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Intervention de Dominique Baert

Réunion du 2 février 2010 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Baert :

C'est une décision délibérée d'augmenter la dette. Pis, le Gouvernement s'en félicite !

Les chiffres publiés révèlent pourtant l'ampleur du dérapage déjà réalisé. Fin décembre 2009, la dette négociable est de 1 148 milliards d'euros, soit, en un an, 131 milliards de plus, 13 % de plus, plus de dix points de PIB en plus ! De 66 % en 2008 à 85 % en 2010 : 20 points de PIB de plus en deux ans ! Avec ce record, ce gouvernement entre dans l'histoire budgétaire, la mauvaise.

La seconde préoccupation, c'est qu'à trois égards, cette dette place la France dans une zone de fragilité, une zone dangereuse, comme le disait Philippe Séguin.

Et ce d'abord à cause de la charge de la dette générée. Avant même cet emprunt, vos propres projections annoncent que cette charge va augmenter de 4,5 milliards en 2010, pour atteindre 43 milliards. Aurait-on oublié que les taux d'intérêt sont exceptionnellement bas et que, la reprise aidant, ils vont augmenter, augmentant nos charges d'intérêt par la même occasion ? Ignorerait-on l'extrême élasticité de cette charge globale à la hausse des taux ? Pour une hausse de taux de 1 %, ce sont 2,5 milliards de plus la première année, 4,2 milliards la seconde et 6,3 milliards la troisième !

Cette sensibilité au taux d'intérêt est d'autant plus forte que ses besoins de financement, l'État les finance surtout à court et très court termes, et ce de plus en plus : 13,6 % de la dette était souscrite à court terme en 2008 contre 18,7 % en décembre 2009, pour 214 milliards d'euros alors que ce n'était que 138 milliards un an plus tôt.

Et qui peut oublier que cette dette de l'État est de plus en plus souscrite – pour plus des deux tiers – par des prêteurs non résidents ? Pour les conserver, vous risquez un jour d'en payer le prix par la prime de risque.

L'État français a donc une dette déjà onéreuse, de court terme et financée par des investisseurs étrangers. Qui dira qu'elle n'est pas un facteur de fragilité ? À l'évidence, la stratégie du grand emprunt accentue cette fragilité, sachant que ce dernier se fait par de tels artifices de trésorerie que personne n'a encore su nous dire ici quel en serait le terme réel ni même le taux d'intérêt qu'il coûterait. Avec cet emprunt, j'ai le sentiment, en parodiant une humoriste, que l'on ne nous dit pas tout. Où cela va-t-il nous mener ?

Enfin, à supposer même que plusieurs des investissements envisagés soient pertinents, ce grand emprunt oublie deux urgences sociales majeures.

Il oublie tout d'abord un investissement, car c'en serait un que de consacrer des fonds à l'hôpital public, aujourd'hui étranglé par ses déficits et sa dette. Avec 1 milliard d'euros, les déficits de tous les hôpitaux publics de ce pays seraient apurés et tous les comptes équilibrés en 2010. Et même, qu'une caisse de titrisation des dettes du secteur hospitalier soit créée, et qu'avec un montage financier astucieux elle puisse être collectivement amortie, et toute la gestion hospitalière bénéficierait d'un ballon d'oxygène salvateur.

La recherche, l'université, investir dans le capital humain, c'est important, ô combien, mais éviter que celui-ci ne se dégrade en lui permettant de se soigner, en investissant dans la santé, ça l'est aussi.

De même, si de l'argent existe, n'oublions pas que des urgences humaines existent également. Le problème des fins de droits n'est pas résolu, non plus d'ailleurs que le financement de l'AER, l'allocation équivalent retraite, dont des chômeurs âgés ont un criant besoin, tout simplement pour vivre.

En Allemagne, il a été décidé dès le début de la crise de prolonger l'indemnisation du chômage de manière significative. En France, ce gouvernement a fait l'inverse, puisque l'AER n'a pas été reconduite. C'est une terrible erreur sociale et économique.

Chers collègues, au moment de brasser les milliards et de parler de grands projets, n'oublions pas qu'il y a en France aujourd'hui des millions de gens qui souffrent de mal vivre, et le plus bel investissement que l'on pourrait leur offrir, c'est de changer de politique économique, de renoncer à une politique économique dont l'échec est avéré par le grand emprunt lui-même. Un échec qui se solde par un chiffre : 20 600 euros ; c'est ce que doit payer chaque Français pour que la dette de l'État soit liquidée. Gageons – c'est à craindre – que ceux qui paieront demain n'auront pas eu la chance de bénéficier des cadeaux fiscaux d'hier, qui ont creusé les déficits. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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