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Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 2 février 2010 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2010 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

…la santé de 13,3 millions, l'aide publique au développement, 23,5 millions, la ville et le logement de 23 millions et, il est vrai plus modérément, le travail et l'emploi de 5,5 millions.

« Démarrer l'année avec près de 1 milliard d'euros de crédits supprimés, c'est un exercice inhabituel et difficile pour les ministères », a souligné Matignon. N'y avait-il donc d'autres solutions ?

Vous m'objecterez sans doute que nombre de secteurs concernés par ces restrictions budgétaires entrent eux-mêmes dans les priorités du grand emprunt. Mais il est pour le moins contradictoire qu'au moment où vous voulez afficher un effort dans ces domaines, ce soit justement dans ceux-là que vous « taillez » en premier lieu. C'est une étrange conception du rôle de l'Etat que véhicule votre dispositif, lequel n'offre aucune garantie supplémentaire en termes de pilotage et d'évaluation des investissements.

Pire, l'effet de vos réductions de crédit sera immédiat, c'est-à-dire qu'il se fera sentir dès 2010, alors que l'effet de l'emprunt ne se produira, s'il se produit, que dans le temps.

Ce dispositif trahit surtout votre volonté, non pas d'abonder les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche dans leur ensemble, mais de cibler des pôles d'excellence associant étroitement recherche fondamentale et recherche appliquée.

De la même façon, vous n'avez pas pour ambition d'aider les PME, mais de concentrer les moyens sur les seules entreprises « innovantes », le développement des véhicules du futur et le secteur aéronautique. On devine tout de suite qui va être servi.

De même, nous sommes dubitatifs quand, après avoir affirmé que la France devait « mieux valoriser son effort de recherche », ce que nous approuvons, vous poursuivez votre phrase en précisant : « dont elle ne tire pas suffisamment de profit financier ». Est-ce là le nouveau noble objectif fixé à la recherche ? Si oui, c'est inquiétant.

Concentrer autant de moyens sur des niches aussi étroites pose question. Comme le souligne à juste titre Jean-Louis Levet, directeur général de l'Institut de recherches économiques et sociales, « c'est d'une action continue et multiforme que le pays a besoin, tout comme à l'échelle européenne. Pour réorienter les financements vers des projets de long terme, réhabiliter l'industrie dans la société, et notamment auprès des jeunes et des femmes, mettre en oeuvre un effort soutenu et sans à-coups en matière de créativité, de recherche et d'innovation dans l'ensemble des activités, tant les besoins sont considérables, en particulier ceux liés à la mutation écologique de l'économie. Cette prise de conscience nous donne l'opportunité de doter le pays d'une stratégie de développement par l'industrie. »

C'est bien ainsi que nous, communistes, voyons les choses, et par bien des aspects, les priorités que vous nous proposez nous semblent encore tributaires de l'idée, à la mode il y a quelques années, qui voulait que soit venu le temps de la « nouvelle économie », celle d'internet et de la finance.

Ce modèle a précisément accompagné la désindustrialisation de notre pays, qui fut plus rapide et profonde que chez beaucoup de nos voisins.

Les importantes pertes d'emplois industriels – moins 27 % depuis 1990 – ont provoqué un transfert de la population active vers des emplois peu qualifiés et moins bien rémunérés. La création de nouvelles activités dans les secteurs que l'on qualifiait déjà d'avenir est restée durablement au point mort. L'industrie est à la portion congrue dans votre répartition de l'emprunt. Surtout, celle-ci est beaucoup trop ciblée pour être efficace.

Nous nous interrogeons donc profondément sur les choix qui sont aujourd'hui les vôtres. Rien, par exemple, n'y est prévu en faveur du rail, qui représente un enjeu considérable, pour la réalisation d'infrastructures de transport nouvelles, de rénovations de matériel pour dynamiser le tissu industriel ou améliorer l'offre de formation dans son ensemble.

Au lieu de faire de grands discours sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre, donnez donc les moyens à la SNCF d'empêcher la remise sur la route de milliers de camions et de développer le fret ferroviaire. Investir dans le rail – voyageurs et fret – est un investissement d'avenir. L'effort envisagé n'est absolument pas à la hauteur des enjeux dans ce domaine.

La priorité est aujourd'hui, plus que jamais, de conforter les atouts de notre pays, durement mis à mal par votre politique depuis quelques années : son modèle social, la qualité des services publics, la qualité de ses infrastructures, son tissu de PME, le niveau de qualification de ses salariés, la qualité et l'indépendance de la recherche publique. Ce sont là des facteurs majeurs de l'attractivité de la France, des atouts de sa prospérité économique, qui, pour vous, ne font visiblement plus figure que d'archaïsmes.

Au vu des expériences passées, qu'est-ce qui vous permet aujourd'hui d'affirmer que vos choix d'investissements stratégiques vont effectivement doper la croissance ? Au profit de qui ?

Pour prendre une analogie, vous me semblez en la matière raisonner de la même manière, et avec les mêmes chances de succès, que lorsque vous affirmez que permettre de baisser la fiscalité d'une poignée de Français est profitable à l'ensemble !

Vous me rappelez ces gens d'une autre époque qui disaient, à la sortie des églises : « Heureusement qu'il y a des nobles pour pouvoir donner l'aumône aux pauvres ! »

Et vous me permettrez d'évoquer, pour finir, la question de la taxation des bonus, autre disposition emblématique de votre projet de loi.

Emblématique, en tout cas, de votre méthode, qui consiste en une stratégie d'affichage politique permanente, qui peine malheureusement à masquer un manque flagrant de volonté, à moins que ce ne soit une croyance aveugle dans le dogme selon lequel la priorité accordée à l'intérêt privé est la meilleure façon de garantir l'intérêt général.

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