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Intervention de Jean-Jacques Candelier

Réunion du 2 février 2010 à 15h00
Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Motion de rejet préalable du projet de loi organique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Le grand inconvénient du mépris du Parlement, c'est qu'il en résulte une gouvernance autoritaire et aveugle. L'esprit de cour prend le pas sur l'esprit critique. Les conséquences sont connues : éloignement des décideurs des préoccupations populaires ; lois d'amateurs et de connivence ; censures diverses du Conseil constitutionnel, comme celles de la loi HADOPI et de la taxe carbone.

Vous direz que je m'égare et qu'il s'agit de savoir en l'occurrence si nous voulons, oui ou non, instaurer un contrôle sur le pouvoir de nomination du Président de la République. Je vous répondrai très simplement : non, nous ne voulons pas d'un tel contrôle –d'un demi-contrôle inopérant : nous prononçant contre le principe même de ce système de nomination par le Président de la République, nous ne pouvons pas nous prononcer pour son encadrement. Cette position peut paraître radicale, mais elle est de bonne logique.

Je ne suis pas un grand défenseur de la Constitution de la Cinquième République, mais tout de même… Dans celle-ci, on peut lire qu'il revient au Gouvernement de déterminer et de conduire la politique de la Nation, n'est-ce pas, monsieur le ministre ? (M. le ministre opine.) Or qui peut croire que des institutions aussi importantes que la Banque de France, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, EDF, OSÉO, la SNCF ou encore l'Agence nationale de renouvellement urbain, ne jouent pas un rôle éminent dans la conduite de la politique de la France ? Qui peut croire que l'activité des quelques cinquante hautes autorités, entreprises publiques et institutions dont la liste est contenue dans ce projet de loi organique, ne participe pas des pouvoirs publics ? Ces organismes sont autant de démembrements de l'État, et, pour ceux-ci, on parle bien de la nomination aux fonctions les plus éminentes « pour la garantie des libertés ou la vie économique et sociale de notre pays ». Ce n'est tout de même pas rien !

Il faut donc s'interroger.

En vertu de quel principe supérieur, les nominations des dirigeants de toutes ces entités devraient-elles relever du Président de la République et non du Gouvernement, lequel, je le rappelle, est chargé de déterminer et de conduire la politique de la Nation ? Sans doute n'ai-je pas saisi toute la subtilité de notre Constitution !

Ce dont je suis certain, c'est que la révision constitutionnelle n'est pas allée totalement au bout de la logique présidentialiste de ses instigateurs. Elle n'a effectivement pas clarifié les responsabilités en matière de pouvoir exécutif entre le Président et le Gouvernement, et nous en sommes restés à l'hypocrisie de 1958.

Malgré cela, le pouvoir constituant a tout de même voulu acter la prédominance présidentielle. On a, par exemple, permis au Président de venir s'exprimer devant le Parlement réuni en Congrès. On a voulu acter, d'une manière ou d'une autre, un changement de pratique que tout le monde reconnaît et qui va malheureusement dans le sens du pouvoir d'un seul.

D'où ce texte.

Ce projet de loi organique sur l'encadrement du pouvoir de nomination du Président n'est qu'un leurre ; cela a été dit. C'est surtout une pièce maîtresse pour légitimer la prédominance absolue du Président, qui doit avoir tous les pouvoirs.

Je pose alors une question : que se passerait-il en cas de cohabitation ? On ne peut pas écarter l'hypothèse.

Toutes les nominations importantes pour la vie de notre pays seraient tout simplement hors de portée du Gouvernement, censé mener la politique de la Nation. Le Parlement pourrait tout juste mettre son veto à certaines nominations, mais seulement s'il se prononce à plus des trois cinquièmes. Drôle idée de la démocratie !

D'autre part, les motifs invoqués par le Gouvernement pour justifier ce texte ne manquent pas de piquant. Lorsque vous nous expliquez, monsieur le ministre, que ce texte participe du renforcement des moyens de contrôle du Parlement sur le Président de la République, je me demande s'il ne s'agit pas d'une provocation, car c'est justement au motif qu'il ne pouvait y avoir de contrôle du Parlement sur le chef de l'État que toute la droite a accouru pour bloquer l'initiative de nos collègues du groupe SRC, qui demandaient à enquêter sur les dépenses en sondages de l'Élysée !

La droite parle de séparation des pouvoirs et, quand cela l'arrange, d'impossibilité de contrôle des actes du Président par le Parlement.

Or que nous propose-t-on ici, monsieur le ministre, si ce n'est de contrôler les actes du Président ? Nous sommes donc bien dans un système à géométrie variable.

En réalité, on nous lâche quelques miettes car cela ne mange pas de pain ! De plus, les propos tenus par le Gouvernement en commission des lois dépassent l'entendement. Il nous a rappelé que la loi organique ne concerne que les nominations effectuées par le Président de la République et que celles qui incombent au Premier ministre sont exclues de son champ. C'est, en somme, le monde à l'envers ! On nous propose de mieux contrôler le chef de l'État, mais on écarte du contrôle de la représentation nationale le chef du Gouvernement.

On le sait, notre constitution est particulièrement bancale et hypocrite en matière de pouvoir exécutif. Avec ce texte, on nous propose d'entériner cette situation, au profit de la seule présidence de la République.

Dans le contexte de déni des droits du Parlement, l'exécutif entend se donner bonne conscience, avec ce texte encadrant le pouvoir de nomination du Président.

Nous ne pouvons cautionner cette mascarade. Nous ne pouvons cautionner la dérive présidentielle de nos institutions. Nous ne pouvons admettre que le Président de la République puisse être responsable pour certains de ses actes devant l'Assemblée, mais pas pour tous. J'ai évoqué le budget « sondages » de la présidence, mais je pourrais parler de bien d'autres sujets ! C'est totalement inadmissible.

Les députés communistes, républicains et du Parti de Gauche considèrent que toutes les nominations devraient relever du Premier ministre et être avalisées à la majorité simple par le Parlement. La majorité simple, ce n'est déjà pas trop demander, puisque nous sommes minoritaires ! Cela permettrait peut-être d'éviter des scandales, comme la nomination du PDG d'EDF. Celui-ci, non content de cumuler emploi public et emploi privé, a, en plus, bénéficié d'une augmentation de salaire de 45 % par rapport à son prédécesseur. Je sais que cela choque même dans les rangs de l'UMP, c'est dire…

C'est toute la République des grands et des petits privilèges qui est à déconstruire. Nous voulons donner la prééminence au Gouvernement, qui tient sa légitimité du soutien des élus du peuple. Pourquoi ne pas réfléchir à un encadrement des nominations des membres du Gouvernement par le Parlement ? Cela aurait un grand sens institutionnel et limiterait le fait du prince.

Nous pourrions imaginer que ministres et secrétaires d'État ne puissent prendre leurs fonctions qu'après un grand oral et un vote conforme des députés. Cela marquerait un progrès notable du contrôle parlementaire.

Nous mettons aussi en débat bien d'autres idées pour garantir la place du Parlement. Nous pourrions abandonner le vote bloqué…

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