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Intervention de Henriette Martinez

Réunion du 10 février 2010 à 15h00
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenriette Martinez :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lorsqu'une personne disparaît, qu'il s'agisse d'un adulte ou d'un enfant, la vie de sa famille bascule soudain dans le cauchemar. En France, des milliers de disparitions inquiétantes se produisent chaque année. En 2008, pas moins de 59 480 inscriptions au fichier des personnes recherchées ont été faites, dont 10 000 correspondent à des disparitions inquiétantes, parmi lesquelles plus de 500 concernent des enfants, exception faite des enlèvements intervenus dans le cadre familial.

Dans de trop nombreux cas, les recherches restent infructueuses, avec pour conséquence des dossiers qui se ferment après des années d'enquête, sans que la souffrance des familles puisse être apaisée.

Il est probable que, parmi ces disparitions restant sans réponse, certaines concernent des personnes décédées dont le corps n'a pas été retrouvé. Dans son rapport sur le présent projet de loi, Éric Ciotti indique que chaque année, 1 000 corps ou restes humains sont inhumés sous X, tandis que 3 000 à 4 000 recherches de personnes disparues restent non élucidées.

Or on dispose aujourd'hui de moyens humains, techniques et scientifiques, importants et innovants, qui permettent à travers l'utilisation de fichiers informatiques d'identifier des personnes grâce à leur ADN et de comparer les empreintes génétiques des personnes enterrées sous X avec celles des personnes disparues. Grâce à la présente loi, nous allons pouvoir recourir à ces outils.

L'article 5 prévoit, en effet, le prélèvement d'empreintes génétiques sur des personnes ou restes humains non identifiés avant leur inhumation. Il autorise également le prélèvement de traces biologiques dans les lieux que des personnes faisant l'objet d'une recherche sont susceptibles d'avoir fréquentés et le prélèvement sur les ascendants, descendants ou collatéraux supposés de cette personne, avec leur consentement. Ainsi, le présent projet de loi permettra enfin de répondre à l'attente des familles de disparus grâce aux recoupements de fichiers.

Le strict encadrement de ces prélèvements est bien évidemment nécessaire. Ses modalités sont précisées dans divers articles.

L'article 6 indique les mesures pouvant être prises par le procureur de la République en vue d'établir l'identité du défunt avant son inhumation ou sa crémation.

L'article 7 adapte les sanctions pénales prévues lorsque les procédés d'identification par empreintes génétiques ne respectent pas les conditions légales ou sont appliqués en dehors des cas légaux. Ainsi, le fait de recueillir des empreintes génétiques ou biologiques sur des ascendants, descendants ou collatéraux sans leur consentement est passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. La même peine est prévue en cas de recherche d'identité par empreintes génétiques réalisée en dehors d'une mesure d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure judiciaire. Elle s'applique aussi quand ces recherches ne concernent pas des personnes décédées dont l'identité ne peut être établie ou des personnes décédées susceptibles de correspondre à des personnes faisant l'objet de recherches.

L'article 8 permet que soient enregistrées au fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, les empreintes génétiques recueillies à l'occasion des procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d'une disparition ainsi que les empreintes génétiques correspondant ou susceptibles de correspondre aux personnes décédées ou recherchées.

Cet article encadre également l'utilisation de ce fichier en précisant que « les empreintes génétiques des ascendants, descendants et collatéraux des personnes dont l'identification est recherchée ne peuvent être conservées dans le fichier que sous réserve du consentement éclairé et écrit des intéressés et font l'objet d'un enregistrement distinct de celui des autres empreintes génétiques conservées dans le fichier ». Dans cette hypothèse, les empreintes génétiques des parentèles ne pourront être comparées dans le FNAEG qu'avec les seules empreintes génétiques des corps non identifiés et non pas avec le reste de la base, ceci afin de ne pas confondre les différentes finalités du fichier national et de garantir les libertés individuelles.

Enfin, l'article 9, de nature technique, vise à faciliter l'alimentation du FNAEG, essentielle à son efficacité, en permettant que les personnels techniques et scientifiques puissent procéder, sous le contrôle des officiers de police judiciaire, aux opérations de vérification, de prélèvement et d'enregistrement des données.

Les avancées apportées par ces différents articles constituent un réel progrès, attendu depuis de nombreuses années par les associations de familles de disparus. Je salue, monsieur le ministre, votre détermination à tout mettre en oeuvre pour qu'au terme d'une longue concertation avec les associations, ce texte inscrive dans la loi ces dispositions par lesquelles les familles peuvent désormais espérer faire un jour leur deuil et trouver un apaisement à leur immense souffrance.

Certaines disparitions restent, des années durant, des mystères, que les familles, avec la ténacité et l'énergie du désespoir, ne peuvent renoncer à voir élucider. Il en est ainsi de cette jeune femme des Hautes-Alpes prénommée Férouze qui, depuis plus de vingt ans, recherche inlassablement la trace de sa petite soeur Charazed, disparue à l'âge de dix ans à Bourgoin-Jallieu dans l'Isère, un jour tragique de juillet 1987. Grâce à la persévérance de Férouze, le dossier a été rouvert et la création de la cellule 38 dans l'Isère a permis de rapprocher, vingt ans après les faits, une dizaine de disparitions d'enfants survenues à la même époque dans la même région et dans des circonstances similaires. Cette cellule doit être maintenue et pouvoir poursuivre son travail dans le cadre de la loi, qui lui permettra d'utiliser de nouveaux moyens.

Cette loi est une grande avancée, elle donne aux familles de disparus, parvenues au bout de leur douleur, la possibilité d'avoir la certitude de la mort du disparu : « Je préfère le désespoir à l'incertitude », disait Jean-Paul Sartre.

C'est en pensant à ces enfants mais aussi à ces adultes jamais retrouvés, à ces familles dont un membre a soudain disparu, c'est en saluant le combat des associations que je me réjouis de voter ce texte de loi tant attendu. Je souhaite ardemment que chacun sache raison garder lorsqu'il s'agit de créer des fichiers permettant d'apporter une solution à des enquêtes ou de clore enfin de si douloureux dossiers.

Pour terminer, madame la présidente, je citerai la devise de MANU Association : « Nul ne peut porter la peine de l'autre, mais marcher à ses cotés est toujours possible. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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