Vous proposez de créer un délit de contrainte au mariage. Pour notre part, nous n'étions d'abord pas favorables à une telle mesure dans la mesure où les jeunes filles se sentent déjà coupables envers leurs familles. Elles ne resteront pas en contact avec nous si elles savent que ces dernières risquent d'être incriminées.
Cependant, après six ans de communication de la part de notre association, on peut affirmer qu'il y a eu une prise de conscience de la part des jeunes filles. Les régions ont également pris des initiatives ainsi que la Mairie de Paris. Mais cette communication n'a encore eu que peu d'effet sur les parents. Si un progrès est perceptible chez ceux provenant d'Afrique du Nord, il ne l'est pas moins pour ceux originaires de pays comme le Mali ou le Sénégal.
Que faire quand on apprend qu'une jeune fille n'est pas revenue en France ? Il faudrait créer un dispositif de veille, sur le modèle de ce qui se fait en Allemagne. Il s'appuie sur un document qui permet de saisir le procureur. La jeune fille y décline son identité et fait part de sa crainte d'être mariée de force. Elle indique aussi ses adresses éventuelles dans son pays d'origine. Ce document est remis à une assistante sociale ou est déposé dans un commissariat. Si des informations conduisent à soupçonner que la jeune fille est contrainte à un mariage, une enquête peut être ouverte.
En ultime ressort, il y aurait le délit que vous proposez. Mais il ne faut pas faire l'économie d'un volet préventif qui a montré son efficacité dans des communautés particulièrement attachées aux traditions comme les communautés turques ou kurdes en Allemagne.
On peut aussi concevoir une unité spéciale « mariage forcé », comme il en existe en Grande Bretagne. La Belgique réfléchit aussi à une telle organisation. Elle offrirait à tout policier, dans ce type d'affaire, la possibilité d'avoir un interlocuteur et de s'appuyer sur une coordination.
Se pose en outre la question de l'hébergement d'urgence. On a aidé une femme qui a décidé de ne plus porter le niqab, une autre qui a été victime de viols collectifs, une encore qui était victime d'un mariage forcé. Ces femmes ne peuvent pas rester dans leurs quartiers en raison de la pression qui s'exerce sur elles. Il faudrait disposer d'une carte des places de logements disponibles couvrant toute la France et mettre en place une coordination entre les régions.
Enfin, je soulèverai la question de la prévention dans le cadre de l'éducation nationale. La situation ne s'améliorera pas si les femmes n'ont pas une meilleure connaissance de leurs droits.