Ce qui vient d'être dit est fondamental et me permet de rappeler un élément sur lequel nous n'avons pas suffisamment insisté. L'ordonnance de protection, que l'on appellera probablement un référé protection, n'a pas besoin d'être accompagnée, au moins dans l'immédiat, d'autres procédures. Il ne s'agit pas d'un dispositif qui accompagnerait un dépôt de plainte pour violences psychologiques ou physiques commises dans le cadre conjugal ; il ne s'agit pas de mesures de protection qui devraient être prises en accompagnement d'une procédure en divorce par exemple. Il s'agit tout simplement, et c'est beaucoup, d'une démarche qui permet à une personne, une femme essentiellement, qui s'estime victime de violences au sein de son couple et qui souhaite se voir reconnue comme tel, de pouvoir bénéficier de tous les éléments qui lui permettront ensuite, et dans un temps relativement rapproché, une fois l'ordonnance prise, de pouvoir éventuellement engager d'autres procédures.
Pourquoi, la plupart du temps, n'y a-t-il pas d'engagement de procédure de divorce ? Pourquoi la plupart du temps n'y a-t-il pas de dépôt de plainte et pourquoi beaucoup de femmes se limitent-elles à accepter le simple dépôt sur le registre de la main courante qu'on vient leur recommander (par volonté quelquefois de les protéger contre un classement sans suite de leur plainte) ? Parce qu'elles se disent « si je fais ça, je ne serais pas protégée et peut-être la violence dont je serais la victime sera encore aggravée et aggravée dans des conditions qui pourront mettre en péril mon existence, celle de mes enfants etc. ». Donc il faut rappeler que le référé protection (appelons-le comme ça) et l'ordonnance qui en découlera sont dissociés de toutes autres procédures, bien que pouvant être mis en parallèle avec celles-ci. C'est une première réponse à la question sur la durée.
Si on prévoit une durée trop longue, cela peut être un encouragement à ne pas passer à l'engagement de la procédure de divorce ou au dépôt de plainte. Cela rejoint d'ailleurs la difficulté existante à articuler le civil et le pénal en matière de violences conjugales. Il faudra que le dispositif de référé protection soit un dispositif qui implique le parquet pour qu'il joue ce rôle de table d'orientation de la prise en charge, au niveau civil et au niveau pénal si c'est nécessaire, de la problématique de violence dont est victime la femme qui va se voir reconnaître le statut de victime au travers de l'ordonnance qui lui aura été délivrée. Un temps trop long, irait à l'encontre de l'intérêt de la victime à aller vers des procédures décisionnelles (divorce, plainte au pénal) mais doit être suffisamment long pour que les mesures provisoires ne deviennent pas caduques au moment où les autres procédures s'enclenchent. Ca demandera incontestablement que le parquet de joue ce rôle incontournable de table d'orientation et de mobilisation de la justice au civil et au pénal pour qu'ensuite les choses s'enclenchent. Vous avez dit : deux plus deux font quatre, c'est peut-être un peu trop court. À mon sens, il ne faut pas que ce soit beaucoup plus long.