des Lois.