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Intervention de Nora Berra

Réunion du 21 janvier 2010 à 15h00
Protection des missions d'intérêt général imparties aux services sociaux — Discussion d'une proposition de loi

Nora Berra, secrétaire d'état chargée des aînés :

Sous prétexte d'apporter des garanties, elle créerait davantage d'instabilité pour les services publics qu'elle entend justement préserver.

Avant d'examiner ces deux points, je voudrais revenir brièvement sur la méthode de transposition retenue par la France et l'allégation selon laquelle l'Assemblée nationale aurait été victime d'un déni démocratique, car, à cet égard, le Gouvernement a eu le souci de l'efficacité autant que celui du respect de nos règles institutionnelles.

Pour dire les choses simplement, cette directive invite chaque État membre à passer en revue, sur son territoire, les activités réglementées et les régimes d'autorisation en vue de garantir la liberté d'établissement et celle de prestation de services au sein de l'Union. C'est donc bien à un examen de la conformité du droit existant, plus qu'à une transposition de norme nouvelle, que cette directive conduit.

Je connais, comme vous, le lourd passé de ce texte, mais regardons les choses objectivement. Ce qui inquiétait, à savoir l'application de la loi du pays d'origine, n'est plus, et ce qui reste est très circonscrit, tant les exclusions sont nombreuses. De ce point de vue, il est significatif que le débat soulevé par cette proposition de loi se concentre essentiellement sur les services dédiés à la petite enfance.

Or, s'agissant de ce point précis, comme, plus largement, de notre organisation sociale et médico-sociale, je vous assure que tout est déjà très largement compatible avec les dispositions de la directive services : peu de mesures d'adaptation étaient donc nécessaires. J'y reviendrai cependant.

Partant de ce constat, le Gouvernement n'a pas fait autre chose que respecter la répartition des compétences entre le pouvoir réglementaire et le pouvoir législatif. Lorsqu'une adaptation législative était nécessaire, le Parlement a bien évidemment été associé. J'en veux pour preuve, par exemple, la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », adoptée cet été, par laquelle nous avons modifié la procédure d'autorisation dans le secteur médico-social, notamment en instaurant la procédure d'appel à projets.

Certains se sont également étonnés, sur un plan plus général, que le rapport du Gouvernement n'ait pas été rendu public. Qu'ils se rassurent : ce rapport le sera bien évidemment. Il sera même disponible sur internet dès les prochains jours. Il sera également transmis à la commission et, dans le cadre du processus d'évaluation mutuelle qui va bientôt débuter, examiné par le groupe d'États membres auquel appartient la France. Tout cela est, et continuera d'être, largement public. Il n'y pas plus de place, en ce domaine, pour la dissimulation que pour la suspicion. Aussi j'invite chaque acteur de ce débat à renoncer à la crainte de la première, et au maniement de la seconde.

J'en viens au coeur du débat que soulève cette proposition de loi, en vous indiquant sur quels arguments repose le constat de son inutilité.

Cette proposition de loi est inutile parce que, contrairement à ce que vous prétendez, les régimes d'autorisation et d'agrément dans notre secteur social et médico-social ne sont nullement remis en cause par la directive services. Dans leur quasi-totalité, les services sociaux et médico-sociaux sont exclus du champ même d'application de la directive. Ils satisfont en effet aux deux critères cumulatifs d'exclusion qui sont précisés dans l'article 2.2.j de la directive : d'une part, ils sont relatifs « au logement social, à l'aide à l'enfance et à l'aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin » ; d'autre part, ils sont assurés par des prestataires mandatés par l'État ou une collectivité publique,

Ensuite, il est vrai que certains services entrent dans le champ de la directive, par exemple les services d'aide à domicile, qui ne remplissent pas le critère du mandatement, ou les crèches et haltes-garderies, qui n'ont pas été considérées comme des services d'aide à l'enfance.

