Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 3 % à 4 % des citoyens de l'Union européenne choisissent aujourd'hui de se faire soigner dans un autre État membre que le leur. Les soins transfrontaliers offrent donc à une Europe réputée trop distante une excellente occasion d'agir concrètement pour améliorer la situation des patients, d'autant qu'il est certain que cette tendance à la mobilité ne va que s'amplifier dans les années à venir.
En effet, les raisons de ce phénomène peuvent être multiples.
En tant qu'élu d'un département frontalier, je pense, tout d'abord, à ceux qui souhaitent bénéficier ainsi de soins dans de meilleurs délais. Pour prendre un cas concret que je connais bien, il faut six mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue à Strasbourg, alors qu'il ne faut qu'une quinzaine de jours à Kehl. Une meilleure expertise ou des tarifs avantageux attirent également les patients.
Quelles que soient ces raisons, recevoir des soins dans un autre État membre relève bien souvent, à l'heure actuelle, du parcours du combattant. Les difficultés à surmonter sont nombreuses, qu'il s'agisse de l'éloignement, de l'obstacle de la langue ou de la méconnaissance des systèmes sanitaires et juridiques, lesquels diffèrent d'un État à l'autre. Les habitants des régions frontalières y sont régulièrement confrontés.
Chaque jour, de nombreux Alsaciens choisissent de se faire soigner en Allemagne. Ils me font fréquemment part des blocages et des lenteurs administratives auxquels ils se heurtent et qui les font parfois renoncer au remboursement auquel ils ont pourtant droit. Il faut donc mettre rapidement fin à ces anomalies.
Tel est précisément l'objet de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers. Sur mon rapport et à la suite d'une initiative de notre collègue Daniel Fasquelle au sein de la commission des affaires européennes, la commission des affaires sociales a définitivement adopté, le 11 février dernier, une résolution sur cette proposition de directive.
Notre résolution constate que la proposition de directive comporte trois apports essentiels.
Elle présente tout d'abord le mérite – je le souligne – de procéder d'une démarche radicalement différente de celle qui avait présidé à l'élaboration de la directive dite Bolkestein. En effet, elle ne touche pas aux systèmes de soins nationaux, et elle ne concerne pas non plus la mobilité des professionnels de santé. Elle vise avant tout à faciliter l'exercice du droit des patients européens à recevoir des soins sur tout le territoire de l'Union. En outre, la méthode de concertation retenue par Mme Vassiliou, alors commissaire européenne à la santé, qui, avant d'entreprendre quoi que ce soit, a fait la tournée des capitales européennes, est exemplaire. Nous avons beaucoup apprécié le dialogue qui avait eu lieu avant que de premières propositions ne soient formulées.
Deuxième bénéfice de cette proposition de directive : Pierre Lequiller l'a rappelé, elle codifie, dans un cadre juridique clair et simplifié, la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes depuis 1998 – arrêts Kohll et Decker –, aux termes de laquelle les principes communautaires de libre circulation des biens et de libre prestation de services s'appliquent au domaine de la santé.
Enfin, elle respecte le principe de subsidiarité en affirmant la compétence nationale sur les questions d'organisation des soins de santé et de sécurité sociale. Elle précise les conditions dans lesquelles les patients peuvent se faire soigner dans un autre État membre et se faire rembourser, mais elle ne remet pas en cause le droit des États membres de définir les prestations qu'ils choisissent d'assurer. Le principe de l'autorisation préalable pour les soins hospitaliers est maintenu, ce qui garantit la capacité de régulation des États membres. L'intervention de 1'Union européenne se limite donc au renforcement de la coopération et de la coordination entre les États pour améliorer les synergies entre les différents systèmes de santé.
Cela étant, notre résolution avait également demandé des garanties supplémentaires. Car il faut d'abord aller plus loin dans la protection des patients, s'agissant plus spécialement de l'information sur le système de soins de l'État de traitement, qui ne leur est souvent pas familier. Il est par ailleurs essentiel que le patient puisse disposer, avant la délivrance des soins, d'éléments détaillés sur les conditions financières applicables dans ledit État.
Il faut également aller plus loin en ce qui concerne les droits du patient, tant pour l'autorisation des transferts de données médicales personnelles d'un État membre à un autre que pour les garanties en cas de complications ultérieures. Nous avions même estimé qu'il fallait réfléchir à la mise en place d'un mécanisme européen de règlement des litiges consécutifs à des soins de santé transfrontaliers, comprenant notamment un système de compensation financière.
Enfin, le développement des soins de santé transfrontaliers ne doit pas se faire au détriment des systèmes sociaux des États membres. La proposition de directive prévoit certes une clause de sauvegarde pour les soins hospitaliers et spécialisés : elle permet ainsi aux États membres de prévoir un dispositif d'autorisation préalable de prise en charge, afin de préserver la planification et la rationalisation des équipements sanitaires, mais aussi de ne pas menacer l'équilibre des régimes de sécurité sociale.
Nous avions cependant plaidé pour l'instauration d'une seconde clause de sauvegarde, toujours en matière de soins hospitaliers et spécialisés. Il s'agit ici de permettre aux prestataires de soins d'un État membre de faire face, dans le respect du principe d'égalité de traitement, à des flux trop importants de patients affiliés dans d'autres États membres.
Nous avons aussi souligné la nécessité de ne pas favoriser des transferts de personnels trop importants d'un État membre à un autre, car cela pourrait poser des problèmes aux pays récemment entrés dans l'Union. Une stricte égalité de traitement, en nuisant à l'accès aux équipements pour les ressortissants de l'État membre où sont délivrés des soins, pourrait engendrer un effet contraire à l'un des objectifs de la proposition, qui est de réduire les délais excessifs de délivrance des soins.
La discussion sur la proposition de directive, présentée en juillet 2008, avait bien progressé sous les présidences française, puis tchèque, dans des conditions globalement satisfaisantes par rapport aux objectifs que se fixait notre pays. La présidence suédoise espérait pouvoir obtenir un accord au sein du Conseil avant la fin de son mandat, mais la réunion du 1er décembre a fait apparaître une opposition au compromis qu'elle avait présenté, une minorité de blocage s'étant constituée autour de l'Espagne, alors même que celle-ci exerce désormais la présidence de l'Union. La définition de l'État membre d'affiliation fait en effet craindre une augmentation des dépenses pour les pays dont le système de santé est presque exclusivement de nature publique.
Le règlement de la question des soins transfrontaliers est donc retardé, la perspective d'adoption de la proposition de directive se trouvant ainsi repoussée de plusieurs mois. Or, plus que jamais, le souhait exprimé par notre assemblée et notre commission des affaires sociales dans sa résolution de février 2009 reste d'actualité, celui d'une amélioration de la vie quotidienne des patients, dans le respect des compétences et des systèmes de santé des État européens.
Avec Pierre Lequiller, président de la commission des affaires sociales, nous souhaitons voir ce dossier évoluer rapidement. Car nous devons une réponse concrète, immédiate et pragmatique à nos concitoyens qui entendent se faire soigner, pour des raisons de proximité, mais aussi de mobilité, à travers une Europe qui devient de plus en plus une entité sans frontières. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)