Monsieur le ministre, un débat important s'ouvre aujourd'hui : quel rôle assigne-t-on à nos forces de sécurité et quels moyens leur attribue-t-on pour réussir cette mission ? L'État a un devoir de sécurité envers nos concitoyens. C'est une mission régalienne essentielle, à laquelle nous sommes tous ici profondément attachés.
Notre discussion aurait dû venir plus tôt, la vocation d'une loi d'orientation étant d'être présentée en début de quinquennat. Voilà pourquoi je ne peux que vous féliciter et vous remercier d'avoir obtenu le temps nécessaire dans un ordre du jour déjà presque saturé pour que nous débattions sur un sujet de cette importance.
Depuis 2002, beaucoup a été fait pour moderniser la sécurité intérieure – certains le reprochent – et nous devons nous féliciter que les engagements pris alors par le président Jacques Chirac et le ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy aient été mis en oeuvre dans leur intégralité, ce qui prouve la pertinence d'une loi d'orientation dans le domaine de la sécurité intérieure. Nos forces de sécurité ont vu leur budget croître pour mener une véritable politique de rupture – je ne les accueille pas toutes avec bienveillance – en matière de sécurité : création des GIR, réforme de la police judiciaire, redéploiement de la police et de la gendarmerie, début de leur rapprochement, réforme des corps et des carrières, etc.
Cette politique porte encore ses fruits mais la délinquance évolue, et c'est ce qui nous rassemble aujourd'hui. Il faut donc constamment adapter le travail des forces de sécurité. C'est ce travail que vous menez, monsieur le ministre de l'intérieur, en vous appuyant chaque jour sur des policiers et gendarmes disponibles, conscients des risques qu'ils prennent. Ils peuvent être fiers de leur engagement. Nous avons le devoir de les soutenir dans leurs missions quotidiennes de maîtrise de l'ordre public.
Je me félicite de la priorité donnée par cette loi d'orientation aux investissements technologiques, à la police technique et scientifique, à la vidéoprotection, à la biométrie et aux fichiers de rapprochements, c'est-à-dire à tous ces outils modernes de lutte contre la délinquance et la criminalité.
Un mot sur la vidéoprotection. Votre bienveillante écoute vous a conduit à prendre la mesure du débat qui nous animait en commission des lois. J'ai entendu, à mon tour, votre position. L'idée selon laquelle l'État peut prendre une délibération, au nom d'un conseil municipal, pour installer une vidéoprotection, certes utile mais qui aurait pu être l'objet d'un débat municipal ou local, et pour envoyer ensuite la facture à la commune, pose deux problèmes essentiels. Premièrement, cette mesure risque d'être frappée d'inconstitutionnalité. Deuxièmement, elle contrevient au respect de la liberté locale de choisir souverainement son orientation. Dans la ville de Troyes dont je suis l'élu, j'ai mis en place un système de vidéoprotection qui n'a pas fait l'objet d'un débat gauche-droite, ni d'éléments sémantiques ou d'opposition doctrinaire entre les talibans de la surveillance et les ayatollahs de la liberté. J'approuve l'angle que vous avez défini, à savoir la lutte contre le terrorisme, la préservation des sites essentiels, notamment en matière nucléaire, mais si l'État affirme cette priorité, il lui revient d'assumer le coût du fonctionnement d'un tel dispositif. Cela me conduira à une réflexion plus large sur l'organisation des moyens adaptés pour remplir toutes ces missions.
La lutte contre l'insécurité et la criminalité est devenue une course de vitesse qui vise à éviter que les délinquants ne maîtrisent mieux que les forces de sécurité les outils technologiques. Les réseaux mafieux, la criminalité organisée disposent de moyens techniques considérables. Pour être efficaces, la police et la gendarmerie doivent pouvoir détecter les signaux faibles, être formés à la lutte contre la cybercriminalité, disposer des outils de ciblage et de traçabilité.
Il nous faut aussi leur fournir les instruments juridiques nécessaires à ce combat. Nous le devons à nos concitoyens et à ceux qui risquent leur vie. Il est indispensable que ces moyens juridiques soient octroyés aux forces de sécurité pour élucider la délinquance et la criminalité dite sérielle. Compte tenu de leur mode opératoire, pour élucider certains crimes en série, il faut non seulement des enquêteurs pour rassembler des centaines d'informations mais aussi des applications informatiques pour les croiser. L'outil informatique est indispensable à l'enquêteur. Bien sûr, les données contenues dans ces applications informatiques ne doivent pas être de même nature quand il s'agit d'élucider des meurtres en série, des agressions pour vol ou des cambriolages en série. C'est bien à la loi, c'est-à-dire à nous, législateurs, qu'il appartient de fixer le cadre juridique de ces fichiers et leurs limites ; c'est au règlement de les créer au cas pas cas. Nous respectons ainsi le principe de hiérarchie des normes. Ce juste équilibre doit nous conduire à assumer avec courage la fonction qui est la nôtre.
Je me réjouis que la proposition de loi Warsmann, adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, vienne compléter et préciser le régime législatif des fichiers et permette la légalisation de fichiers contre les cambriolages en série. Je pense au système Lupin élaboré à la préfecture de police, système très pertinent, très utile et très efficace.
Je me félicite qu'en matière de lutte contre la cybercriminalité, le projet de loi prévoie – enfin, oserai-je dire – le blocage des sites et contenus à caractère pédopornographique. Je ne suis pas favorable à l'intervention d'un magistrat et j'espère que le rapporteur entendra mon propos et pourra amender le texte. Il ne s'agit pas en l'occurrence de restreindre une liberté publique dont la protection nécessiterait le recours à un magistrat ; le parallèle ne peut pas être fait avec la diffusion de musiques piratées car il s'agit, pour la pédopornographie, de la diffusion d'activités criminelles.