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Intervention de Nora Berra

Réunion du 28 janvier 2010 à 15h00
Débat sur la mobilité des patients

Nora Berra, secrétaire d'état :

chargée des aînés. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la lutte contre les discriminations a constitué un axe fort de la présidence française de l'Union européenne en matière sociale.

Si nous voulons harmoniser notre marché intérieur, il nous faut aussi assurer l'égalité d'accès des citoyens européens au travail et à l'emploi, ainsi qu'à tous les domaines de la vie économique et sociale. Cela correspond à notre volonté de construire une Europe qui allie la compétitivité économique au progrès social.

La proposition de directive relative à la lutte contre les discriminations hors du champ de l'emploi, présentée par la Commission le 2 juillet 2008, permet de renforcer un arsenal juridique communautaire déjà très complet.

Comme vous l'avez exposé, monsieur le rapporteur, le texte que nous examinons aujourd'hui étend la protection contre les discriminations à d'autres domaines que l'emploi pour quatre motifs : les convictions ou la religion, l'âge, l'orientation sexuelle et le handicap.

Je tiens à remercier l'Assemblée nationale de son travail de grande qualité, qui nous permet de saisir pleinement tous les enjeux de cette proposition. Vous le savez, la France, est globalement favorable au principe de cette proposition de directive qui va dans le sens de l'effort entrepris au plan national par le ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, notamment en faveur des personnes handicapées.

Toutefois, le Gouvernement estime que les travaux doivent se poursuivre sur ce texte, comme l'a exprimé la l'Assemblée nationale dans sa résolution du 20 décembre 2009.

Par rapport à ses voisins européens, la France est à la pointe de la lutte contre les discriminations. Cet engagement répond aux valeurs fondamentales de la République – l'égalité, la liberté et la laïcité –, issues de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et inscrites dans notre Constitution.

Notre politique de lutte contre les discriminations concerne tous les champs de la société, et je ne serai donc pas exhaustive.

Elle se traduit par des actions en faveur de l'égalité des chances : le Gouvernement a ainsi décidé, en novembre dernier, de prendre des mesures pour démocratiser l'accès aux grandes écoles et favoriser l'égalité des chances au travail.

Elle se traduit aussi par le chantier que le ministre du travail a engagé pour promouvoir l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, dont la proposition de loi sur la représentation des femmes aux conseils d'administration – que vous avez votée la semaine dernière – constitue un aspect hautement symbolique.

En réponse à Mme Karamanli, je signale que la France poursuit son action volontariste dans ce domaine, sans que cela relève d'autres textes que celui dont nous discutons cet après-midi, qui comporte notamment des dispositions sur le genre.

Notre politique se traduit aussi par la décision de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une grande cause nationale en 2010.

Enfin, la lutte contre les discriminations constitue un aspect important de notre politique de la ville et du plan « Espoir banlieues ».

Examinons plus précisément les quatre motifs sur lesquels porte la proposition de directive.

Dans le domaine du handicap, la politique que nous conduisons en France est parmi les plus avancées d'Europe.

En réponse aux propos de M. Bénisti, je voudrais indiquer que la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a défini l'ambition de notre pays en ce domaine.

Notre politique du handicap vise à promouvoir l'autonomie et la dignité de la personne, comme l'a rappelé d'ailleurs le Président de la République, lors de la conférence nationale du handicap, en 2008.

Nous conduisons cette politique selon une double approche : améliorer l'accessibilité et apporter une compensation au plus près des besoins des personnes handicapées, afin de favoriser leur insertion dans tous les domaines de la vie économique et sociale.

Dans le domaine des discriminations liées à l'âge, notre politique cible à la fois les personnes âgées et les plus jeunes. La sécurité sociale comme les couvertures complémentaires s'efforcent de répondre au mieux aux besoins des différents âges de la vie.

Parmi les réponses apportées, je citerai la prise en charge de la prévention et des soins, la prestation d'accueil du jeune enfant et le développement des modes de garde – autant d'éléments majeurs de notre politique familiale. Mais je pense aussi aux différents dispositifs en faveur des personnes âgées, largement améliorés au cours des dernières années et que je continue de développer en qualité de secrétaire d'État aux aînés.

Nous prenons aussi en compte les discriminations dues à l'orientation sexuelle. Le pacte civil de solidarité, instauré en 1999, donne un statut aux couples de sexe différent comme aux couples de même sexe. Il a été modifié à plusieurs reprises afin de rapprocher ses effets de ceux du mariage, en termes de droits et d'obligations.

Concernant les discriminations liées à la religion, le principe de laïcité est une valeur fondamentale, située au coeur de l'identité républicaine et inscrite dans notre droit constitutionnel.

Notre pays a donc su prendre en compte ces quatre domaines importants de la lutte contre les discriminations.

Il est bon que la directive permette d'harmoniser les règles applicables en ces domaines aux vingt-sept États membres. Sa transposition contribuera à mettre en place un cadre communautaire cohérent en matière de lutte contre les discriminations. Cela constitue donc, je le crois, une avancée importante contribuant à renforcer le modèle social européen.

Plusieurs points restent cependant à éclaircir.

La résolution qui a été adoptée le 20 décembre 2009 sur ce texte, à l'initiative de Christophe Caresche et Guy Geffroy, fait cinq demandes pertinentes, qui correspondent à la position que la France a défendue à Bruxelles.

