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Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 27 janvier 2010 à 11h30
Commission des affaires économiques

Jean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat :

M. Grouard s'est demandé si l'on était face à l'amorce d'un processus ou à une nouvelle fracture. Il me semble que l'on est plutôt dans une phase de modification très profonde des blocs d'influence. Le G77, coalition de pays en développement, n'a plus d'existence, faute de correspondre à la réalité : aujourd'hui, la Chine a basculé dans la problématique des pays industrialisés et les États-Unis n'assurent plus le moindre leadership à l'exception notoire de quelques pays nord européens ; en Europe, on assiste à une forme de fracture entre les pays de culture anglo-saxonne et les autres ; quant au poids des grands émergents, il est devenu décisif, moins en raison de leur puissance financière qu'au fait qu'ils se trouvent dans la même problématique que nos pays.

Au fond si j'ai un regret – outre l'absence d'une annonce américaine plus forte –, c'est la suppression dans le texte final de la phrase concernant une réduction de 80 % d'ici à 2050 des émissions des pays industrialisés. Mais ce changement est intervenu non pas à la demande des pays industrialisés traditionnels, mais à celle, insistante et exclusive, de la Chine. En effet, celle-ci se met d'ores et déjà dans la situation où elle sera regardée par le reste du monde, d'ici à une voire deux décennies, comme devant avoir les mêmes obligations que nous. Bref, une redistribution générale s'opère dans le monde.

Monsieur Tourtelier, si les uns sont venus à Copenhague dans l'esprit de Kyoto, il n'en reste pas moins qu'une redistribution générale des cartes était envisageable, car tout le monde ne venait pas avec le même mental. Cela dit, l'objectif était de rallier les pays émettant 83 % des émissions de gaz à effet de serre. Certes, quand la Chine a annoncé son objectif quantifié de réduction de ses émissions, soit une réduction de 40 à 45 % de l'intensité en carbone entre 2005 et 2020, certains auraient pu espérer moins 50 %. Mais, à l'exception des États-Unis, les engagements obtenus sont conformes à la feuille de route de Bali, qu'il s'agisse du Brésil, de la Corée du Sud ou encore de l'Inde. On s'en apercevra lorsque l'on fera les comptes après le 31 janvier.

Il est vrai que l'on attendait un peu plus des États-Unis et du président Obama. C'est tout le problème de la relation entre démocratie et climat. À cet égard, monsieur Chassaigne, j'observe que le seul endroit ou les émissions ont baissé c'est en Europe quand on est passé de régimes communistes à des régimes non communistes. En tout cas, dans une démocratie comme les États-Unis, la somme des enjeux de proximité n'aide pas à affronter un problème qui est de nature planétaire. En revanche, des modes d'organisation à parti unique ont des capacités de mouvement dans ce domaine sinon durables du moins supérieures et immédiates. Plutôt qu'à un rapport au mode d'organisation capitaliste ou non capitaliste, le problème tient plus, me semble-t-il, à un rapport à la démocratie.

Quant aux deux textes auxquels vous avez fait allusion, monsieur Tourtelier, tous les objectifs chiffrés des 88 sujets en question figuraient entre crochets dans celui qui était officiellement soumis. En fait, pour répondre à la question de M. Demilly, on savait un an avant, pour avoir rencontré les difficultés que l'on sait à propos du paquet européen, qu'il n'y aurait pas le début d'un chiffre. Le fait que la présidence de la COP, pour des raisons que je ne m'explique toujours pas, a donné le sentiment de présenter un texte préparé depuis longtemps, sous influence américaine, a peut-être créé de la méfiance, probablement injustement. Pour autant, il fallait bien qu'à un moment donné, alors que les chefs d'État et de gouvernement étaient présents, qu'un texte soit rédigé. Le plus surprenant est que cela fut fait à 28 – dont MM. Obama, Medvedev et Lula –, le tout sans interprète alors que vingt langues différentes étaient parlées et que rien n'avait été prévu pour les réunir, sinon un dîner officiel chez le roi et la reine du Danemark...