Sur ces points, nous avons avec vous une divergence d'interprétation et de définition. C'est certes regrettable, mais – c'est là l'essentiel – cela ne porte pas à conséquence. Il importe de rappeler que l'inclusion de ces services dans le périmètre de la directive ne remet en cause ni leur régime juridique ni leurs caractéristiques essentielles. Leurs régimes d'autorisation et d'agrément sont en effet justifiés pour des raisons impérieuses d'intérêt général, remplissant ainsi la condition posée aux articles 9 et 16 de la directive. Ces raisons impérieuses d'intérêt général sont bien sûr leurs objectifs d'ordre public et de santé publique.

Il n'y a donc aucun risque de dérégulation ni d'abaissement des exigences de qualité : chacun doit être pleinement rassuré sur ce point.

Je prendrai un exemple qui vous inquiète particulièrement, celui des établissements d'accueil des jeunes enfants. Aujourd'hui, pour créer une crèche ou une halte-garderie, il faut une autorisation préalable du président du conseil général, après avis du maire de la commune, s'il s'agit d'un projet porté par une personne privée. La directive services ne remet pas en cause cette exigence qui répond à d'évidentes préoccupations d'intérêt général.

En outre, les crèches et haltes-garderies sont actuellement soumises au contrôle et à la surveillance du médecin responsable du service départemental de la PMI. La directive ne remet pas en cause l'exercice de ce contrôle. Aucune modification n'est donc nécessaire.

Lorsque le préfet estime que la santé physique ou mentale ou l'éducation des enfants sont menacées, il peut prononcer la fermeture, totale ou partielle, provisoire ou définitive, de l'établissement. Ici encore, des raisons impérieuses d'intérêt général justifient pleinement ces prérogatives.

Vous voyez donc bien que ce texte n'ouvre pas la porte à la dérégulation de ce secteur. Il en est de même pour l'aide à domicile.

Enfin, une des questions qui vous préoccupent et qui inquiètent les collectivités locales concerne les concours et subventions versés à ces services sociaux par l'État et les collectivités territoriales. Je veux vous rassurer sur ce point également : ils ne sont remis en cause ni par la directive ni par le droit communautaire des aides d'État. Cette question a été longuement débattue lors de la conférence de la vie associative, et des assurances ont été apportées dans une note diffusée à tous les participants le 17 décembre.

Tout d'abord, la directive ne remet pas en cause les concours et subventions, car elle ne traite ni des questions de financement, ni des problématiques de marché public.

Ensuite, les règles du droit communautaire de la concurrence n'imposent pas l'utilisation du marché public et ne remettent donc pas en cause le régime actuel des subventions, puisque les aides dites d'État sont parfaitement autorisées lorsqu'elles sont versées à une entreprise ou une association sous les conditions suivantes : premièrement, que l'entreprise ou association gère un service d'intérêt économique général ; deuxièmement, qu'elle soit expressément mandatée à cette fin par les pouvoirs publics ; troisièmement, que les paramètres qui ont permis de calculer la compensation financière liée à cette mission aient été préalablement établis de façon objective et transparente ; enfin, que les financements n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts afférents aux obligations de service public.

Vous le savez, un nouveau modèle de convention d'objectifs a été élaboré avec les associations et avec les représentants des élus locaux dans le cadre des travaux préparatoires à la deuxième conférence pour la vie associative du 17 décembre dernier. Il a été diffusé en début de semaine par circulaire du Premier ministre à tous les ministres et publié au Journal officiel afin que tous puissent se l'approprier. Vous constaterez comme moi qu'il permet à tous les acteurs de bien prendre en compte les exigences communautaires, notamment celle d'ajustement de la compensation aux obligations de service public. En outre, il sécurise l'allocation des subventions aux associations.

Le haut-commissaire Martin Hirsch a d'ailleurs demandé hier aux préfets de sensibiliser les élus locaux à cette convention de sorte que tous puissent en faire usage lorsqu'ils attribuent des subventions. Je voudrais enfin rappeler que le Premier ministre s'est engagé à poursuivre cette démarche de clarification, autant qu'il sera nécessaire, dans le dialogue avec les associations et les élus locaux.

Ces divers éléments montrent combien les craintes exprimées par les signataires de la proposition de loi sont infondées. Les services sociaux et médico-sociaux ne sont en rien menacés.

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