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Intervention de Laurence Dumont

Réunion du 9 février 2010 à 21h30
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont :

Encore un débat sur la sécurité, monsieur le ministre ! Après dix-sept textes présentés depuis 2002 par votre majorité, il en faut donc un dix-huitième, sans doute pour masquer l'inefficacité des précédents.

Avec celui-ci, nous avons un catalogue de mesures allant de l'intelligence économique à la vidéosurveillance, partant vraisemblablement du principe que la technologie va remplacer l'homme.

La vidéosurveillance en est une bonne illustration. Vous avez souhaité dans ce texte la rebaptiser vidéoprotection, parce que « le mot de vidéosurveillance est inapproprié, il peut laisser penser à nos concitoyens, à tort, que ces systèmes pourraient porter atteinte à certains aspects de la vie privée ». Vidéoprotection reflète plus fidèlement tant la volonté du législateur que l'action conduite en faveur de nos concitoyens, disiez-vous.

Permettez-moi d'en douter, pour plusieurs raisons.

La première tient au contenu même des multiples rapports français et étrangers sur la faible efficacité de ces dispositifs de surveillance, en raison du manque de moyens pour en assurer un réel suivi. Cela ne marche pas ; cela ne fait pas baisser la criminalité.

Deuxième raison : il s'agit bien d'une surveillance et non d'une protection, puisque, à défaut de développer des moyens en police de proximité et de déployer des forces de l'ordre, vous préconisez le développement de caméras, incapables par définition d'intervenir en cas de besoin.

Troisième raison : l'État ne saurait se retrancher derrière la mise en oeuvre de ces dispositifs pour déclarer assurer la protection des citoyens lorsqu'il les sous-traite au secteur privé, magasins et autres commerces. Vous proposez ainsi aux entreprises privées d'assumer le coût de la surveillance, sans que cela soit d'une quelconque efficacité dans la protection des citoyens. Les seuls gagnants, finalement, sont, d'une part, le budget de l'État et, d'autre part, les sociétés de vidéosurveillance qui ont fleuri depuis quelques années.

Pire, vous autorisez les transmissions d'images entre personnes publiques ou privées, que ces images soient publiques ou privées. Vous organisez donc une véritable délégation de mission de police à une personne privée, par pur souci d'économie. Votre étude d'impact précise que « la continuité territoriale d'une collectivité pourra être assurée à moindre coût en matière de surveillance par des personnes publiques et privées », la commune faisant l'économie de l'installation là où des implantations privées existent.

Dois-je vous rappeler la recommandation du rapport de la commission des lois du Sénat en 2008, qui demandait « de ne pas déléguer la vidéosurveillance de la voie publique à des personnes privées, en raison des risques pour les libertés publiques » ?

Le président de la commission, nationale de vidéosurveillance avait, lui aussi, dit son opposition au visionnage des images de la voie publique par des personnes privées, en avançant la « perte de confiance du public dans la vidéosurveillance ».

Quatrième raison : vous ne pouvez prétendre protéger le citoyen alors que le développement massif de la vidéosurveillance peut porter atteinte aux libertés publiques, atteinte d'autant plus avérée que vous ne prévoyez pas de contrôle satisfaisant, en termes tant d'autorité de contrôle, que de moyens. La CNIL a été exclue de ce projet, à son grand regret, alors qu'elle-même a pointé le flou juridique en la matière et les risques pour les libertés publiques.

Monsieur le ministre, non seulement vous bafouez les libertés fondamentales des citoyens en sous-traitant les dispositifs de surveillance au secteur privé, pour alléger les coûts et les effectifs de l'État, mais vous avez même essayé d'imposer aux collectivités la mise en place de vidéosurveillance sur leurs territoires, et ce en dépit de leur opposition.

Dans sa sagesse, la commission des lois n'a pas retenu votre amendement. J'espère sincèrement qu'il en sera de même et que la majorité tiendra bon jusqu'à l'issue de la procédure parlementaire. Faute de quoi, ce texte risquerait d'écorner sérieusement deux éléments essentiels de la Constitution : le respect de la liberté des personnes et le principe de libre administration des collectivités, ce qui fait tout de même beaucoup. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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