Le président de la République dominicaine, Leonel Fernández, que nous avons reçu récemment, nous avait fait part de son désir de voir se renforcer les liens et les relations entre nos deux pays. Il avait indiqué que son pays était devenu un lieu de transit pour le trafic de cocaïne, produite au Sud et consommée au Nord. J'avais fait appel à sa mansuétude, connaissant le cas de nombreux jeunes ressortissants de notre pays condamnés à de lourdes peines de prison, essentiellement pour ces motifs. Je lui avais rappelé qu'en matière de trafic de drogue, il arrivait à nos concitoyens de commettre des erreurs, dans son pays comme dans le nôtre, et que j'en avais la preuve jour après jour dans ma circonscription.
Une vingtaine de nos compatriotes, 19 exactement, sont concernés et sont détenus à Saint Domingue, dont 9 jeunes femmes. Deux jeunes filles ont été récemment graciées, Sarah Zaknoun et Céline Faye, et il faut remercier le président dominicain pour ce geste, ainsi que Alain Joyandet, ministre de la coopération, qui est allé les rechercher il y a quelques semaines. La plupart des personnes impliquées avaient moins de 25 ans au moment de leur arrestation, voire même moins de 20 ans. Elles ont toutes été condamnées pour trafic de drogue et d'autres attendent leur jugement pour les mêmes chefs d'accusation. Outre nos compatriotes, 40 citoyens dominicains sont détenus en France où ils purgent une peine de prison.
Les conditions de détention en pays étrangers sont difficiles car à la détention proprement dite s'ajoute l'isolement psychologique, dû à l'éloignement des familles et des proches. Les familles modestes ne peuvent évidemment rendre visite fréquemment aux prisonniers quand le billet d'avion revient à environ 1000 euros. Ces conditions de détention réduisent aussi considérablement la préparation de la réinsertion de nos compatriotes condamnés que la République dominicaine n'a pas les moyens de faciliter.
Il était par conséquent important de compléter les textes existant entre nos deux pays en matière de coopération judicaire par un dernier dispositif qui permette le transfèrement des détenus.
Concrètement, aux termes des dispositions de cette convention, les ressortissants de l'une des deux Parties signataires, qui ont été condamnés à une peine de prison dans l'autre pays auront, à condition qu'il leur reste au moins six mois de détention à purger, la possibilité de demander, soit à leur pays, soit aux autorités judiciaires du pays dans lequel ils sont détenus, d'être rapatriés dans leur pays pour y effectuer leur peine.
Ce droit s'applique lorsque le jugement est définitif et qu'aucune autre procédure n'est pendante dans l'Etat de condamnation. D'autres conditions s'y ajoutent : le fait que le condamné, ou ses représentants légaux, dans les cas où il ne peut lui-même le manifester, doive consentir au transfèrement. Le fait aussi que les actes incriminés qui ont justifié la condamnation soient également constitutifs d'une infraction pénale dans le pays d'exécution.
Cette procédure de transfèrement repose enfin sur l'accord des deux Etats qui peuvent toujours s'y opposer. Ainsi, l'Etat de condamnation peut refuser le transfèrement lorsqu'il considère qu'il porterait atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité ou à son ordre public. Le transfèrement peut être également refusé si le condamné n'a pas acquitté les frais, dommages et intérêts ou amendes et autres condamnations pécuniaires qui lui ont été fixés par le juge.
Le droit au transfèrement n'est pas non plus un droit automatique. La procédure ne se met en action que lorsqu'un condamné exprime le souhait d'être transféré, ou lorsque l'un des deux Etats le demande lui-même.
L'Etat de condamnation doit alors en informer l'Etat d'exécution le plus tôt possible, dès que le jugement est devenu définitif. Un échange de toutes les informations pertinentes a lieu entre les deux parties, notamment l'exposé des faits ayant entraîné la condamnation, la nature, la durée et la date du début de la condamnation ainsi que les dispositions pénales en vigueur. En parallèle, le condamné est également informé par écrit de toute les démarches entreprises par l'Etat d'exécution ou l'Etat de condamnation ainsi que de toutes les décisions prises par l'un ou l'autre au sujet de sa demande.
Une fois transféré, le condamné continue de purger la peine qui lui a été infligée dans l'Etat de condamnation, conformément à l'ordre juridique de l'Etat d'exécution. A cet égard, il est important de souligner que l'Etat d'exécution est lié par la nature juridique et la durée de la sanction telles qu'elles résultent de la condamnation. Une adaptation de la sanction est parfois possible, voire nécessaire : si la nature ou la durée de cette sanction sont incompatibles avec la législation de l'Etat d'exécution, ou si sa législation l'exige, l'Etat d'exécution pourra, par décision judiciaire ou administrative, adapter la sanction à la peine ou à la mesure prévue par sa propre loi pour des infractions de même nature. Cette peine ou cette mesure devront correspondre autant que possible à celle infligée par la condamnation, sans l'aggraver. Un condamné transféré ne peut non plus être poursuivi ou condamné dans l'Etat d'exécution pour les mêmes faits que ceux qui ont donné lieu à un jugement dans le pays de condamnation.
Une fois le transfèrement opéré, l'exécution de la peine se poursuit conformément à la législation de l'Etat d'accueil qui n'est jamais tenu de faire exécuter une peine incompatible avec son propre droit. Chacune des Parties conserve bien sûr ses droits de grâce, d'amnistie ou de commutation de la peine conformément à sa Constitution ou ses autres règles juridiques.
Cette convention permettra d'offrir à nos ressortissants condamnés en République dominicaine de meilleures conditions de détention, en leur permettant notamment de recevoir plus facilement des visites de leurs proches. Elles leur permettra aussi de bénéficier d'une meilleure préparation de leur réinsertion, en ayant par exemple accès aux dispositifs d'accompagnement, aux mécanismes d'individualisation des peines qui sont prévus par le droit français : réductions de peine, semi-liberté, permissions de sortie, libération conditionnelle...
Cette convention permettra à nos compatriotes actuellement détenus en République dominicaine de bénéficier, par ce transfèrement, d'un meilleur environnement familial, professionnel et social et je vous recommande par conséquent d'approuver le projet de loi qui nous est soumis par le gouvernement pour en autoriser la ratification.