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Intervention de Violaine Husson

Réunion du 13 janvier 2010 à 13h00
Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes

Violaine Husson :

La Cimade est une association de défense des droits des étrangers, qui comporte un pôle spécifique réservé aux femmes étrangères victimes de violence.

Si le texte contient des propositions très intéressantes, il comporte aussi certaines ambiguïtés. Ainsi, l'exposé des motifs prévoit que l'ordonnance de protection des victimes peut concerner toute femme victime de violences en situation de danger, mais l'article 1er ne mentionne que les victimes de violences conjugales, ou celles qui craignent un mariage forcé ou une mutilation sexuelle. Il faudrait ouvrir le bénéfice de cette mesure aux victimes de traite, de proxénétisme ou d'autres formes contemporaines d'exploitation, comme la mendicité forcée. Nous proposons donc de rédiger ainsi l'article 706-63-2 du code de procédure pénale : « Lorsque les violences exercées dans l'espace public, sur le lieu du travail, au sein de la famille, du couple, mettent en danger la personne qui en est victime, le juge délégué délivre en urgence à cette dernière une ordonnance de protection. » La mesure toucherait ainsi toutes les femmes victimes de violence.

Par ailleurs, combien de temps doit durer l'ordonnance de protection des victimes ? L'instruction et les procédures sont très longues et les victimes mettent du temps avant de se décider à porter plainte ou à demander le divorce. L'ordonnance de protection ne pourrait-elle couvrir un délai plus long ou être délivrée pendant tout le temps de la procédure civile et pénale ?

Quant à la saisine du juge, je rappelle à mon tour combien il est difficile pour une victime d'aller déposer une plainte, notamment pour une femme étrangère en situation irrégulière. Avant de la considérer comme une victime, le policier qui la recevra verra d'abord qu'elle est en infraction. En outre, il est probable qu'elle ne saura pas qu'elle peut saisir le juge. De ce fait, réserver la saisine aux forces de police ou de gendarmerie revient à exclure les femmes en situation irrégulière du bénéfice de l'ordonnance de protection. Les acteurs sociaux ou les associations devraient pouvoir leur servir d'intermédiaires.

Nous remercions la mission d'avoir prévu que le renouvellement du titre de séjour soit accordé de plein droit aux victimes de violences conjugales, mais nous regrettons que la mesure exclue les victimes non mariées : concubins, pacsés, personne vivant en union libre ou ayant contracté un mariage traditionnel. Celles-ci resteront condamnées à une dépendance administrative à l'égard du conjoint qui les maltraite ou à quitter le domicile conjugal. Dans ce cas, elles seront en situation irrégulière, sans travail, sans logement et généralement privées de leurs enfants, puisque les assistantes sociales considèrent que l'enfant d'une mère placée dans une telle situation est en danger.

On sait que la situation des ressortissants algériens est régie non par la loi, mais par l'accord franco-algérien. Ne peut-on inciter le Gouvernement à prendre une mesure spécifique permettant de protéger les ressortissantes algériennes victimes de violences conjugales ?

Il est bon que les personnes qui portent plainte pour traite, esclavage moderne ou toute forme contemporaine d'exploitation puissent désormais profiter d'un renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour de six mois, mais je regrette que la proposition de loi n'ait pas tenu compte de l'article R 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui mentionne que l'autorisation provisoire de séjour doit être accordée pour au moins six mois. Notons que les intéressées ne peuvent actuellement bénéficier du titre de séjour, étant généralement considérées par la préfecture comme des menaces à l'ordre public, puisqu'elles ont été condamnées pour racolage.

Enfin, je vous remercie d'avoir considéré que les personnes en situation irrégulière victimes de violences peuvent prétendre à l'aide juridictionnelle, mais celle-ci ne pourra être accordée que si l'ordonnance de protection dure suffisamment longtemps.

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