Première demande : mettre la notion de harcèlement en conformité avec d'autres directives et tenir compte de la notion de discrimination par association.

Les définitions du texte sont, bien entendu, au centre des discussions à Bruxelles, car tous les États membres souhaitent que les concepts utilisés soient précis et que la sécurité juridique soit garantie.

À la demande de plusieurs délégations, la définition du harcèlement a été revue dans le but de l'aligner sur les directives précédentes. Dans les dernières versions du texte, elle renvoie donc aux droits et pratiques nationaux.

La notion de discrimination par association, issue de la jurisprudence de la Cour a, quant à elle, été introduite dans le texte sur proposition de la présidence française, mais aucun consensus ne s'est encore dégagé sur ce point.

Deuxièmement, il s'agit de définir le champ d'application de la directive d'une manière plus conforme au traité, en précisant qu'elle s'applique à l'accès à tous les biens, services et prestations concernés, notamment l'accès à l'éducation.

Pendant sa présidence, la France a réalisé un travail important sur ce point, visant à limiter le périmètre du texte aux questions d'accès à la protection sociale, à l'éducation et aux biens et services, y compris le logement. Cette approche, qui est conforme aux demandes de l'Assemblée nationale, semble recueillir un large accord au sein du Conseil, à ce stade.

Troisièmement, au titre de la subsidiarité, il convient en particulier d'apporter les précisions nécessaires à la garantie du plein respect des compétences des États membres dans les domaines touchant aux libertés publiques, à la laïcité et au droit civil.

La France, ainsi que l'ensemble des pays, souhaite aboutir à un texte qui respecte les compétences des États membres. Comme cela n'est pas simple, il n'y a pas encore de consensus sur la manière d'y parvenir. Les discussions sur le champ d'application se poursuivent.

Les propositions de la présidence suédoise ont constitué un pas important dans la bonne direction, salué par l'ensemble des délégations, en excluant clairement certains domaines du champ d'application de la directive.

C'est un point sur lequel la France a particulièrement travaillé dès les premières phases de la négociation, durant la présidence française de l'Union européenne. Elle continue de rester vigilante, malgré les progrès enregistrés. Il est ainsi prévu, notamment, que « la directive est sans préjudice des mesures visant à autoriser ou interdire le port de symboles religieux », comme vient de le demander M. Vercamer.

Un autre point soulevé par la commission chargée des affaires européennes concerne les éventuelles interférences du projet de texte avec les questions de droit familial, comme l'adoption et le droit à la procréation.

En effet, l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes en date du 1er avril 2008, arrêt dit Tadao Maruko, a jugé que le principe de l'égalité de traitement s'applique dès lors que le droit interne reconnaît des formes de relations comme comparables au mariage.

L'exclusivité de la compétence nationale dans ces domaines doit donc être affirmée sans la moindre ambiguïté dans la directive. Tel est le cas, à ce stade, dans le projet de texte en discussion au Conseil.

Améliorer les dispositions relatives à l'interdiction des discriminations et moduler les politiques publiques selon les âges de la vie sont également des préoccupations du Gouvernement français, ainsi que d'autres États membres, en particulier les Pays-Bas et le Danemark.

Cinquième point : il convient d'assurer une meilleure cohérence avec le texte de la Convention des Nations Unies sur le droit des personnes handicapées du 13 décembre 2006. Ce souci est d'autant plus présent dans les débats que la Communauté européenne est partie prenante du texte de la Convention. Il faut néanmoins veiller, tant pour les personnes handicapées que pour les associations du secteur, à la lisibilité du message. Il y a en effet une différence de nature entre la Convention internationale et la directive européenne. La directive européenne doit être intégralement transposée en droit national : elle ne peut donc être calquée sur la Convention onusienne. Je pense qu'il est important, en revanche, de s'assurer de la cohérence de ces textes, et bien sûr de faire bon usage de ce qui a déjà été négocié lors de l'élaboration de la Convention de l'ONU, en reprenant, par exemple, certaines de ses formulations et de ses concepts.

Conformément à l'article 19 du nouveau traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui maintient l'exigence de l'unanimité, le Parlement européen sera étroitement associé à cette discussion, puisque son avis n'est plus simplement consultatif. La discussion au Conseil laisse entrevoir des avis très partagés, l'Allemagne ayant d'ores et déjà fait part de son hostilité au principe même du texte pendant une durée de cinq ans, comme l'a confirmé l'accord de coalition. Cette position augure mal d'un accord politique sous présidence espagnole, même si celle-ci a présenté un tel accord comme un objectif prioritaire.

La présidence espagnole a par ailleurs annoncé son intention de rendre publiques les modifications du texte qu'elle serait amenée à proposer, ce qui ne manquera pas de créer un climat propice au dialogue avec les ONG et le milieu associatif.

Quant au calendrier, monsieur le président Lequiller, nous souhaitons que la négociation aboutisse à un accord politique pendant la présidence espagnole, à condition, bien sûr, que ce ne soit pas au détriment de la qualité et de la solidité du texte.

Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les informations de contexte et les précisions que nous pouvons apporter sur les points importants qui ont attiré votre vigilance. J'espère qu'elles répondront à vos demandes, et attends vos contributions avec intérêt afin que nous avancions ensemble dans ce champ essentiel pour notre vivre ensemble, tant au plan national qu'européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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