L'ordonnance de protection des victimes de violences conjugales appelle deux remarques.
Tout d'abord, la saisine d'un magistrat du siège – qu'il s'agisse du « judevi », juge délégué aux victimes, ou du juge des libertés – est une procédure non contradictoire. Par conséquent, si la femme saisit le juge, l'homme sera nécessairement convoqué. Mais, pour être efficace, la procédure doit être extrêmement rapide.
D'autre part, le magistrat qui la prononcera sera amené à régler des questions de droit civil et de droit pénal. Il portera ainsi une double casquette, ce qui suppose une formation spécifique. Peut-être ces fonctions devraient-elles incomber au juge des affaires familiales, qui pourrait autoriser la partie demanderesse à déclarer comme domicile l'adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie, ce qui ne peut être fait aujourd'hui sous peine de nullité de la procédure. À cet égard, on gagnerait peut-être à s'inspirer de la procédure pénale, qui prévoit que la victime puisse donner l'adresse de son avocat, notamment si aucune plainte n'est déposée au commissariat ou à la gendarmerie.
Quant à la médiation pénale, nous y sommes défavorables dans le cas des violences conjugales. Il ne faut pas confondre, en effet, la médiation civile qui intervient devant le juge des affaires familiales et la médiation pénale, qui met en présence l'auteur de violences et sa victime, liés pendant des années par un rapport dominant-dominé, lequel risque de se perpétuer au cours de l'audience. La femme risque d'être amenée à signer une médiation qui ne serait pas conforme à ses voeux. En outre, la superposition des médiations civile et pénale banaliserait les violences en les traitant de la même manière que d'autres problèmes, comme celui de la pension alimentaire.
Si je considère comme une avancée le fait que les violences psychologiques soient nommées dans le texte – alors que la loi ne les considère actuellement dans la procédure pénale, qu'en tant que « circonstance aggravante » –, je m'interroge sur l'élément matériel qui devra être apporté pour caractériser ce délit. En outre, beaucoup d'hommes violents légitiment les violences physiques qu'ils font aux femmes par des violences psychologiques qu'ils subiraient. Ne risque-t-on pas de cautionner leur système de défense ?
Par conséquent, il serait préférable de créer un délit de violence conjugale, qui prendrait en compte l'intégralité de ce qu'a vécu le couple : les phases qu'il traverse, la gradation dans l'emploi de la violence physique et les multiples formes de violence économique, psychologique ou culturelle, qui peuvent s'exercer.