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Intervention de Suzy Rojtman

Réunion du 13 janvier 2010 à 13h00
Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes

Suzy Rojtman :

Je reviendrai sur quatre mesures du texte.

Nous soutenons la suppression de la médiation pénale mais nous devons imaginer les critiques qu'elle soulèvera. Certains objecteront peut-être qu'il faut envisager une riposte graduée. Or, ce n'est pas après une simple gifle qu'une femme décide de saisir les autorités de police ou de gendarmerie.

Les adversaires de la suppression de la médiation pénale objecteront peut-être encore que cette mesure privera le procureur de décision sur l'opportunité des poursuites. Mais, si l'on veut à tout prix mettre en avant des moyens alternatifs aux poursuites, il en existe de plus efficaces : songez à l'action de Luc Frémiot, procureur de la République à Douai.

Certains objecteront encore que, quand la médiation pénale est utilisée, c'est dans des formes très contraintes. Dans ce cas, autant la supprimer, pour couper court à d'éventuelles dérives.

Deuxièmement, nous soutenons la position de la mission sur le délit de dénonciation calomnieuse. Cependant, à l'article 8, celle-ci préconise d'ajouter à l'article 226-10 du code pénal, après la phrase « La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n'est pas établie ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée », la précision : « sauf si la décision a été prise au bénéfice du doute ou pour insuffisance des charges ». On sait que les arrêts des juridictions correctionnelles ou du juge d'instruction qui concluent à un non-lieu sont généralement peu motivés. Dès lors, comment pourra-t-on faire la part de ce qui relève du bénéfice du doute ou de l'insuffisance des charges ? Mieux vaudrait supprimer tout l'alinéa.

Troisièmement, nous nous félicitons des mesures prises dans un but de prévention : saisine du CSA, qui figure dans la loi-cadre, création d'un Observatoire national des violences faites aux femmes et formation des professionnels. Cependant, ne faudrait-il pas ajouter que l'éducation dispensée de la maternelle à l'université doit être « non sexiste », pour reprendre une expression des féministes ? Filles et garçons doivent être élevés dans un respect mutuel qui permet de vivre ensemble. Cette mesure nous semble fondamentale, puisque l'école est le premier lieu de socialisation.

Quatrièmement, si nous nous réjouissons que la proposition de loi prévoie une ordonnance de protection, nous regrettons que celle-ci soit réservée aux femmes victimes de violences conjugales ou menacées d'un mariage forcé ou de mutilations sexuelles. Une jeune fille violée, menacée de représailles si elle va déposer plainte, ne doit-elle pas bénéficier de cette mesure, tout comme les victimes de la traite et du proxénétisme ?

D'autre part, le texte prévoit que la police, la gendarmerie ou le « judevi » pourront être saisis. Mais chacun sait que les femmes victimes de violences ont toujours du mal à porter plainte. Elles se retrouveront dans la même impasse si elles ne peuvent effectuer les démarches qu'auprès des instances qu'elles hésitent déjà à solliciter. Pour elles, il serait plus simple de se manifester auprès des travailleurs sociaux, qui pourraient jouer le rôle d'intermédiaires.

J'en viens à la question des violences psychologiques. Une commission qui s'est réunie au sein du ministère de la justice préconise d'ajouter au code pénal un nouvel article 222-14-2 réprimant les violences « quelle que soit leur nature, y compris s'il s'agit de violences psychologiques, qu'elles aient porté atteinte à l'intégrité physique ou à l'intégrité psychique de la personne. ». Faute d'une définition claire, on s'en remet à l'interprétation des magistrats, qui diffère toujours d'une juridiction à l'autre.

La définition qui figure dans la loi-cadre comme dans la proposition de loi est calquée sur celle du harcèlement moral ce qui semble opérant.

La troisième solution, que préconise la Fédération nationale solidarité femmes, de créer un délit spécifique de violence conjugale est une piste intéressante. Pour l'heure, la définition qui figure dans la loi nous semble satisfaisante.

Nous remercions la Commission pour ce texte, dans lequel nous avons été partie prenante. Nous nous battrons pour qu'il puisse aboutir et intégrer nos objections.

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