Madame la présidente, permettez-moi tout d'abord de vous remercier, ainsi que le Gouvernement, de me permettre de passer ce soir à la tribune.
Monsieur le secrétaire d'État, ce texte est court, mais pas anodin comme vous tentez de nous le faire croire. Il participe du bouleversement de nos institutions inscrit dans une réforme territoriale qui renie les principes fondamentaux de la décentralisation, puisque les collectivités territoriales vont perdre leur libre administration.
Les lois de décentralisation initiées par la gauche avaient pour objectif premier de servir la démocratie par le biais d'une démocratie locale de proximité. Partant du constat qu'une administration centrale ne permettait pas de répondre efficacement aux enjeux et aux besoins propres à chaque territoire, la décentralisation s'est imposée comme la meilleure solution pour pallier ces insuffisances. Dans des territoires ruraux et de montagne tels que l'Ariège, éloignés des lieux décisionnels, la décentralisation a permis de mettre en place des services publics de proximité. Efficaces, ces services le sont d'autant plus que leur organisation et leur gestion de proximité permettent d'adapter leur fonctionnement aux réalités et aux particularités locales. C'est un point d'autant plus important que le désengagement de l'État vise à supprimer les services publics dans nos campagnes et dans nos montagnes.
Le texte qui nous est présenté pose la première pierre de votre projet de réforme territoriale. La réduction des mandats que vous proposez va paralyser les collectivités. En effet, qui peut bâtir des projets politiques avec un mandat raccourci et une incertitude totale quant à leur avenir ? Avec cette réduction de mandat et les incertitudes qui pèsent sur les compétences et les finances des collectivités, vous allez les contraindre à une longue période d'immobilisme.
Il y a un instant, je rappelais l'importance du rôle joué par la décentralisation. Or la fusion des conseillers généraux et régionaux au sein d'une même entité s'inscrit exactement à l'encontre du principe fondateur de la décentralisation, c'est-à-dire de la volonté de rapprocher les pouvoirs de décision des citoyens. Alors que, depuis 2007, votre gouvernement ne cesse de louer ses propres mérites en matière d'avancées démocratiques, nous préférons au contraire pointer le dangereux virage que vous faites prendre à notre régime.
Par ailleurs, la mise en place des conseillers territoriaux donnera lieu à des aberrations : elle va fragiliser le dynamisme des régions et l'action des départements, le mode de scrutin choisi va nuire à la parité femmeshommes et les élus seront éloignés des territoires. Pour toutes ces raisons, nous sommes fortement opposés à cette réforme.
Loin de clarifier la donne actuelle, la création des conseillers territoriaux va la complexifîer davantage tout en détruisant les avancées apportées par la décentralisation.
Une fois de plus, voilà une réforme préparée dans la précipitation sans prendre la peine d'en vérifier les conséquences sur les territoires. Ainsi, si l'on s'en tient juste à l'organisation, comment voulez-vous que les futurs conseillers territoriaux puissent être proches des citoyens qu'ils sont censés représenter s'ils doivent se rendre le matin dans leur département et l'après-midi au conseil régional ? Les conditions climatiques des dernières semaines ont rappelé, ô combien, qu'il était parfois difficile de se déplacer. Par conséquent, pour les zones rurales et de montagne, une telle organisation est impossible. Ces élus n'auront plus de « locaux » que le nom. Au vu des distances qu'ils auront à parcourir pour siéger et travailler dans les deux instances, ils ne pourront satisfaire le nécessaire besoin de proximité qu'exige pourtant leur mandat.
Tout sauf pragmatique, la réforme des collectivités voulue par votre gouvernement illustre parfaitement la façon dont vous entendez gérer la France. En recentralisant, vous tentez de mettre à mal tous les contre-pouvoirs locaux qui, sur nos territoires, agissent chaque jour pour mener une autre politique que la vôtre : une politique plus juste, soucieuse de servir efficacement l'intérêt général, une politique solidaire envers des populations de plus en plus démunies. Avec vos projets de réforme, vous installez la confusion entre le département et la région, ce qui porte atteinte à l'autonomie des collectivités, vous instituez la tutelle d'une collectivité sur l'autre et vous institutionnalisez le cumul des mandats.
Le véritable enjeu de cette réforme aurait dû être de rendre nos collectivités encore plus efficaces pour les citoyens. Au lieu d'une décentralisation poussée, gage de proximité et d'efficacité, votre gouvernement a fait le choix d'une recentralisation punitive.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte, première étape de la fin annoncée de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)