Je prends la parole dans cette table ronde comme membre du Conseil de l'ordre du barreau de Paris et comme spécialiste du droit pénal des mineurs puisque, dans ma pratique professionnelle, je défends essentiellement des jeunes, tantôt comme auteurs d'infractions, tantôt comme victimes. Je précise par ailleurs que ce sujet me tient particulièrement à coeur car je suis l'avocate de la mineure qui, dans l'affaire Fofana, a refusé la publicité des débats.
Cette décision a fait l'objet d'une longue réflexion ; elle est apparue conforme à l'intérêt de la jeune fille, mais aussi favorable au bon déroulement des débats. Il est trop facile d'opposer l'intérêt du jeune et celui de la société, alors qu'ils sont complémentaires. En réalité, il faut garantir la sérénité de la procédure et favoriser l'échange de propos authentiques. Lors du procès Fofana, grâce à la publicité restreinte, il a été possible aux familles des mis en cause, aux témoins et aux professionnels de l'enfance d'assister aux débats. Une véritable pédagogie a pu être menée en faveur de ces jeunes qui mettaient en cause la justice.
La publicité des débats aurait surtout servi le goût de la provocation du jeune Fofana, qui rêvait d'avoir ainsi une tribune pour ridiculiser la justice. Au cours de ce procès, les débats ont été très approfondis, ce qui aurait été impossible s'ils avaient été publics. Les jeunes mis en cause étaient, certes, majeurs au plan de l'état civil, mais ils se sont révélés très immatures.
La société doit s'attacher à ce que la justice s'accomplisse dans le respect de la vie privée des mineurs et avec le souci d'assurer leur réinsertion.
Pourquoi vouloir modifier cette règle fondamentale du droit pénal des mineurs alors que le Parlement doit être saisi dans quelques mois d'un projet de nouveau code pénal des mineurs ? Pourquoi cette proposition de loi de circonstance, alors que la garde des Sceaux, dans une récente intervention lors de la rentrée de l'École nationale de la magistrature, a réaffirmé son attachement à des réformes globales portant une philosophie du droit clairement énoncée ?
Je rappelle par ailleurs que la commission Varinard a réaffirmé son attachement au principe de publicité restreinte.
Je n'ose imaginer le procès en appel, en octobre prochain, de l'affaire Fofana avec une procédure de publicité. Ce procès sera très douloureux et rien ne pourra réparer la peine des victimes, quelle que soit la qualité des débats. Je m'adresse ici à des parlementaires, qui sont aussi des citoyens qui doivent garantir à la justice toute sa sérénité. J'espère vous avoir convaincus de la nécessité de ne pas modifier les règles actuelles, car elles contribuent à la révélation de la vérité et à la bonne qualité de la justice.