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Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 9 février 2010 à 9h30
Accord france-chine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements — Discussion d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen par notre assemblée de l'accord entre la France et la Chine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Pékin le 26 novembre 2007, pourrait ressembler à une formalité.

En effet, les relations bilatérales entre nos deux pays dans ce domaine sont régies, depuis près d'un quart de siècle, par un accord signé le 30 mai 1984 qui ne nécessite – en apparence – qu'une mise à jour. Dans l'intervalle, la Chine a concrétisé sa participation au système économique multilatéral : la convention de Washington de 1965 pour le règlement des différends relatifs aux investissements lui est devenue applicable en 1993, et, comme chacun sait, la Chine est devenue membre de l'OMC en 2001.

Pourtant, deux éléments de contexte donnent à ce nouvel accord de protection des investissements un relief particulier.

Le premier élément, c'est évidemment la crise qui a frappé l'économie mondiale. Je voudrais tenter ici de vous fournir quelques données sur la bonne tenue de l'économie chinoise face à cette crise, même si les statistiques ne sont pas aussi fiables qu'on pourrait le souhaiter.

Dans l'attente des chiffres définitifs relatifs à l'année 2009, tout porte à croire que le Chine est devenue en 2009, comme vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, la deuxième puissance économique mondiale, dépassant un Japon en récession.

Si la crise financière mondiale a entraîné un ralentissement de l'économie chinoise depuis le troisième trimestre de 2008, elle n'a pourtant pas entamé les fondamentaux de cette économie, qui a été l'une des premières à montrer des signes de reprise, dès le deuxième trimestre de 2009. Avec un produit intérieur brut en hausse de 8 % l'an dernier, la Chine a été l'une des seules zones de croissance dans le monde.

Grâce à des marges de manoeuvre budgétaires et à une politique monétaire accommodante, les autorités ont décrété fin 2008 le plus grand plan de relance du monde – de l'ordre de 4 000 milliards de yuans, c'est-à-dire 400 milliards d'euros –, destiné à relancer l'économie par l'investissement.

Bien que le commerce extérieur chinois se soit effondré, avec des exportations en diminution de près de 30 % en glissement annuel, les importations se sont reprises plus rapidement, stimulées par la demande intérieure. Ainsi, l'excédent commercial chinois s'est réduit de 61 % entre juin 2008 et juin 2009 – tout en restant de 8,4 milliards de dollars, niveau que beaucoup de pays peuvent lui envier !

Ainsi, grâce à la dépense publique, le marché intérieur a amorti les effets de la crise et il demeure attractif pour les entreprises étrangères, notamment françaises – en dépit d'un protectionnisme exacerbé par la crise sur lequel je reviendrai.

Le second élément de contexte a trait aux relations politiques franco-chinoises, qui ont connu ces derniers mois une longue parenthèse, liée à des tensions. qui ont culminé, on s'en souvient, lorsque les autorités chinoises ont demandé le report du sommet avec l'Union européenne, prévu pour se tenir sous la présidence française, à Lyon, le 1er décembre 2008. Il s'agissait d'un signe de protestation à l'égard des rencontres que le dalaï-lama devait avoir en Europe avec plusieurs dirigeants, dont le Président de la République, le 6 décembre 2008 à Gdansk. De ce fait, les célébrations organisées à l'occasion du quarante-cinquième anniversaire de l'établissement de nos relations diplomatiques, au mois de janvier 2009, ont été fort discrètes. Mais lors de sa visite à Pékin du 20 au 22 décembre dernier, le Premier ministre François Fillon a publiquement souhaité « tourner la page des malentendus » ; il a d'ailleurs annoncé à cette occasion la venue du président Nicolas Sarkozy à l'Exposition universelle de Shanghai.

Au cours d'une visite officielle marquée par des accords franco-chinois portant sur plus de 6 milliards d'euros – dont un crédit d'1,7 milliard d'euros pour le projet de centrale nucléaire de Taishan –, le Premier ministre a abordé – prudemment – la question des droits de l'homme.

Pour ma part, en pensant aux dissidents emprisonnés ou aux événements du Xinjiang, qui ont marqué l'année 2009 et suscité en France un légitime émoi, je ne voudrais surtout pas oublier les espoirs déçus dans le domaine des droits de l'homme. Je veux parler des espoirs qui avaient pu être placés dans l'organisation par la Chine des Jeux olympiques au mois d'août 2008, et des engagements pris dans ce cadre.

J'insiste pourtant sur ce point : les relations franco-chinoises forment un tout, économique autant que politique. Le respect mutuel entre nos deux pays ne saurait conduire la France à abaisser son niveau de vigilance à l'égard de la situation des droits de l'homme en Chine. Jean-Claude Mignon a eu l'occasion de l'écrire, de le dire et de le faire partager à toute l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe en juin 2008. Le rapport qu'il a alors présenté a été adopté à l'unanimité moins cinq abstentions et un vote contre.