L'OME est indispensable à la planète au même titre que l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Sa création est un combat que l'on continuera à mener.

Je ne peux vous laisser dire, monsieur Tourtelier, que l'Union européenne n'est pas d'accord à propos du financement du fast start. Le Conseil européen de début décembre a non seulement arrêté le montant annuel – soit 2,7 milliards d'euros –, mais également la répartition, soit, pour la France, 460 millions d'euros la première année. Les États-Unis ont annoncé qu'ils feraient moins la première année mais plus la deuxième ou la troisième, tandis que les Brésiliens, les Japonais et les Norvégiens ont indiqué qu'ils participeraient au financement.

On ne peut pas dire que la France ait fait cavalier seul dans la mesure où la transparence a été totale. Mais ce qui est vrai c'est qu'après l'épisode du paquet européen énergie-climat et l'incroyable difficulté à le finaliser, on savait, d'une part, qu'il faudrait prendre des initiatives puissantes, en matière par exemple de solidarité internationale ou encore de forêts, d'autre part, que le mode d'organisation classique de nos Conseils européens ne pouvait faire de l'Europe un moteur dans cette affaire. Il y a donc eu, c'est vrai, un trio avancé composé de l'Allemagne, du Royaume-Uni et de la France – avant que l'Espagne ne nous rejoigne – qui a oeuvré en faveur d'initiatives puissantes. Si l'Europe n'a pas été complètement homogène, on mesure mieux la performance de la présidence française à l'époque concernant le paquet énergie-climat.

Monsieur Poignant, le processus à venir est à bâtir, mais un problème de pilotage se pose tant pour la COP – les Mexicains n'ont pas encore remplacé les Danois – que pour la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique.

Monsieur Demilly, concernant les deux années de négociation préalable à la conférence – sachant toutefois que s'est tenue entre-temps à Poznań la quatorzième conférence internationale sur le climat –, comment voulez-vous qu'à l'ONU nos représentants puissent prendre des engagements sans connaître la position qu'adopteront finalement le Premier ministre chinois ou le président Medvedev ? Il faut en effet comprendre que, dans de nombreux pays, le changement climatique n'est pas forcément un sujet de préoccupation aussi partagé que dans les nôtres. Même s'ils ne s'en désintéressent pas, le sujet est tellement complexe que ce n'est qu'à l'occasion des grands événements que les leaders s'en saisissent. Aussi Copenhague est-il dans ce domaine un grand succès, tous les chefs d'État du monde s'étant alors mobilisés pour aller jusqu'au point extrême d'acceptabilité de chacun eu égard aux contraintes inhérentes à son propre pays. S'agissant de la modification de l'organisation, le Mexique y réfléchit avec l'ONU. Si le mode actuel n'est peut-être pas adapté, je ne pense pas qu'il faille pour autant sortir du concept onusien, qui est fédérateur.

Monsieur le président Ollier, si la distinction entre énergies renouvelables et décarbonées est possible pour ce qui concerne la France, il faut savoir que parmi les habitants qui n'ont pas accès à l'énergie, soit la moitié à peu près de la planète, 50 % doivent changer leur mix énergétique : on va en effet vers une utilisation peu ou prou de l'énergie locale – bois, vent, soleil. L'enjeu pour le monde est donc d'aider la moitié des habitants de la planète à accéder à l'énergie et de modifier pour le quart d'entre eux le mix énergétique. La compétitivité des énergies renouvelables n'est pas un problème français mais mondial et il est vital de ne pas négliger cet enjeu.

L'Agence internationale des énergies renouvelables a été créée alors que la France n'était pas encore reconnue comme ayant une compétence particulière dans ce domaine. Le débat sur le siège et la direction de l'Agence a ainsi fait l'objet d'un enjeu majeur, en particulier entre Allemands, Espagnols, Grecs et Émiratis, avant que soit décidé à Charm el-Cheikh que le siège serait situé aux Émirats arabes unis mais que la direction générale serait française, en la personne de Mme Hélène Pelosse. C'est là une forme de reconnaissance de la place de la France en matière à la fois d'énergie et de climat.

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