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Intervention de Bernard Bajolet

Réunion du 27 janvier 2010 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bernard Bajolet, coordonnateur national du renseignement :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très honoré d'être entendu par votre commission pour vous présenter l'état de la réforme des services de renseignement. Je suis accompagné de deux de mes trois adjoints, le général Christophe Gomart et M. Jérôme Poirot. La structure que je dirige est relativement modeste avec ses 16 personnes. Ces effectifs, cependant, nous conviennent. Nos partenaires américains sont assez surpris de ce nombre dans la mesure où leur structure dispose d'environ 150 fois plus de personnels pour coordonner l'activité de dix fois plus de personnes, sans pour autant que leurs résultats soient systématiquement meilleurs que les nôtres. Je m'appuie en outre sur les structures du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et, notamment, sur le secrétariat du conseil national du renseignement qui comprend une demi-douzaine de personnes. Ce dernier anime des groupes de travail thématiques ou géographiques en liaison avec ma propre équipe.

La réforme des services de renseignement a commencé en 2007 avec la création de la délégation parlementaire au renseignement, qui est mon interlocuteur principal au sein du Parlement. J'ai déjà été reçu deux fois par vos collègues, ma dernière intervention ayant porté entre autres sur le deuxième site nucléaire iranien. La réorganisation s'est poursuivie en 2008 par la mise en place de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), fusion partielle des renseignements généraux (RG) et de la direction de la sécurité du territoire (DST). Cette évolution a été consacrée par le Livre blanc, qui recommandait que soit créée une structure unique de coordination du renseignement. Le Président de la République m'a confié ce travail par une lettre de mission le 23 juillet 2008 et j'ai été confirmé dans mes fonctions à la suite de la publication du décret du 24 décembre 2009 relatif aux institutions de défense et de sécurité. Le conseil de défense est devenu le conseil de défense et de sécurité nationale – avec ses deux formations spécialisées que sont le conseil national du renseignement (CNR) et le conseil des armements nucléaires – tandis que le SGDN est devenu le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN. Puis, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, ses adjoints et le coordonnateur national du renseignement ont été nommés lors du conseil des ministres du 13 janvier dernier.

Même si le décret donne une base forte à notre action, nous avions entamé dès 2008 d'importants travaux de réflexion et de modernisation du renseignement. En ce qui concerne les ressources humaines, une mission a été confiée à Bernard Pécheur, Conseiller d'État. Son rapport, remis en juin dernier, formule treize recommandations, dont la mise en oeuvre a été débattue dans le cadre d'un groupe de travail présidé par le CNR et réunissant des représentants du Premier ministre, des ministères et des services. Nous sommes parvenus à un accord sur tous les points, ce qui devrait permettre de faciliter la mobilité entre les différents services et donner plus de souplesse dans le recrutement de contractuels de haut niveau.

La formation a pour sa part fait l'objet d'une réflexion menée par Florian Blazy, maître des requêtes au Conseil d'État, dont le rapport a également été rendu en juin dernier. Celui–ci porte notamment sur la création d'une académie du renseignement. Il ne s'agit nullement de créer une structure physique de formation des agents, mais bien de développer un programme de formation commun, ou au moins partagé, pour l'ensemble des services concernés. Pour ce faire, nous mettons en place une mission de préfiguration dirigée par un spécialiste de l'ingénierie de la formation. Il lui appartiendra d'organiser la première session après avoir défini le contenu, la forme juridique et les moyens humains et budgétaires nécessaires à ce programme de formation. Nous ne cherchons pas à recréer de toutes pièces une structure, mais à partir de ce qui existe pour mutualiser les efforts et gagner en efficacité.

Sur le plan budgétaire, une mission a été confiée à l'inspecteur général des finances Yves Bonnet, qui a proposé, dans un rapport remis l'été dernier, une vue d'ensemble des moyens consacrés aux services de renseignement.

Je veux enfin insister sur l'investissement, bien que nous ayons la conviction forte que l'effort technologique ne doit pas se faire au détriment du renseignement humain, pierre angulaire du dispositif français de renseignement. Il n'en reste pas moins que nos équipes doivent disposer des outils adaptés à leurs missions. Je préside plusieurs comités interministériels d'investissement qui examinent ces questions. Nous veillons à développer les moyens des services, qu'il s'agisse du renseignement d'origine électromagnétique (ROEM) ou du renseignement d'origine image (ROIM).

Ces travaux montrent que nous avons franchi des étapes importantes, mais que la réforme n'est pas pour autant achevée. Notre objectif est bien de créer une véritable communauté française du renseignement. Je me réjouis d'ailleurs que ce terme ait été repris par le décret du 24 décembre dernier. Concrètement, cela se traduit, entre autres, par une réunion mensuelle de l'ensemble des responsables du renseignement, qui sont appelés à former une équipe, et par la tenue d'autres réunions à géométrie variable. Il s'agit bien de mutualiser nos pratiques et surtout de faciliter la circulation de l'information entre les services. C'est clairement la priorité, car on ne nous pardonnerait pas de ne pas avoir réagi à une tentative d'attentat en raison d'une mauvaise coordination des services.

Je tiens à remercier le Parlement, qui soutient, à l'occasion de la loi de finances, les moyens alloués aux services, tant pour le fonctionnement que pour l'investissement.

J'en viens maintenant à l'évaluation de la menace.

La tentative d'attentat sur le vol Amsterdam-Detroit du 25 décembre dernier nous interpelle et nous oblige à un examen rétrospectif. Nous avons déjà pris des mesures en conséquence, mais cela nous incite à ne pas relâcher nos efforts. Nous ne devons néanmoins pas nous focaliser sur un seul mode opératoire, mais envisager toutes les possibilités, sans exclure les attaques par voie maritime ou terrestre, tout en évitant de susciter l'inquiétude dans l'opinion.

La question de la prolifération nucléaire compte aussi parmi nos priorités et ne se limite pas au seul cas de l'Iran.

Nous sommes enfin très mobilisés sur le contre-espionnage, ayant constaté une hausse de l'activité de certains services sur notre territoire ou à l'encontre de nos intérêts. La menace est politique mais aussi et surtout économique. La délégation interministérielle à l'intelligence économique créée en juillet 2009 est en charge de ce dossier et veille à protéger les entreprises françaises contre toutes les menaces, qu'il s'agisse de l'espionnage industriel ou des prises de contrôle non souhaitées par exemple. En ce domaine, la lutte informatique est déterminante. L'agence nationale de sécurité des systèmes d'information, placée auprès du SGDSN, travaille activement sur ce dossier, mais nous devons encore faire un effort dans ce domaine.

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