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Intervention de Jacques Toubon

Réunion du 3 février 2010 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jacques Toubon :

Nos propositions se placent essentiellement sur le terrain économique : il s'agit en effet de promouvoir la diffusion des oeuvres sur internet par le biais de la régulation du marché et dans le respect des droits. Ces propositions devront se traduire par des décisions politiques, et donc par des mesures législatives. C'est pourquoi nous sommes heureux que se noue d'ores et déjà un dialogue fructueux avec la représentation nationale, comme celui que vous aurez avec les différentes administrations chargées de transformer, sur instructions du Président de la République et du Premier ministre, nos propositions en décisions de toute nature.

Nous avons été inspirés par la nécessité de sortir de la confrontation, observée depuis deux ans dans le débat public et au Parlement, entre des thèses antagonistes prétendant chacune détenir la recette miracle. Nous nous sommes, au contraire, efforcés de prendre en compte la diversité des situations.

Nous avons traité, avec des principes communs mais selon des approches spécifiques, de secteurs très différents les uns des autres, même s'ils relèvent tous de la création artistique et de la politique culturelle : la musique, le cinéma, l'audiovisuel et le livre.

Nous n'avons qu'effleuré la situation de la presse, bien que fondamentale pour le pluralisme et la liberté d'expression. Le sujet nous paraît devoir être abordé dans le cadre d'une autre mission et dans le prolongement des États généraux qui lui ont été consacrés – un missi dominici pourrait être désigné.

Trois autres sujets, de moindre importance n'ont pu être traités dans le délai dont nous disposions.

Il en est ainsi, en premier lieu, des jeux vidéo, bien qu'ils fassent l'objet d'un piratage très important. Ils représentent une activité économique en forte progression et les nombreuses sociétés françaises sont très dynamiques dans ce secteur. Toutefois, certaines de nos propositions relatives au cinéma et à l'audiovisuel sont déclinables dans ce domaine.

En deuxième lieu, et cela nous a été reproché avec véhémence par la SACEM, nous n'avons pas traité de la situation des auteurs, compositeurs, éditeurs (ACE) car, dans le schéma actuel, la gestion de leurs droits est parfaitement claire à travers un système collectif très éprouvé. Leurs relations avec les producteurs étant d'une nature différente, nous n'avons pas formulé de propositions. Les ACE ont certes subi, au cours des dernières années, des pertes de revenu importantes. Il peut y avoir lieu à revalorisation, comme il y a eu, grâce à la commission paritaire compétente, revalorisation de 18 % de la rémunération équitable concernant les radios et les lieux sonorisés, après dix ans de blocage. Le même travail est à accomplir pour les auteurs, dans le cadre de la négociation engagée entre les ACE et les télévisions, notamment publiques.

De même que, si le Gouvernement suit notre proposition de diminution de la réduction de la TVA dont bénéficient les abonnements triple play, en abaissant la part d'abonnement concernée par exemple de 50 à 35 %, cette hausse de TVA profitera à la taxe alimentant le compte de soutien à l'industrie des programmes (COSIP) et au prélèvement en faveur des auteurs dont elle tient lieu d'assiette.

Dernier point que nous n'avons pas traité : le spectacle vivant, de moins en moins financé par les maisons de production du fait de leurs difficultés sur le marché « physique ». Longtemps, la présence des artistes sur scène a compensé en partie les pertes subies à cause d'internet, mais cela risque de ne plus être le cas. Cependant, les mesures préconisées pour favoriser les investissements des producteurs répondent un peu à cette préoccupation.

J'en viens aux sujets que nous avons traités.

Nous avons retenu un dispositif simple eu égard à la conjoncture budgétaire actuelle : les dépenses nouvelles que nous proposons, telles que la « carte jeunes » ou les crédits d'impôt, sont compensées par de nouvelles recettes équivalentes, comme la diminution de la réduction de TVA et la création d'une taxe, à expertiser, sur les hébergeurs et les moteurs de recherche, déjà surnommée « taxe Google »

Notre système se veut cohérent sur le plan économique. Ainsi, dans le domaine de la musique, il faut rétablir l'équilibre dans le partage de la valeur. En matière culturelle, l'équité signifie pluralisme et indépendance. Nous essayons donc, à travers la gestion collective, d'établir une transparence qui favorise des relations plus équilibrées entre producteurs importants, producteurs plus petits et artistes-interprètes, ainsi que de faciliter l'accès aux services culturels en ligne par une offre plus abondante et meilleur marché.

Il est un autre point important que nous avons voulu souligner : le développement de la diffusion numérique du livre. Celle-ci a représenté 3 % du chiffre d'affaires du livre aux États-Unis l'année dernière, contre moins de 1 % en France. Mais, avec l'arrivée de nouveaux terminaux et de nouvelles offres, indépendamment des négociations en cours entre professionnels, nous nous attendons à un développement important du livre numérique. Il est donc fondamental d'assurer la stabilité de l'économie du secteur de l'édition. D'où nos propositions d'extension au numérique du prix unique du livre, de diminution de la TVA sur le livre numérique, à l'instar de ce qui existe pour le livre « physique » – mais uniquement pour les livres « homothétiques » –, et d'inscription du livre dans le grand effort national de numérisation financé par le « grand emprunt », aussi bien pour les bibliothèques que pour les livres commerciaux encore sous droits. En contrepartie, nous demandons aux éditeurs, aux distributeurs et aux libraires de mettre en place une plateforme commune pour que l'offre de livres numériques soit présentée universellement, pour que l'on trouve en ligne ce que l'on trouve dans une librairie, tout en préservant bien sûr la chaîne des droits, en particulier ceux des auteurs. Nous souhaitons que les négociations engagées entre la Société des Gens de Lettres (SGDL) et les éditeurs aboutissent le plus vite possible afin que l'on n'ait pas, d'un côté, un système de droits d'auteurs hérité du XVIIIe siècle et, de l'autre, un système de droits numériques auquel échapperaient certains auteurs et certains éditeurs.

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