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Intervention de Thierry Carcenac

Réunion du 2 février 2010 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Carcenac :

Nous voici réunis pour examiner une loi de finances rectificative pour 2010 qui aura pour effet de porter le déficit de l'État à 149,2 milliards d'euros, alors même – chose paradoxale – que le Gouvernement engage un débat tendant à réduire les déficits publics. Et il reproche aux collectivités locales la politique de la chaise vide et l'accroissement des dépenses publiques. Cet après-midi encore, en réponse à une question au Gouvernement, vous avez regretté, monsieur le ministre, que des associations d'élus refusent de participer à la réunion sur la réduction des déficits publics.

Dois-je rappeler que les collectivités territoriales ont obligation d'équilibrer la section de fonctionnement de leur budget ? Contrairement à la pratique de l'État, l'emprunt ne peut pas être utilisé pour couvrir leurs dépenses courantes et ne sert qu'à financer la section d'investissement, lorsque l'épargne dégagée sur les recettes de fonctionnement n'est pas suffisante.

S'il s'agit bien d'un déficit au sens maastrichtien, il reste faible et correspond au financement d'un patrimoine valorisé dans les comptes de la collectivité et contribuant à favoriser la croissance – construction de collèges, de lycées, de routes. Ainsi, au troisième trimestre 2009, l'État et ses administrations représentaient plus de 87 % de la dette publique, alors que la part des collectivités est bien plus modeste.

Dois-je rappeler que l'État estime réaliser un effort financier envers les collectivités de quelque 100 milliards d'euros, et reproche à ces dernières de coûter trop cher, et donc de creuser son propre déficit ? En réalité, ce que l'État qualifie « d'effort financier pour les collectivités locales » correspond bien souvent à des ressources fiscales qui leur ont été retirées ou à la compensation de charges qui leur ont été transférées. Il semble donc difficile de considérer ces montants comme une aide qui leur est généreusement octroyée par l'État. Il est difficile de les considérer comme une variable de maîtrise des déficits de l'État.

Les principales dotations de l'État sont versées sous forme de prélèvements sur recettes, soit près de 50 milliards d'euros en 2009. Le Conseil constitutionnel analyse d'ailleurs les prélèvements sur recettes comme « une rétrocession directe d'un montant déterminé de recettes de l'État […] en vue de couvrir des charges qui incombent à ces bénéficiaires et non à l'État et qui ne sauraient, dans ces conditions, donner lieu à une ouverture de crédits dans les comptes des dépenses du budget de l'État ». C'est le cas de la dotation globale de fonctionnement que le Comité des finances locales vient de répartir ce matin, pour plus de 40 milliards d'euros.

Il s'agit d'autre part des dotations budgétaires inscrites au budget de l'État – dotation globale d'équipement, dotation générale de décentralisation –, dont, cette année, le montant n'évolue pas ou si peu ; des dégrèvements de fiscalité locale pour lesquels il convient d'éviter tout amalgame ; de la fiscalité transférée pour le financement des compétences décentralisées – droits de mutation à titre onéreux, taxe spéciale sur les conventions d'assurance, taxe intérieure sur les produits pétroliers. Pour ces dernières, le postulat selon lequel ces ressources constitueraient un effort financier de l'État est d'autant plus surprenant que la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités a considéré ces recettes comme des ressources propres des collectivités locales. En conséquence, il s'agit d'une stigmatisation orientée et partiale de la dépense locale, que vous voulez accréditer à force de répétitions.

Je souhaite maintenant aborder plus particulièrement la situation des départements qui subissent de plein fouet les conséquences de la crise économique et sociale, qu'accentue la diminution de leurs ressources – les droits de mutation à titre onéreux ayant baissé de près de 30 % –, et qui doivent financer l'augmentation des dépenses sociales pour faire face à la dépendance – APA –, au RMI devenu RSA, auxquelles s'ajoutent, cette année, un transfert nouveau, l'allocation de parent isolé, et la prestation de compensation du handicap. Ces dépenses sont passées de 14 milliards d'euros en 2001 à 28,8 milliards d'euros en 2008. Elles représentent aujourd'hui plus de 60 % des dépenses réelles de fonctionnement des départements. Elles expliquent la majeure partie de la dégradation de la situation financière des départements et l'effondrement de leurs taux d'épargne. Chaque année, le déficit de compensation sur ces trois prestations s'élève à près de 3,8 milliards d'euros.

Chaque année, les départements supportent le transfert insidieux des conséquences des désengagements budgétaires de l'État. C'est le cas en matière de protection judiciaire de la jeunesse, dont les crédits relatifs à la protection des jeunes majeurs sont passés de 100 millions d'euros en 2005 à 50 millions d'euros en 2008, et devraient atteindre 13 millions d'euros en 2009. Ils ont baissé encore de 50 % en loi de finances initiale pour 2010.

Mais je pourrais évoquer la situation de l'API, que les départements devront préfinancer, avec des changements de périmètre décidés et non financés, la clause de réexamen étant décalée en loi de finances rectificative 2010 et 2011.

Vous devez donc comprendre pourquoi les associations d'élus sont méfiantes lorsque vous leur proposez de participer à un débat auquel elles n'adhèrent pas.

Le Gouvernement, saisi de la situation de départements fragilisés, s'est contenté, pour toute réponse, de commander à M. Jamet, directeur général des services du conseil général du Rhône, un rapport supplémentaire qui sera rendu public le 15 avril : il devra formuler des propositions permettant de renforcer la péréquation financière entre les départements et suggérer des améliorations du pilotage des dépenses d'action sociale.

La situation des départements en difficulté exige des mesures d'urgence si l'on ne veut pas qu'elle se dégrade : le réexamen des financements croisés avec versement de fonds de concours à l'État pour une route nationale, par exemple, ou pour une université ; une meilleure compensation versée au titre de l'APA pour les départements à la population la plus dépendante – la compensation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est aujourd'hui inférieure à 30 %, alors que l'objectif initial était de 50 % – ; une meilleure compensation du RSA rendue nécessaire par le caractère inadapté de la ressource transférée ; la prise en compte de la montée en charge de la prestation de compensation du handicap.

Dans ces conditions, vous comprendrez que nous soyons attentifs aux annulations nettes de crédits évaluatifs, notamment à la mission « Remboursements et dégrèvements » pour 1,194 milliard d'euros, qui auraient pu être utilisés différemment.

C'est pourquoi nous ne pouvons pas cautionner la politique que vous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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