Monsieur le ministre, nous sommes en désaccord avec vous, pour commencer, sur le diagnostic : en dépit de ce qu'on veut faire dire aux statistiques, la situation ne s'est pas améliorée. Je suis d'autant plus étonnée de vos propos, qu'en prenant vos fonctions, et alors que la situation sur le terrain se dégradait, vous aviez paru préférer le discours de la lucidité à celui de l'autosatisfaction gouvernementale. Vous êtes revenu en quelques mois à un discours convenu.
Notre second désaccord tient à l'analyse de l'insécurité elle-même qui, selon nous, a changé de nature : le problème majeur, qu'aucun Gouvernement n'a réussi à résoudre depuis vingt ou trente ans, est celui de la violence faite aux personnes, qui devrait être, avec l'économie souterraine qu'elle accompagne dans certains territoires, le point de focalisation d'une nouvelle loi d'orientation et de programmation. Au contraire, ce texte s'inscrit dans la continuité de la politique conduite depuis plusieurs années, alors qu'il conviendrait de rompre avec elle, notamment en ce qui concerne la police du chiffre, pour revenir à la police de quartier.
La précédente loi d'orientation et de programmation avait au moins une vertu : elle prévoyait des moyens et des effectifs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Une logique de diminution des effectifs prévaut, en effet, dans le cadre de la RGPP. Vous annoncez sans cesse des objectifs supplémentaires, mais sans dégager les moyens correspondants. Vous êtes donc forcés de vous engager dans une fuite en avant technologique et une course à l'externalisation. L'État se désengage, certaines compétences jusqu'à présent exercées par la police nationale étant transférées aux polices municipales, c'est-à-dire aux collectivités territoriales.
Au lieu de vous attaquer aux principaux problèmes, notamment la criminalité dans les quartiers les plus difficiles, vous nous présentez des mesures d'affichage. Je pense notamment à deux amendements dont la portée est purement symbolique, car vous savez qu'ils ne sont pas constitutionnels.
L'amendement CL 160, très étonnant de la part du ministre des collectivités territoriales, permettrait à l'État de forcer les collectivités à mettre en place des dispositifs de vidéosurveillance ou de se substituer à elles en la matière. De nombreuses communes participant à l'installation de ces dispositifs lorsqu'ils présentent une utilité réelle, il n'y a pas lieu d'en venir à de telles extrémités. Nous avons d'ailleurs observé, ce matin, que cet amendement choquait également un certain nombre de collègues de la majorité.
J'en viens à l'amendement tendant à imposer un couvre-feu aux mineurs. Personne ne peut accepter que ces derniers errent dans les rues au cours de la nuit, mais le dispositif envisagé est inapplicable, à supposer même qu'il soit constitutionnel. Seul un grand service national de la prévention, aujourd'hui inexistant, pourrait appliquer une telle mesure en compagnie des travailleurs sociaux et des familles. On voit mal comment les policiers pourraient s'en charger, comme leurs syndicats l'ont eux-mêmes indiqué. C'est une mesure tape-à-l'oeil et sans effet.
Je voudrais maintenant vous interroger sur les mesures de lutte contre le terrorisme que vous avez annoncées après la tentative d'attentat de la fin décembre, et sur les mesures pour lesquelles vous avez installé des groupes de travail. Il est notamment envisagé d'élargir la liste des pays considérés comme « à risque » et d'utiliser des scanners corporels. Sur ce dernier point, il s'agit de répondre à une demande formulée par les États-Unis, alors que vous sembliez jusqu'alors sceptique sur ce dispositif : nous avions compris que vous préfériez un système de détection des explosifs.
Nous avons toujours considéré que la lutte contre le terrorisme reposait certes sur l'utilisation d'un certain nombre de dispositifs techniques, mais qu'elle consistait aussi en un combat autour de valeurs, parmi lesquelles figure la démocratie. C'est pourquoi il me paraît nécessaire que vous vous expliquiez devant la représentation nationale sur les mesures nouvelles de protection que vous envisagez dans ce domaine.