Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Olivier Poivre d'Arvor

Réunion du 20 janvier 2010 à 9h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Olivier Poivre d'Arvor, président de CulturesFrance :

Le petit nombre de personnes présentes est compensé par leur conviction. L'important est que le débat soit ouvert à l'Assemblée. Il l'a été au Sénat et cette assemblée a fait pas mal de choses ces dernières années.

L'action culturelle extérieure n'est pas, à l'évidence, la priorité des priorités du Président de la République. Je comprends qu'il ait d'autres dossiers à traiter. La diffusion culturelle est cependant un sujet majeur car elle touche à l'identité – j'irai même jusqu'à dire à l'identité nationale...

Le français doit être une langue de résistance et être perçu comme telle, y compris au sein de l'Union européenne. Quand nous nous rendons à l'étranger, nous sommes contents que certains noms d'artistes français soient connus et que notre langue soit parlée par quelques personnes qui comptent. C'est de moins en moins le cas. À cet égard, la langue de bois des apparatchiks qui expliquent que l'apprentissage de notre langue est en augmentation est insupportable. Nous assistons à un effondrement du français en Espagne, au Portugal, en Grèce, en Italie. Il ne figure plus parmi les langues obligatoires et n'est plus parlé par la nouvelle génération. Dans vingt ans, il n'y aura plus que quelques personnes à l'étranger qui parleront le français alors qu'il y a encore vingt ans, on travaillait dans notre langue.

L'apprentissage de l'anglais augmente de manière considérable, y compris dans les pays africains considérés comme francophones. D'ailleurs, on compte souvent comme francophone l'ensemble des populations des pays africains alors que dans la réalité, seule une toute petite majorité le parle, malgré son statut de langue officielle.

Il est grave que l'on ne se rende pas compte que notre influence culturelle concourt à notre influence économique, politique et diplomatique. Le cas d'Haïti, où je me trouvais il y a encore trois semaines, est, à cet égard, symbolique. Une part de la littérature francophone vient de ce pays et nous connaissons tous les grands écrivains Depestre, Métellus, Trouillot. Mais en même temps, la forte présence de l'Amérique dans l'aide apportée au peuple haïtien – ce qui est par ailleurs heureux et formidable – nous fera perdre beaucoup de crédit auprès de ses élites.

CulturesFrance ne pèse que 30 millions d'euros, dont 20 millions de programmes. En voici brièvement le Meccano :

À la tête de l'édifice se trouve le ministère des affaires étrangères. Celui-ci délègue une partie de ses crédits aux postes. Nos ambassades et nos services culturels ont donc des moyens propres. Ceux-ci sont en diminution constante, mais les services culturels financent néanmoins de nombreux centres culturels français par le biais de subventions.

Le ministère des affaires étrangères finance également un certain nombre d'opérateurs dont vous avez trois représentants aujourd'hui devant vous. Les opérateurs sont dispersés. Vous nous donnez aujourd'hui l'occasion de nous rencontrer mais, depuis dix ans que j'exerce ma fonction, aucune réunion obligatoire des opérateurs n'a été organisée, ce qui montre qu'il existe un problème de pilotage et de tutelle très grave.

Enfin, il y a aujourd'hui une direction générale, la DGM – Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats –, dont vous avez rencontré une des directrices, Mme Delphine Borione.

Le projet de loi que vous allez examiner tend, dans un premier temps, à faire passer CulturesFrance du statut d'association à celui d'EPIC. Cela répond à une demande de la Cour des comptes et me paraît une bonne chose.

Je précise tout de suite que cela n'aura aucune incidence sur le mécénat qui nous a fourni en 2009 à peu près 15 % de nos moyens. La structure en EPIC permettra la même chose. Quant aux 80 personnes qui travaillent à CulturesFrance, elles ne sont pas particulièrement inquiètes pour leur avenir car les contrats seront transférés.

Ce sur quoi je veux insister, c'est sur le fait que la modification proposée par le projet de loi est modeste. Ce qui compte, c'est donc ce qui va suivre. Vous allez créer – pour employer une métaphore militaire – une sorte de porte-avions. Encore faudra-t-il ensuite que des avions viennent s'y poser, car les frais de fonctionnement d'une structure en EPIC étant beaucoup plus lourds que ceux de l'association, si aucun avion n'arrive, le porte-avions se transformera en Titanic.

Je précise à cet égard que le Festival de Limoges ne dépend pas de nous mais du ministère des affaires étrangères, ce que je regrette profondément.

Les demandes étrangères sont en constante augmentation. Ce qu'il y a de rageant dans la situation actuelle, c'est que la matière produite en France – par les citoyens et par le ministère de la culture – est exceptionnelle. La France compte aujourd'hui de grands metteurs en scène et de très bons écrivains. Le problème, c'est qu'elle a une capacité de projection de la force d'un petit élastique, c'est-à-dire nulle. C'est un paradoxe très regrettable.

La question de la langue n'est pas en cause. Un film français peut être tourné en anglais et sous-titré. De même, une pièce de théâtre peut circuler facilement grâce aux sous-titres. Et de grands groupes musicaux qui circulent à l'étranger comme Air et Daft Punk chantent en anglais.

Je ne suis pas d'accord avec ceux qui pensent que la diffusion culturelle n'est pas fongible. Si l'on définit une ambition unique et lisible, tout le monde s'y retrouvera et comprendra : les entreprises comme les collectivités territoriales.

Vous avez devant vous aujourd'hui trois représentants d'opérateurs participant à la diffusion de la culture française à l'étranger. Or, 23 autres personnes auraient pu également prendre place autour de la table ! J'y insiste à nouveau : la modification de statut que vous allez voter n'est qu'un début. Si, dans deux ou trois ans, aucun avion ne s'est posé sur le porte-avions, il faudra appeler les services d'urgence. J'espère que vous serez encore là pour le faire. Les prévisions budgétaires pour 2010 ne sont pas bonnes. Si rien n'est fait, notre disparition est envisageable à l'orée de 2015.

De nombreux centres culturels ont déjà été fermés. Pour l'instant, les opérateurs fonctionnent sur la base d'un vieux réseau d'amitiés et de sympathies pour la France. Mais celles-ci sont de moins en moins partagées parce qu'il y a de moins en moins de personnes qui parlent le français dans le monde.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion