Monsieur le ministre, permettez-moi tout d'abord de m'étonner, une fois n'est pas coutume, du calendrier de vos priorités constitutionnelles. Je suis déjà revenu à plusieurs reprises sur l'absence, ne serait-ce que sous la forme d'embryon, de projets de loi relatifs à la création du défenseur des droits ou au référendum d'initiative conjointe, pour ne parler que de ceux découlant de la réforme constitutionnelle votée en juillet 2008, alors que vous nous avez vendu ces sujets comme le volet citoyen de la réforme. Je ne parle même pas du mode de scrutin ou du droit de vote des étrangers, dont notre Président de la République a encore parlé dernièrement. On attend toujours…
En lieu et place de ces avancées réellement démocratiques que nous aurions souhaitées, nous discutons ce soir d'une procédure de ratification parlementaire de nomination à certains emplois par le Président de la République. Ce qui est présenté comme une avancée majeure pour le pouvoir du Parlement n'est, à nos yeux, ni plus ni moins qu'un gadget.
Les commissions compétentes des deux chambres devront réunir trois cinquièmes de suffrages négatifs pour s'opposer à une nomination présidentielle. Autant dire que cela n'arrivera jamais. En première lecture, j'avais fait le pari qu'il n'y aurait aucun contrôle parlementaire réel des nominations. Avec la nomination du nouveau PDG d'EDF, je l'ai gagné plus vite que je ne l'aurais cru.
En attendant, nous nous retrouvons face à une espèce de no man's land juridique où l'encadrement des nominations présidentielles devient complètement surréaliste. Nous sommes littéralement baladés entre la réalité du projet de loi qui nous occupe et qui, de fait, n'a pas encore été voté, et des principes qui sont chaque jour avancés par le Gouvernement et le chef de l'État, faisant comme si ce texte était déjà en vigueur. Comme l'a rappelé M. Brottes lors des questions au gouvernement de la semaine dernière, M. Sarkozy a affirmé que le Parlement avait validé la proposition de nomination de M. Proglio. Or il n'en était rien. Non seulement l'audition, qu'on pourrait qualifier de hors-la-loi puisque la loi n'existe pas, a été faite à huis clos, mais, surtout, aucun avis n'a été émis.
D'un côté, M. Sarkozy fait comme si la procédure de nomination existait déjà, de l'autre, M. Fillon nous rappelle, en guise de réponse officielle, qu'elle n'a pas encore été mise en place. D'un côté, on en appelle à une absolution parlementaire pourtant inexistante. De l'autre, on renvoie le Parlement aux oubliettes en lui rappelant que, pour l'instant, il a juste le droit de se taire.
Quoi qu'il en soit, cet imbroglio juridique et législatif constitutif de la réforme constitutionnelle et de votre volonté d'encadrer les nominations, qu'elles soient présidentielles ou pas, semble paralyser vos cabinets. Il semblerait qu'en plus de la double casquette de M. Proglio, vous deviez faire face à une erreur, ou un oubli, d'inscription à l'ordre du jour de nos assemblées du projet de loi organique relatif à la nouvelle procédure de nomination des sages siégeant au Conseil constitutionnel. Or, d'ici à mars, trois d'entre eux devront être nommés. II est à croire que la motivation de l'urgence vous fera passer outre l'assentiment du Parlement. Pour qui suit un peu la teneur et le déroulement de nos débats depuis le début de cette législature, rien de bien neuf, les droits du Parlements seront de nouveau largement mis de côté, mais, de grâce, arrêtez de nous raconter des histoires.