Prenons la question de la mutualisation des matériels et des moyens reprise par le projet de loi. Selon le rapport annexé, elle fixe comme but l'accroissement de ce que vous appelez les synergies entre police et gendarmerie. Quelques exemples concrets seront, me semble-t-il, particulièrement éloquents.
En ce qui concerne les hélicoptères et les blindés, on constate pour l'instant une mutualisation à sens unique puisque seuls les gendarmes possèdent de tels équipements. L'immobilier sera géré en commun… par la police ! Certaines formations de spécialistes seront communes. On rirait si ce n'était pas si triste : la gendarmerie nationale formera les maîtres-chiens ; la police assurera la formation au renseignement. Il y a deux poids, deux mesures.
Vous entendez par ailleurs mutualiser la formation des personnels civils, alors même que cette formation commune risque d'altérer voire de dissoudre la militarité des personnels civils de la gendarmerie, comme l'a fort opportunément relevé le président de la commission de la défense lui-même.
Dans tout cela, il y a les textes, il y a la pratique, et il y a les symboles. Vous avouerez, monsieur le ministre, que le décret du 15 décembre 2009 amputant le budget de la gendarmerie de 23,5 millions d'euros, versés au budget de la police pour permettre à celle-ci de boucler son budget annuel, n'est pas de bonne augure. Peut-être est-ce un premier exemple de mutualisation ?
Nous vous le demandons très solennellement : la gendarmerie ne doit pas devenir une variable d'ajustement de la LOPPSI.
Mon autre inquiétude majeure concerne l'article 32 du projet de loi, qui donne aux préfets de police de trois départements de la région parisienne la charge de l'ordre public et la direction des services de la police nationale et des unités de la gendarmerie nationale. Cet article dénature, me semble-t-il, le texte et l'esprit de la loi sur la gendarmerie que nous avons adoptée au mois de juillet. II va à l'encontre du respect de la chaîne hiérarchique, consubstantiel au statut militaire de la gendarmerie. Nous aurons l'occasion de rappeler cette grave atteinte à nos travaux précédents lors de la discussion des amendements.
Je terminerai en regrettant le caractère hétéroclite de ce texte, qui aurait pu être utilement allégé, notamment en inscrivant les articles 19 à 21 dans un texte consacré à la défense, puisqu'il s'agit de modifier le code de la défense. On aurait pu faire plus simple ; on aurait pu faire plus concret ; mais je veux croire, monsieur le ministre, que le dense brouillard de ce texte n'a pas pour objet de masquer de funestes desseins à l'encontre de la gendarmerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)