L'Australie a créé un dispositif similaire qui a coûté 62 millions d'euros et fait la preuve de son inefficacité. Ce débat a également eu lieu en Allemagne il y a quelques mois ; le ministre le sait certainement. Après avoir fait adopter une loi proche, le gouvernement allemand en a mesuré le risque pour les libertés publiques et le peu d'efficacité, et a annoncé il y a quelques jours qu'il déposerait un nouveau projet abandonnant le filtrage au profit de la suppression des contenus.
Plutôt que d'entrer dans l'engrenage du filtrage, il faudrait étudier sérieusement des solutions plus efficaces. En effet, instruits par l'histoire, nous pouvons craindre que l'extension progressive du filtrage à d'autres domaines ne mette en cause la liberté d'expression.
De nombreux experts ont évoqué les conséquences pratiques de l'article 4, en particulier le recours croissant aux réseaux cryptés, aux réseaux qui organisent l'anonymat ou aux techniques de contournement, également florissantes.
Enfin, c'est d'abord par la présence et la qualité des femmes et des hommes qui en sont chargés que l'on défend la sécurité. Cela vaut de bien d'autres volets de cette loi ; plusieurs de mes collègues l'ont dit. Même contre la cybercriminalité, il faut non seulement des technologies, mais des moyens humains.
En conclusion, vous paraissez céder au vertige du cybermonde. Pourtant, il ne s'agit pas d'un autre monde, mais du nôtre. Le droit s'y applique ; il doit continuer de s'y appliquer. Donnez plutôt à la France les moyens de lutter contre la criminalité sur le net, ce qui suppose de créer non une police ou une justice d'exception, mais une police et une justice efficaces et modernes. C'est votre devoir, en termes de moyens et de résultats ; vous en rendrez compte devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)