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Intervention de Pierre Lequiller

Réunion du 28 janvier 2010 à 15h00
Débat sur la mobilité des patients

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État chargée des aînés, mes chers collègues, après la mobilité des patients, sujet de la vie quotidienne, cette séance de contrôle nous conduit à débattre à présent d'un autre aspect essentiel de la construction européenne auquel nos concitoyens sont très attachés, celui des valeurs.

Dès l'origine, la démarche communautaire ne s'est pas limitée à l'économie. Une dimension politique, philosophique et morale a été donnée au Marché commun. La démocratie et le principe d'égalité en ont été les pierres angulaires.

La lutte contre les discriminations, qui est l'un des volets du principe d'égalité, a donc été intégrée dans les traités. Dès 1957, le traité de Rome a rendu obligatoire l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, égalité qui est d'ailleurs loin d'être atteinte. C'était à l'époque une approche révolutionnaire dans son principe, même si elle restait relativement timide car l'on ne s'attaquait pas directement à l'inégalité de traitement dont les femmes étaient les victimes dans les autres domaines, notamment en matière de droit civil. Peu à peu, ce principe de l'égal traitement s'est imposé pour tout ce qui concerne le travail et l'emploi, ainsi que la sécurité sociale.

Ensuite, en 1997, le traité d'Amsterdam a élargi l'approche initiale. Il a prévu de manière très générale, sans limitation de domaine, la lutte contre toutes les discriminations, quels qu'en soient les motifs : le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, le handicap, l'âge et l'orientation sexuelle.

Lors des deux négociations, celle du traité de Rome comme celle du traité d'Amsterdam, la France a été en première ligne pour obtenir de nos partenaires l'insertion de ces dispositions pour l'égalité de traitement.

Plusieurs directives sont intervenues pour mettre en application ces dispositions des traités.

Sur le plan du droit, le champ couvert est complet pour ce qui concerne l'emploi, et les textes interdisent également les discriminations les plus anciennement combattues, celles selon le sexe ou selon la race, dans les autres domaines : l'éducation, la protection sociale, l'accès aux biens et services.

Cette démarche de l'Europe est fondamentale, pertinente, même si certains États membres, comme la France, ont déjà pris des mesures nationales en la matière.

En effet, la lutte contre les discriminations doit continuer à faire l'objet d'une attention constante, tant au niveau européen qu'au niveau des États membres car, dans les faits, de fortes discriminations subsistent, et il faut rendre hommage à ceux qui les combattent, notamment la HALDE et les associations.

Il convient d'ailleurs à ce sujet de saluer l'actuelle présidence espagnole de l'Union européenne, qui a inscrit parmi ses toutes premières priorités la consolidation de l'Europe sociale, en mettant l'accent sur l'égalité des sexes et la lutte contre la violence domestique, sujet sur lequel l'Espagne a d'ailleurs pris quelque avance sur les autres pays européens.

Venons-en au texte qui nous occupe directement aujourd'hui, dont notre assemblée s'est saisie, et qui a fait l'objet de la résolution transmise au Gouvernement : la proposition de directive relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de conviction, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle.

Une décennie après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, cette proposition de directive, présentée en juillet 2008, vise à compléter et à parachever le dispositif européen existant. Elle concerne l'accès aux biens et services, ainsi que l'éducation et les prestations sociales.

La résolution de l'Assemblée nationale adoptée à l'initiative de votre commission des affaires européennes puis de votre commission des lois soutient ce texte. Elle a relevé néanmoins quelques difficultés. Nous voulons, en effet, parvenir à une meilleure rédaction, à un texte offrant une plus grande sécurité juridique et des dispositions plus adaptées, notamment sur l'âge et le handicap. Nous voulons également assurer le plein respect des compétences des États membres, notamment dans les domaines touchant aux libertés publiques, à la laïcité et au droit civil.

La plus grande de ces difficultés avait été relevée dès l'origine, dès juillet 2008, par la délégation pour l'Union européenne, lors de l'examen de la proposition de directive, au titre de la subsidiarité et de la proportionnalité, sur le rapport de nos collègues Guy Geoffroy et Christophe Caresche. La COSAC avait, en effet, décidé de procéder sur ce texte à un test concerté, impliquant toutes les assemblées parlementaires nationales.

Cette difficulté concerne la laïcité. Il nous a semblé dès ce moment qu'elle devait faire l'objet d'une grande attention de notre part. Nous sommes en effet fortement attachés à notre modèle français de laïcité, qui repose, pour l'enseignement, sur le principe de la neutralité confessionnelle, mais, au niveau européen, cette approche française apparaît assez spécifique, voire isolée. Ainsi, certains États membres disposent d'enseignements confessionnels.

Il convient donc d'éviter en la matière toute disposition portant atteinte au principe de subsidiarité et pouvant impliquer un quelconque changement de nos équilibres nationaux actuels, notamment en fournissant matière à contentieux.

Au-delà du domaine de l'enseignement, il nous semble également essentiel de préserver plus largement le principe de laïcité lorsqu'il s'applique à l'accès aux biens et services, et en particulier aux services publics et aux soins médicaux.

De la même manière, les questions touchant au droit civil et à la procréation doivent continuer à être réglées au niveau national.

Par ailleurs, d'une manière plus précise, nous souhaitons que les dispositions liées à l'âge soient juridiquement sécurisées. Il convient notamment que la modulation des politiques publiques selon les âges de la vie reste possible au niveau national. Aucune solution purement européenne n'est d'ailleurs possible en la matière, ne serait-ce que parce que les pyramides des âges ne sont pas les mêmes dans les différents pays européens. La France, avec une population en croissance qui atteint 65 millions d'habitants et une natalité soutenue, présente un profil atypique par rapport aux autres États membres, notamment l'Allemagne.

La question du handicap doit également être mieux réglée. D'une part, il convient de mieux définir le handicap, en s'appuyant sur la convention des Nations unies. D'autre part, si la notion d'aménagement raisonnable est pertinente, elle reste à clarifier pour devenir opérationnelle.

Obtenir un résultat satisfaisant, sur la base de la résolution adoptée par notre assemblée, n'est pas nécessairement aisé et nous en sommes conscients. L'unanimité du Conseil est en effet nécessaire, et les choses n'ont pas encore abouti malgré un an et demi de négociations et un avis favorable du Parlement européen – avis au demeurant consultatif dans la mesure nous étions à l'époque sous le régime du traité de Nice.

Dans ces circonstances, les principales questions sont les suivantes.

Il y a tout d'abord, madame la secrétaire d'État, les questions qui concernent la procédure et le calendrier. Où en est-on dans l'élaboration d'un texte de compromis possible pour le Conseil ? Un accord politique vous semble-t-il possible à une échéance pas trop éloignée, ou l'opposition de l'un des nos principaux partenaires, l'Allemagne, risque-t-elle de se révéler définitive ?

Il y a ensuite les questions de fond. Tels qu'ils sont orientés, les travaux du Conseil devraient-ils donner satisfaction à l'Assemblée nationale et remplir les conditions posées par sa résolution pour que l'on puisse souscrire sans difficulté à la future directive ?

Il est essentiel de parvenir à un texte pleinement applicable et répondant parfaitement à ses objectifs. La future directive est attendue par de nombreux acteurs de la société civile. Comme je l'ai dit, il s'agit de nos valeurs européennes. L'Europe s'honore toujours à montrer qu'elle est à la pointe du combat contre les discriminations, et j'espère que nous aboutirons rapidement à la victoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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