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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 27 janvier 2010 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux :

Je me réjouis de constater que ce sujet fédère les énergies et donne naissance à un texte consensuel. Ce problème de société ne peut certes être entièrement réglé par la loi : les violences faites aux femmes doivent être combattues par des moyens réglementaires et par des actions sur le terrain. Mais ce travail législatif est une étape importante dans cette lutte et je tiens à le saluer.

Le Premier ministre a décidé que 2010 serait l'année de la lutte contre les violences faites aux femmes. Nous ne disposons pas encore des statistiques de 2009, mais nous savons qu'en 2008, 156 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint. Bien davantage ont été blessées et beaucoup plus encore ont dissimulé les violences qu'elles ont subies. C'est l'honneur de notre société et du Parlement que de lutter contre ce phénomène, réaffirmant ainsi, de manière concrète, nos valeurs républicaines : le refus de la violence, la défense des plus fragiles, l'égalité entre les hommes et les femmes.

Nos actions se rejoignent. En tant que garde des sceaux, j'ai souhaité que la mesure d'éviction du conjoint violent soit plus largement requise. Précédemment, place Beauvau, j'avais demandé que le signalement des actes de violences auprès des services de police et de gendarmerie corresponde davantage à la réalité. Un certain nombre de blocages empêchent les femmes de porter plainte ou simplement de dire les violences dont elles font l'objet. Il faut développer des actions innovantes pour réduire ce phénomène de sous-déclaration. J'ai également lancé, en collaboration avec les collectivités locales de Seine-Saint-Denis, une expérimentation visant à munir les femmes d'un dispositif de téléprotection : un téléphone portable leur permet d'alerter les services de police dans les plus brefs délais.

Ce texte fournit un encadrement législatif pour généraliser ces actions et aller plus loin. Il nous permet d'abord de répondre efficacement, avec pragmatisme, aux situations d'urgence, afin de protéger les victimes et de prendre en compte tous les aspects de leur situation.

L'ordonnance de protection temporaire prévue par l'article 1er de la proposition de loi vise, en effet, trois objectifs. En premier lieu, elle permet de mieux articuler les réponses civile et pénale. Cependant, plutôt qu'au juge des victimes – dont le Conseil d'État a récemment rappelé qu'il n'avait pas de pouvoir juridictionnel propre – c'est au juge aux affaires familiales, juge naturel des conflits intrafamiliaux, qu'il revient de prendre à titre temporaire certaines mesures. Celles-ci relèvent bien souvent de son domaine d'intervention : éviction du domicile, hébergement, exercice de l'autorité parentale, pension alimentaire, ou encore possibilité de dissimuler sa nouvelle adresse. Elles doivent être mises en oeuvre sans préjudice des poursuites engagées au pénal, ce qui n'empêche pas les contacts entre juge civil et juge pénal.

En deuxième lieu, cette ordonnance prend en compte l'évolution des modèles familiaux. La proposition de loi comble un vide juridique puisque le référé violences ne peut être pris à l'encontre d'un partenaire lié par un Pacs ou d'un concubin, ce qui exclut la quasi-majorité des situations actuelles.

Enfin, elle permettra d'étendre la protection à la famille. La mise en oeuvre du droit de visite – qui permet de préserver le double lien parental – peut représenter un traumatisme supplémentaire pour l'enfant. Il est bon que le juge puisse donner mandat à une institution ou à une association agréée pour assister le mineur à cette occasion.

Cette proposition de loi vise également à adapter la sanction pénale à la réalité des violences conjugales. La qualification de violences familiales doit concerner tous les faits qui représentent réellement une violence : il est important que les violences psychologiques, reconnues en premier lieu par la jurisprudence, figurent désormais dans le code. Il convient aussi de mieux distinguer les violences isolées, des violences habituelles. Sanctionner plus sévèrement ces dernières représente une avancée, en même temps qu'un élément de dissuasion.

Enfin, la sanction pénale doit prendre en compte les conditions de constitution du couple. Je partage entièrement votre objectif de lutte contre les mariages forcés. Ceux-ci sont souvent précédés de violences, pour contraindre la jeune femme à accepter l'union et deviennent le creuset de nouvelles violences. La sanction pénale doit donc retenir, comme circonstance aggravante, le fait qu'il s'agit d'un mariage forcé. Pour autant, je ne pense pas qu'il soit possible de sanctionner le mariage forcé en lui-même.

Je sais que ce point a fait débat dans votre commission. Sauf à voir la loi tout entière entachée du soupçon d'inefficacité, il importe que chacun de ses articles soit applicable et appliqué. Or il me semble difficile d'identifier la contrainte dans le cadre d'un mariage forcé et d'en apporter la preuve. Comment prouver les pressions psychologiques exercées à l'encontre de la jeune femme ? Beaucoup d'entre nous célébrons, des mariages civils, dans des conditions qui permettent à quiconque d'exprimer un doute sur la réalité du consentement. Mais cela est rarement le cas, et les procédures qui permettent d'annuler une union sont extrêmement difficiles à mettre en oeuvre. Sanctionner les mariages forcés supposerait d'instaurer une police matrimoniale, ce qui me semble pour le moins hasardeux.

Cette proposition de loi permettra de consolider des positions et enverra un signal fort : celui marquant que le temps de la compassion est révolu. Il faut agir de manière ferme, claire, et concrète. Je gage aussi qu'elle jouera un rôle dissuasif et permettra de prévenir de nouvelles violences, ce qui est la meilleure des protections que nous puissions offrir à nos concitoyennes.

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