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Intervention de Patrice Martin-Lalande

Réunion du 2 février 2010 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Martin-Lalande :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, au risque de ne pas vous surprendre, je consacrerai la totalité de mon intervention au volet numérique des investissements d'avenir.

Je crois en effet que nous vivons un moment véritablement historique pour l'avenir du numérique en France, avec la décision d'attribuer 4,5 milliards d'euros aux investissements d'avenir en matière de développement des réseaux à très haut débit et de soutien aux usages, services et contenus numériques innovants. Il faut se réjouir de cet engagement sans précédent de l'État en faveur de la société numérique, sous son double visage des réseaux et des contenus. Ce soutien au développement de nouveaux usages et contenus numériques est d'ailleurs l'une des grandes originalités du volet numérique du PLFR.

Il faut donc féliciter la commission Juppé-Rocard pour ses propositions ambitieuses, et tout autant féliciter le Président de la République et le Gouvernement pour les arbitrages courageusement rendus dans le sens des priorités qui avaient été fléchées, notamment, le 10 septembre dernier lors du séminaire intergouvernemental organisé, à la demande du Premier ministre, par Nathalie Kosciusko-Morizet, séminaire auquel nous étions un certain nombre de parlementaires à participer.

Je voudrais que le Gouvernement complète l'information du Parlement, d'une part sur certains points de la présentation par le PLFR de l'action à mener dans le domaine du numérique, et, de l'autre, sur certaines questions de principe qui prennent une dimension nouvelle en raison de l'engagement sans précédent du Gouvernement en faveur du numérique.

Certains points de la présentation du PLFR demandent en effet à être précisés. Premier point : l'exposé des motifs du PLFR peut, sur certains points, soulever des questions. S'agissant par exemple du projet de satellite très haut débit Megasat, on constate certaines différences entre ce que décrit le Gouvernement et ce que nous en avait dit le porteur de projet – subvention et non prise de participation, nombre de foyers couverts, inclusion ou non de la R & D. Le Gouvernement peut-il nous préciser quelle est la valeur, juridique ou politique, de ces modalités d'action ? Une décision est-elle déjà prise ou ne s'agit-il que d'une simple hypothèse de travail ?

Deuxième point : l'objectif affiché par le PLFR d'une couverture de 70 % de la population en très haut débit dans dix ans nous semble à ce stade imprécis et demande à être redéfini. S'agit-il en effet d'une couverture de 70 % avec la seule fibre optique ou toutes technologies confondues ? Si c'est avec la seule fibre optique, que serait le taux de couverture toutes technologies confondues ?

Retenons l'hypothèse selon laquelle la couverture s'entend toutes technologies confondues. Si l'on inclut dans les 70 % les 20 % des zones 1, qui ne doivent rien aux investissements publics d'avenir – puisque le marché pourvoira aux besoins –, lesdits investissements n'auraient un effet que pour 50 % de la population, alors que 80 % de celle-ci ont besoin de l'intervention publique, faute de pouvoir compter sur le marché. Il convient donc, selon moi, d'appliquer l'objectif de 70 % aux seules zones 2 et 3 : cet objectif serait à la fois ambitieux et réaliste.

Je comprends qu'il soit difficile de fixer aujourd'hui un pourcentage précis, puisque l'on ne sait pas quel sera l'effet de levier des investissements d'avenir. C'est pourquoi je souhaiterais que le Gouvernement présente au Parlement, l'année prochaine, un premier bilan de la couverture en très haut débit, et, surtout, une définition plus précise de l'objectif de couverture d'ici dix ans.

Il lui faudra aussi préciser comment, et selon quel calendrier, la partie non couverte de la population bénéficiera, à terme raisonnable, du très haut débit. Tous les Français, madame la ministre, monsieur le ministre, auront-ils accès au très haut débit, avec des technologies différenciées, d'ici une quinzaine d'années ?

Au-delà des objectifs présentés dans le PLFR, je veux souligner l'importance stratégique de certains usages nouveaux pour faire face aux évolutions de notre société. L'internet renouvelle complètement les moyens d'assurer l'accessibilité des services publics en abolissant pour la première fois le problème de l'éloignement géographique. En outre, compte tenu de cette formidable évolution pour notre société qu'est l'allongement de la durée de vie, l'internet offre un certain nombre de moyens pour compenser les charges du vieillissement et de la dépendance, dans le cadre du maintien à domicile, de la surveillance médicale à distance et sur d'autres aspects.