Les réussites économiques et le statut international reconnu de la Chine sont incontestables et incontestés. Mais la Chine, désormais deuxième puissance mondiale, ne pourra se maintenir sur le devant de la scène qu'à condition de faire parvenir les bénéfices de son développement économique à l'ensemble de sa population. Le gouvernement chinois s'est officiellement fixé comme objectif « la société harmonieuse » ; cela ne peut pas exister sans que de réels progrès s'opèrent en matière de respect des droits de l'homme. Il ne s'agit bien évidemment pas, de la part des Européens que nous sommes, d'une attitude de donneurs de leçons mais bien d'une vérité universelle.

Après ce long préambule, je serai assez bref sur le contenu de l'accord qui nous est soumis. Sa facture en effet est des plus classiques – peut-être même trop…

Je rappellerai tout d'abord que les investissements réciproques entre la France et la Chine se sont surtout développés depuis dix à quinze ans. La Chine est le premier partenaire économique de la France en Asie. Selon les statistiques fournies par Ubifrance – je salue d'ailleurs Alain Cousin, qui en est le président – les exportations de la France vers la Chine ont atteint 9,1 milliards d'euros en 2008 – 11,4 milliards en incluant Hong-Kong –, en recul de 0,9 %, et représentent 2,3 % du total des exportations françaises.

Aujourd'hui, 7 200 entreprises françaises, dont 4 500 PME, exportent en Chine ; il existe environ 1 800 implantations d'entreprises françaises en Chine, pour moitié dans la région de Shanghai, et une cinquantaine d'entreprises chinoises en France. Nos échanges avec la Chine expliquent la moitié de notre déficit commercial extérieur.

Les difficultés rencontrées par les investisseurs de part et d'autre ne sont pas minces – Vous trouverez trace, dans le rapport écrit de Jean-Claude Mignon, de témoignages d'entrepreneurs français assez démunis face au défi de l'investissement en Chine.

Je voudrais souligner à cet égard combien la puissance économique croissante de la Chine doit s'accompagner d'une responsabilité accrue : il n'est pas possible, pour un membre de ce que certains appellent le « G 2 », de se faire le chantre de la lutte contre le protectionnisme à l'échelle internationale et, chez soi, de combattre la crise en développant une politique de préférence nationale systématique. J'ajoute que la Chine a sans doute davantage besoin, pour son économie, des investissements étrangers en provenance de France ou d'Europe que l'inverse. Par conséquent, relancer l'encouragement et surtout la protection réciproques des investissements entre la France et la Chine est tout à fait opportun pour les deux parties.

Comment l'accord dont nous débattons ce matin procède-t-il dans cette voie ? Les retouches apportées au précédent accord, celui de 1984, ne sont pas à négliger. Mais elles sont d'une ampleur à la vérité assez limitée. Tout d'abord, le texte mentionne l'objectif de stimulation des « transferts de capitaux et de technologie entre les deux pays », ce qui est nouveau ; ensuite, l'accord élargit la définition de l'investisseur, en y intégrant les entités à but non lucratif dotées de la personnalité morale ; le texte précise aussi que le traitement juste et équitable réservé par chaque État aux investissements de l'autre s'effectue « conformément aux principes généralement reconnus du droit international ». C'est un élément de sécurité supplémentaire.

Le nouvel accord octroie ce que l'on appelle le traitement national, courant dans les accords commerciaux internationaux, c'est-à-dire l'absence de discrimination entre investissements domestiques et investissements provenant de l'autre partie contractante. La nouveauté, ici, c'est qu'une série d'exceptions est prévue, en particulier une exception culturelle. Le texte améliore par ailleurs les conditions d'accès des investisseurs à l'arbitrage international. Il introduit enfin des stipulations indispensables au regard du droit communautaire – par exemple, des mesures de sauvegarde en cas de déséquilibre grave pour la balance des paiements.

À propos du droit communautaire, je note en conclusion l'importance qu'il y a pour notre assemblée à donner désormais sans tarder son aval à l'approbation du projet de loi. Car ce type d'accord sur l'encouragement et la protection des investissements ne pourra bientôt plus, compte tenu des compétences élargies de l'Union européenne, être conclu de façon purement bilatérale.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'impossible nul n'est tenu. Il était difficilement envisageable d'inclure dans un document de ce type, très normé, des clauses relatives au respect des droits de l'homme. Mais même sans aller jusque-là, il n'est pas certain que les petits investisseurs – je pense ici aux PME françaises – se sentent beaucoup mieux protégés par ce nouvel accord contre les dures réalités du marché chinois.

Dans l'immédiat, je vous invite, comme le propose Jean-Claude Mignon, à suivre la commission des affaires étrangères dans le vote favorable qu'elle a émis pour autoriser l'approbation de cet accord d'encouragement et protection des investissements, qui représente une utile mise à jour. Ensuite, faisons confiance à nos missions économiques, à la chambre de commerce et d'industrie française en Chine, et au réseau d'Ubifrance pour faire vivre cet accord et apporter à nos PME l'aide nécessaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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