C'est sous le Gouvernement de Lionel Jospin qu'a été mis en place un plan quinquennal, de 1997 à 2002, conformément aux engagements de celui qui était devenu Premier ministre. Il faut rappeler ce plan quinquennal non seulement parce qu'il n'avait pas eu de précédent, mais aussi parce qu'il n'a jamais eu de suite à la même hauteur.
Ce plan a bénéficié d'une participation de l'État d'un milliard de francs en 1998, de 1,6 milliard de francs en 1999, 2000 et 2001, et de 2,2 milliards de francs en 2002. Il a permis de relever les retraites de base des chefs d'exploitation de 29 %, celles des aides familiaux de 49 % et celles des conjoints de 80 %.
Par la suite, malgré nos demandes, aucun gouvernement ne s'est engagé sur un plan quinquennal et n'a consenti le même effort financier.
À l'issue de ce plan, les retraites de base des chefs d'exploitation avaient atteint le niveau des celles des salariés. Afin d'atteindre les 75 % du SMIC que réclamait l'ANRAF à l'époque – taux sur lequel Lionel Jospin s'était engagé –, il fallait créer un régime complémentaire obligatoire, existant dans tous les régimes d'assurances vieillesse à l'exception de celui de l'agriculture. C'est ce que nous avons fait en 2001 et en 2002. La création de ce régime s'est faite à partir d'une initiative parlementaire. Ce n'était pas un projet de loi du Gouvernement, mais une proposition de loi d'un député dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur.
À l'époque, le gouvernement de Lionel Jospin s'était engagé à soutenir cette proposition. Le Premier ministre était venu ici, dans l'hémicycle, tenir ces propos : nous connaissons les difficultés du régime et le déséquilibre démographique qui conduit à compter quasiment trois retraités pour un actif ; le Gouvernement va s'engager à participer financièrement à la mise en place du régime complémentaire obligatoire.
Sans cet effort du Gouvernement de Lionel Jospin, ce régime n'aurait jamais été créé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le régime complémentaire obligatoire a bénéficié à 465 000 chefs d'exploitation dans notre pays qui ont perçu un complément de retraite correspondant à environ 1 000 euros par an aujourd'hui.
Cependant, ce régime avait été limité aux chefs d'exploitation. Pourquoi ? Disons-le simplement : pour des raisons financières.
D'abord, il fallait limiter la contribution des actifs. À l'époque, j'ai moi-même mené les négociations avec l'ensemble des syndicats agricoles et les jeunes agriculteurs. Forcément, ils demandaient que la contribution soit la plus basse possible. Les parlementaires, le Gouvernement et les professionnels s'étaient mis d'accord pour que cette contribution ne dépasse pas 3 %. Elle est restée à 2,97 %.
La contribution des actifs devait donc être complétée par une participation de l'État. Comme tout n'était pas réalisable, ce régime a été limité aux chefs d'exploitation. Cependant, dès 2002, nous avions prévu la possibilité de l'étendre aux conjoints et aux aides familiaux.
À présent, nous nous retrouvons exactement dans le même cas de figure. Le texte en discussion est une proposition de loi émanant d'un député et soutenue par un groupe politique : le groupe socialiste et apparentés.
Nous attendons de ce gouvernement qu'il adopte la même attitude que le gouvernement Jospin : qu'il accepte d'étendre le régime complémentaire obligatoire aux conjoints et aux aides familiaux, en prévoyant d'apporter une contribution de l'État sans laquelle cette extension est impossible.
L'extension du régime aux conjoints et aux aides familiaux bénéficierait à 363 000 personnes, pour un montant de prestations de 413 millions d'euros, selon les chiffres de la Caisse centrale de la mutualité agricole. Pour mémoire, l'actuel régime complémentaire obligatoire des chefs d'exploitation verse 465 millions d'euros de prestations, et la participation annuelle de l'État atteint 145 millions d'euros. En gros, la participation de l'État représente le tiers des prestations versées, le reste provenant des cotisations.
Si l'on gardait le même rapport, l'effort demandé à l'État représenterait un tiers des 413 millions d'euros, c'est-à-dire 130 à 140 millions d'euros par an.
Sans doute fera-t-on, au cours de la discussion, d'autres comparaisons avec certains cadeaux fiscaux consentis à d'autres catégories sociales.