Le télétravail est également un objectif important de la société numérique. C'est pourquoi je crois important de le sortir de la rubrique « ville numérique » pour en faire un item à part entière, auquel il conviendrait, ce me semble, d'allouer une centaine de millions d'euros, afin de pouvoir lancer un appel à projets pour les télécentres, bien nécessaires, notamment en zone rurale.

La question du contrôle par le Parlement a été parfaitement traitée par notre rapporteur général Gilles Carrez ; j'ai moi-même déposé des amendements tendant à associer ou à informer le Parlement de l'action du Fonds national pour la société numérique.

L'enveloppe numérique des investissements d'avenir représente une mobilisation sans précédent de crédits publics. Dès lors, ne faudrait-il pas, pour ces crédits, mettre en place des outils de gestion et de gouvernance eux aussi exceptionnels ? À ce titre, le Conseil national du numérique, dont la mise en place doit intervenir avant la fin du mois de mars, sera sans doute l'un des outils les plus adaptés, puisqu'il associera étroitement le public et le privé. Deux solutions sont possibles, que je me permets de vous soumettre : la première consiste à adjoindre au commissaire général à l'investissement, René Ricol, un comité stratégique au sein duquel siégerait un représentant du CNN ; la seconde est qu'un représentant du CNN siège pleinement au sein du comité de surveillance des investissements d'avenir, qui, récemment créé, est conjointement présidé par les anciens Premiers ministres Alain Juppé et Michel Rocard.

Enfin, je souhaite qu'un comité d'experts soit mis en place pour chacune des deux actions, les réseaux et les usages : à deux fonds doivent être associés deux comités d'experts.

Au regard de l'engagement sans précédent de l'État en faveur du numérique, certaines questions de principe prennent une dimension nouvelle. En tant que rapporteur spécial de la mission « Médias », j'ai déjà eu l'occasion de regretter les lacunes actuelles de la présentation budgétaire s'agissant de l'action de l'État dans le domaine numérique. Aujourd'hui l'internet constitue le « média des médias » ; il conviendrait donc que l'actuelle présentation du budget alloué aux médias s'élargisse à l'action de l'État en faveur de ce « méta-média ».

Dans mon rapport d'information de mars 2007 relatif à la société de l'information dans le budget de l'État, j'avais proposé, outre la création d'un secrétariat d'État à la société numérique – ce qui est aujourd'hui chose faite –, que soit clairement identifiée, au sein des documents budgétaires, la politique de l'État en faveur du développement de l'internet. J'avais suggéré, à tout le moins, qu'un document de politique transversale traduise, dans le budget national, la politique de l'État en faveur de l'internet.

Le PLFR, après le plan France numérique 2012, montre que l'État considère l'accès à l'internet haut débit comme un service indispensable pour tous. Dans une décision en date du 10 juin 2009, le Conseil constitutionnel a reconnu que l'accès à l'internet est un droit fondamental. À l'occasion du projet de loi « Création et Internet », j'avais proposé, sans succès, un amendement pour inscrire dans notre législation un droit d'accès à l'internet. Au moment où tout le territoire va être couvert en haut débit – par l'ADSL, le câble ou le satellite –, au moment où s'engage un gigantesque effort de couverture en très haut débit, je renouvelle ma demande : le Gouvernement compte-il s'engager pour assurer, en droit français, un droit d'accès à l'internet éventuellement intégré au service universel, comme cela existe déjà pour le téléphone ?

Enfin, la neutralité du réseau concerne des questions aussi fondamentales que l'égalité d'accès à l'internet et le traitement non discriminatoire des usagers et des fournisseurs de contenus. Le Gouvernement et le Parlement ne pourront pas se contenter de soutenir le développement des réseaux et des usages : ils devront prendre leurs responsabilités dans la lourde question de la neutralité du réseau.

Cet effort public sans précédent ne doit pas favoriser la mise en place de services internet à deux vitesses. Il ne faudra pas pour autant décourager l'effort privé : l'effort public ne peut être efficace que s'il sert de levier à un fort investissement privé.

Telles sont les remarques que je voulais formuler au sujet du volet numérique, qui, me semble-t-il, constitue un point fort des investissements d'avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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