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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 9 février 2010 à 21h30
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, comme nombre de mes collègues, je tenais à vous faire part de mes regrets face à une certaine partie du texte, sorte de fourre-tout. Nous y devinons ainsi le désarroi qui vous saisit devant le réel. Après huit ans d'annonces tonitruantes, de « karchérisation », de nettoyage promis et jamais réalisés, après dix-sept lois consacrées à l'augmentation de la répression de la délinquance, à l'aggravation des peines, en résumé, devant ces piètres résultats, nous comprenons votre désarroi et tenons à l'exposer aujourd'hui.

En effet, et M. Pupponi vient d'en donner un bon exemple, contrairement à ce que vous nous affirmez, violences urbaines, émeutes, guerres des bandes, perte de confiance entre la population et la police en témoignent. J'évoquerai aussi le haut-le-coeur généré par la description de certaines de ces 800 000 ou 900 000 gardes à vue dont beaucoup sont abusives. Je pense aux témoignages donnés, jour après jour, par des victimes de ces gardes à vue totalement injustifiées, qui sont traitées, en général, de manière totalement dégradante. Beaucoup de mes collègues ont démontré – et je n'y reviendrai pas – l'impasse dans laquelle vous vous trouvez.

Néanmoins, quelques articles du projet LOPPSI, peut-être moins évoqués, ce soir, présentent un certain intérêt. Tel est le cas, en particulier, de la protection des agents du renseignement à l'article 20 qui n'appelle pas, de ce point de vue, de remarque de notre part. Tout au plus peut-on s'interroger, monsieur le ministre, sur la description des divers agents que vous entendez protéger et sur l'aggravation des peines en fonction des révélations, lesquelles pourraient entraîner pour eux des dommages très graves.

Vous avez tout de même, dans un alinéa, étendu le bénéfice de cette protection et de cette dissimulation d'identité – qui peut être comprise pour un certain nombre d'agents permanents dont la liste doit être dressée par le Président de la République, par le Premier ministre et le SGDN – aux collaborateurs occasionnels et aux sources. Je m'interroge parce que, en termes galants, ces choses sont mises : qu'est-ce qu'un collaborateur occasionnel ou une source qui mériterait une protection absolument totale, sinon, on le sait parfaitement, des personnages peu recommandables, que la littérature policière appelle « indics », et qui ne méritent pas tant d'égards de votre part ? S'il convient effectivement d'éviter que leur nom ne tombe dans le domaine public, on ne peut, pour autant, les assimiler à des agents de renseignement comme les autres et les protéger de la même manière.

De plus, et cela fait longtemps que nous réfléchissons à ce problème, j'avoue que nous sommes très déçus par cette première tentative tendant à donner une définition de l'activité privée d'intelligence économique. Je crains que vous n'ayez fait une confusion extrêmement dommageable, monsieur le ministre. Je me réfère, pour en parler, à l'un de nos meilleurs spécialistes, M. Carayon, qui a rédigé, en 2003, un rapport incontestable sur l'intelligence économique, la compétitivité et la cohésion sociale.

Il y a donc, à mon sens, une confusion absolue, s'agissant de l'intelligence économique, activité de source ouverte, de plus en plus sanctionnée par un diplôme délivré par des universités ou de grandes écoles. Les personnes qui se lancent dans cette tâche, pour le compte d'entreprises, de laboratoires ou d'universités, ou au niveau gouvernemental, travaillent de façon tout à fait ouverte. Il s'agit, en fait, de la veille scientifique, de la veille technologique, de traductions dans un domaine spécialisé ou de discussions avec des collègues scientifiques ou ingénieurs d'autres pays. Cette activité d'intelligence économique ne peut pas être confondue avec la malheureuse définition que vous donnez dans votre texte et qui tend à en faire des espions privés, voire des contre-espions ou des agents d'influence, ce qu'ils ne veulent pas être. Cela aura pour effet de générer une très grande incompréhension et un désagrément pour la carrière de ces personnes. Une telle confusion avec des sociétés de recherches privées de renseignements – nouveau nom donné aux détectives privés spécialisés, en particulier, dans le domaine industriel, que nous connaissons depuis des années – risque de détourner les potentialités de l'intelligence économique.

Vous souhaitez certes, dans ce projet de loi, améliorer la déontologie, le contrôle, la prévention d'activités en liaison très étroite avec le travail des fonctionnaires. De ce point de vue, le délai de viduité de trois ans, qu'il faut absolument respecter, pour les policiers, gendarmes ou autres agents publics désirant travailler en tant qu'agents privés, est le bienvenu.

Je tenais donc à vous faire part de ce désagrément et de notre impression d'un texte bâclé, mal défini, confus, surtout erroné et d'une occasion manquée de clarifier un domaine qui prend de plus en plus d'importance. Il est dommage, monsieur le ministre, que nous n'ayons pas pu travailler en étant moins soumis aux lobbies de l'intelligence économique et surtout des sociétés de recherches privées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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