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Intervention de Valérie Rosso-Debord

Réunion du 21 janvier 2010 à 15h00
Protection des missions d'intérêt général imparties aux services sociaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rosso-Debord :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, même si nos rangs sont assez clairsemés, le débat auquel vous nous conviez, monsieur le rapporteur, n'est pas médiocre, il est au contraire important. Comme l'a fort justement rappelé M. Juanico, nous avons déjà eu cette discussion à plusieurs reprises : d'abord en commission des affaires européennes avec M. Caresche – nous avons rédigé un rapport ensemble –, ensuite à votre initiative, dans le cadre de la commission des affaires sociales.

Je pense que nous partageons exactement le même objectif, mais que nous divergeons sur les moyens de l'atteindre. Je vais vous démontrer que je n'ai pas changé d'avis, mais que le traité de Lisbonne et les avancées supplémentaires qu'il a permises m'ont effectivement amenée à avoir une position différente de celle que j'avais lorsque M. Caresche et moi avons commis cet excellent rapport.

La transposition de la directive services a effectivement suscité, ce que nous comprenons parfaitement, l'inquiétude de certains acteurs du secteur social. La secrétaire générale de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale que je suis ne peut qu'y souscrire. Les services sociaux et les services de santé constituent, en effet, un secteur important de notre économie et touchent en profondeur à notre modèle social, à l'idée que nous nous faisons du service public, à notre attachement à un niveau de protection sociale élevé, apparemment mis en cause.

La complexité des règles européennes applicables aux services d'intérêt général et la situation toute particulière des services sociaux d'intérêt général avaient amené la commission des affaires européennes à débattre avec la commission des affaires sociales. Un certain nombre de remarques, que je souhaite faire en amont du débat, devraient permettre de l'éclairer.

Il convient d'abord de souligner qu'il existe bien une spécificité européenne dans ce domaine. La place du social est plus importante en Europe qu'ailleurs. Les pays européens ont une culture commune : ils reconnaissent que le règlement des situations difficiles ne peut être laissé à la seule initiative privée et que l'État, ou plus largement les collectivités territoriales, doivent s'en occuper. Cependant, pour ce qui concerne les modalités et les règles précises qui régissent l'organisation et le fonctionnement des services sociaux, l'Union européenne est clairement le terrain de la diversité. C'est ce qui fait toute la difficulté de ce dossier qui, sous un aspect technique, s'avère somme toute très politique.

Les SSIG sont le reflet de l'histoire de chaque pays, de ses choix institutionnels, philosophiques, religieux – on pourrait citer l'Allemagne pour ce qui est des choix religieux – ou politiques. Ainsi, la France, contrairement au modèle anglo-saxon dans lequel le marché et l'appel d'offres jouent un rôle essentiel, a une forte tradition d'intervention publique – ce dont nous nous réjouissons, je le crois, sur tous les bancs de cette assemblée –, complétée par un secteur associatif important et stratégique. Cette situation correspond à notre conception des SSIG et du public concerné, une conception large, qui comprend notamment la protection sociale, le médico-social, les services à la personne, les services d'accompagnement des publics fragiles, l'insertion par l'activité économique, l'accueil de la petite enfance ; cette liste n'étant évidemment pas exhaustive.

Par ailleurs, je souhaite souligner qu'il y a bien une complexité et parfois une inadaptation des règles communautaires en ce qui concerne les SSIG.

Historiquement, il a fallu attendre le traité d'Amsterdam en 1997 pour que soit reconnu le rôle des SIG dans les valeurs de l'Union et dans le maintien de sa cohésion sociale et territoriale. Quant aux SSIG, ils ne sont mentionnés dans aucun traité. Ils ne constituent, en effet, qu'une catégorie au sein des SIG.

L'une des grandes difficultés de ce débat tient donc à ce que le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les SSIG n'est pas des plus clairs, et c'est un euphémisme. En effet, il n'a pas été calibré pour les SSIG et les règles sont essentiellement d'origine jurisprudentielle, comme cela a été rappelé. Elles ont été édictées à l'occasion de contentieux sur la mise en oeuvre du principe de libre concurrence. C'est le cas notamment pour le « paquet Monti-Kroes » qui précise, à la suite de l'arrêt Altmark de la Cour de justice, les conditions de versement des aides publiques. Celui-ci n'impose pas le recours à l'appel d'offres, mais uniquement à des procédures transparentes et préalables. Dans la pratique, cependant, les nombreux acteurs se montrent inquiets et perçoivent, par conséquent, l'appel au marché comme plus sécurisé de crainte de porter atteinte aux règles communautaires.

Le problème est donc que le droit européen n'est ni clair ni stabilisé. Si, au niveau national, des mesures d'ordre technique peuvent être prises pour sécuriser les acteurs sociaux, c'est essentiellement au niveau communautaire qu'une véritable clarification doit intervenir. À cet égard – et je suis, monsieur Lecoq, en parfait désaccord avec vous sur ce point –…

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