Monsieur le ministre, vous avez réaffirmé votre volonté de favoriser le développement massif de la vidéoprotection, notamment comme outil de lutte contre la délinquance. Je me réjouis de cette initiative qui contribuera à renforcer considérablement la sécurité de nos concitoyens sur notre territoire.
Je souhaiterais toutefois appeler votre attention sur un point fondamental.
Rappelons avant tout que, dans nos sociétés démocratiques, l'amélioration du niveau de sécurité collective doit s'accompagner et s'équilibrer par le renforcement des garanties des droits et libertés. Pour cette raison, le rôle joué par la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés dans la régulation de la vidéoprotection doit être réaffirmé. En effet, autorité indépendante, la CNIL est parfaitement compétente pour encadrer et contrôler les modalités des dispositifs de vidéosurveillance. Elle dispose de contrôleurs experts habilités par le Premier ministre.
De surcroît, la CNIL est une autorité administrative indépendante, notamment par sa composition collégiale, pluraliste, et affranchie de la tutelle de toute institution ou ministère, à la différence de la commission nationale de vidéosurveillance, prévue dans le projet de loi.
Alors que le nombre de caméras de surveillance augmente et que l'on recourt de plus en plus souvent à ce dispositif, la protection des libertés individuelles et de la vie privée de nos concitoyens est plus que jamais d'actualité.
La CNIL possède une longue expérience des problématiques liées à la vidéosurveillance. En 2009 elle a examiné plus de 3000 dossiers et reçu près de 200 plaintes reçues.
Je m'étonne par conséquent que ce projet de loi préconise de créer une nouvelle autorité chargée de réguler la vidéosurveillance.
N'y a t-il pas là un doublon, en matière de compétences comme en matière budgétaire ? À l'heure où nous voulons tous réduire le nombre des autorités administratives indépendantes ou apparentées, je m'interroge sur l'opportunité d'en créer une nouvelle.
Alors que le ministre du budget a lancé la révision générale des politiques publiques en 2008, et que le Premier ministre a très récemment rappelé l'urgence de réduire nos dépenses publiques pour revenir à l'équilibre en 2020, pourquoi créer une lourde dépense supplémentaire ?
Je rappelle d'ailleurs que, dans le rapport qu'ils ont remis à Michèle Alliot-Marie en janvier 2009, les sénateurs Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier recommandaient de réunir les compétences de contrôle et d'harmoniser les pratiques sur l'ensemble du territoire sous la seule autorité de la CNIL, tout en clarifiant par ailleurs le régime juridique de la vidéosurveillance afin d'en améliorer l'efficacité, de renforcer le droit des personnes et de simplifier son fonctionnement.
Les commissions départementales manquent de moyens et ne sont pas réellement permanentes. Leur jurisprudence peut varier d'un département à l'autre.
Forte de son expérience en matière d'analyse de l'équilibre fondamental entre sécurité et liberté, la CNIL me semble avoir toute légitimité pour assumer cette compétence.
De surcroît, selon un sondage réalisé en mars 2008, 79 % des Français seraient favorables à ce que les dispositifs de vidéosurveillance soient placés sous le contrôle d'un organisme indépendant pour parer à toute dérive. Selon ce même sondage, la CNIL serait l'organisme indépendant le plus indiqué pour assurer ce contrôle.
Enfin, la création d'une telle commission pose le problème de son indépendance. Est-il souhaitable qu'une nouvelle autorité, sous tutelle du Gouvernement, soit en charge du contrôle de la vidéoprotection ? Elle serait rapidement raillée par l'opinion pour manque de neutralité et le Gouvernement pourrait être accusé de s'en servir à son avantage.
Dans ces conditions, il ne semble pas exister d'autre solution que d'attribuer cette compétence à la CNIL, sous la forme du «contrôle par évocation», qu'a défini son président, Alex Türk. La CNIL serait ainsi chargée d'observer, tout au long de l'année et en collaboration avec les commissions départementales, les développements de la vidéosurveillance, d'examiner les autorisations attribuées, d'étudier les nouveaux processus technologiques se mettant en place, de recenser les secteurs d'activité dans lesquels il existe de forts développements et les domaines dans lesquels elle reçoit le plus de plaintes, enfin de procéder à des contrôles ciblés. La CNIL pourrait alors rendre un rapport annuel aux pouvoirs publics et aux commissions départementales afin de leur faire part de ses observations et de ses recommandations dans des domaines spécifiques et sur les points à corriger ou améliorer.
Les commissions départementales pourraient ainsi harmoniser leurs propres jurisprudences en tenant compte de la synthèse de contrôles effectués par la CNIL.
Monsieur le ministre, au regard des arguments que je viens d'évoquer, il va sans dire que le souci de la CNIL est de trouver un véritable équilibre entre les contrôles et la garantie des droits individuels.
Ces considérations mises à part, la vidéoprotection reste un remarquable auxiliaire des forces de l'ordre et, naturellement, je souscris à la mise en oeuvre de ce dispositif visant à garantir la sécurité de nos concitoyens.