Je ne partage pas complètement, monsieur le président, votre opinion sur l'efficacité des secours. Pour avoir connu beaucoup de catastrophes de ce genre, même si elles n'étaient pas toutes de la même ampleur, je crois qu'il faut plutôt se féliciter de la solidarité internationale, aussi imparfaite soit-elle, comme elle l'est toujours, et aussi difficile que soit la coordination.
Qui se piquerait de coordination s'infligerait d'ailleurs bien des déboires. Il arrive, du reste, que les victimes et leurs familles parviennent à improviser elles-mêmes leur prise en charge. De ce point de vue, nous avons des leçons à recevoir du peuple haïtien : face à une catastrophe aussi considérable, dans un malheur aussi extrême, il ne s'est pas abandonné autant qu'on l'a dit à la révolte et au pillage. Mais il ne s'agit pas là de se livrer à une compétition dans le malheur : il y en a toujours trop.
La France a été la première puissance à intervenir, avant la Chine et l'Islande, et son intervention a dépassé les deux autres par son ampleur et son efficacité, grâce notamment à des sauveteurs de la sécurité civile et de la défense, très compétents et expérimentés. Nous sommes donc intervenus très rapidement – jamais assez rapidement, certes – et assez efficacement face à des ravages dont on n'avait pas soupçonné l'ampleur. Les chiffres que je vais vous indiquer sont à prendre avec prudence, car il est encore impossible de connaître avec certitude le nombre de morts. Certains parlent de 70 000 victimes enterrées : je n'y crois pas et j'espère que nous pourrons apprendre que le nombre de victimes a finalement été revu à la baisse, comme c'est souvent le cas après les tremblements de terre. Mais on peut déjà tabler sur au moins des dizaines de milliers de morts.
Les blessés seraient au nombre de 250 000, mais il est très difficile de faire la part entre les blessés les plus graves, qui nécessitent une intervention immédiate, et les autres, dont le traitement est moins urgent. Quant aux sans-abri, ils seraient plus d'un million.
Le nombre de nos sauveteurs en Haïti est passé de 641 à 920 aujourd'hui, dont au moins 580 personnels du ministère de l'intérieur et près de cent gendarmes. Le corps d'un des deux gendarmes dont nous étions sans nouvelles a, hélas ! été retrouvé ce matin dans les décombres du bâtiment de la mission des Nations unies.
C'est donc environ 1 000 personnels français qui sont engagés en Haïti, dont près de 250 sauveteurs. Cette mobilisation n'est certes pas comparable avec celle d'autres États, mais je ne partage pas votre sentiment, monsieur le président : l'Europe s'est mobilisée très vite. Il faut rappeler que Mme Ashton n'est à la tête de la diplomatie européenne que depuis une dizaine de jours, et ne dispose pas encore d'un personnel suffisant.
Par ailleurs, la France contribuera à hauteur de dix millions d'euros à l'aide humanitaire d'urgence des Nations Unies, ce qui portera à au moins vingt-quatre millions le montant de l'aide humanitaire française. En tout, l'aide humanitaire d'urgence de l'UE s'élève à 122 millions d'euros, dont 30 millions débloqués par la Commission et 92 millions en provenance des États membres.
L'Union européenne mobilise également ses instruments financiers, en particulier le Fonds européen de développement, en vue d'une aide non humanitaire d'un montant de 100 millions d'euros. Cette aide est destinée à renforcer les capacités d'action de l'État et du gouvernement haïtiens, qui sont extrêmement faibles, voire inexistants. À terme, il reviendra à la réunion prévue le 25 janvier à Montréal de préciser les modalités d'une éventuelle conférence internationale des donateurs pour Haïti, laquelle devrait se tenir en mars. L'UE devrait décider à cette occasion l'octroi d'une contribution supplémentaire de 200 millions d'euros pour commencer à financer la reconstruction.
Certes, cette perspective est encore éloignée, et nous ignorons quel sera le coût global de la reconstruction, d'autant qu'il n'est pas encore possible d'évaluer l'ampleur des dégâts et le nombre d'habitations détruites. On dit que certains quartiers sont détruits à 20 % et que, dans d'autres, la moitié des habitations sont endommagées.
Je crois que l'UE a été relativement efficace. Les pays européens ont ainsi envoyé un grand nombre d'hôpitaux mobiles, nécessaires à la chirurgie d'urgence – je pense notamment à l'Italie, à l'Espagne et aux Pays-Bas. Ces efforts nationaux ont précédé l'effort européen, parce que les réactions nationales ont été spontanées, avant d'être coordonnées. La réunion extraordinaire des ministres européens de l'Aide au développement qui s'est tenue lundi, sous la présidence de Mme Ashton et en présence de Miguel Angel Moratinos, représentant la présidence espagnole de l'UE, nous a permis de déterminer une ligne d'action commune : l'UE poursuit, au moins pour quelques jours, son aide humanitaire d'urgence, et manifeste sa volonté d'aider à la reconstruction, afin de donner de l'espoir aux Haïtiens.
L'Office d'aide humanitaire de l'UE, ECHO, était d'ailleurs sur le terrain dès vendredi, ce qui n'est pas mal. Nous étions, quant à nous, présents dès mardi soir ; le centre de crise du ministère a été sollicité de tous côtés, et pas seulement par les autres pays européens. Il est vrai que nous avons assuré une excellente coordination avec le ministère de la défense, celui de la santé, celui de l'intérieur et tous les ministères concernés.
Certes, ce ne sera jamais entièrement satisfaisant, mais c'est beaucoup mieux que ce qu'on pouvait faire il y a dix ans. Imparfait, incomplet, mais fraternel.