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Intervention de Bernard Derosier

Réunion du 19 janvier 2010 à 21h30
Concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Derosier :

Si tel était l'objectif du Gouvernement, la réforme territoriale mise en oeuvre veillerait très certainement à prévoir les mesures nécessaires pour assurer la représentativité des différentes sensibilités politiques.

Un autre projet de loi traite de l'élection des conseillers territoriaux et du mode de scrutin. Or, parmi les différentes options possibles, celle proposée par le Gouvernement est la moins susceptible d'assurer cette représentativité. En effet, les 80 % d'élus au scrutin majoritaire uninominal à un tour et les 20 % d'élus à la proportionnelle constitueront des assemblées hybrides ; cela a été suffisamment évoqué tout à l'heure et je n'insiste pas.

Ce mode de scrutin est tellement décrié que le président du groupe majoritaire, M. Copé, a évoqué il y a quelques jours la nécessité de constituer un groupe de travail qui serait chargé d'éclairer le rapporteur.

Dans ces conditions, comment pourrait-on croire le Gouvernement lorsqu'il invoque, pour justifier la rapidité de la procédure, la nécessité pour les électeurs de connaître la durée du mandat des conseillers régionaux au moment de leur vote, en mars prochain ? Cet argument paraît bien peu crédible, et le souci du respect de la démocratie bien peu sincère, à l'examen du mode de scrutin proposé pour la désignation des conseillers territoriaux. En vérité, le Gouvernement poursuit sans nul doute des fins beaucoup moins nobles que la transparence due aux électeurs et le respect de la démocratie.

Enfin, si le Gouvernement était si soucieux de l'opinion publique, il tiendrait compte de la confiance exprimée par les Français dans la gestion des collectivités territoriales. Il marquerait davantage de considération pour l'attachement qu'ils expriment à ces collectivités.

Les résultats d'un sondage – et nous connaissons l'attachement de l'Élysée aux sondages – réalisé en novembre 2009 à la demande de l'Assemblée des départements de France démontrent qu'une large majorité des Français estiment que ces collectivités, les départements, constituent l'échelon le plus efficace pour mettre en place des services publics destinés à répondre aux besoins de la population : 82 % d'entre eux ont déclaré être attachés aux départements.

Or la réforme territoriale telle qu'elle est envisagée constitue une attaque en règle dirigée contre les départements mais aussi contre les régions, qui se verraient privés de leur clause générale de compétence qui fonde aujourd'hui leur capacité à agir de manière libre et autonome.

Les communes ne seraient pas moins menacées puisque nombre de projets qu'elles mènent ne peuvent se concrétiser qu'à la condition de pouvoir bénéficier des subventions départementales ou régionales fondées sur cette disposition.

Ainsi, la réforme territoriale malmène la décentralisation initiée en 1982, qui a permis de refonder le pacte républicain en affirmant que l'unité de la République devait s'ancrer dans l'autonomie et la diversité de ses collectivités.

En 2010, alors que les bénéfices d'une organisation décentralisée sont désormais bien acquis, l'objectif premier d'une réforme territoriale devrait être de confirmer cette autonomie et cette diversité, seules garantes des intérêts de nos concitoyens.

Au lieu de cela, le Gouvernement propose une réforme territoriale dépourvue de toute philosophie politique, à contre-courant du processus engagé il y a vingt-huit ans. Loin de constituer le rendez-vous historique de la décentralisation, cette réforme opère, bien au contraire, une recentralisation de nos institutions. Certes, M. Perben affirmait tout à l'heure qu'il n'y avait pas recentralisation puisque l'État ne reprendrait pas des compétences. Mais cette tendance recentralisatrice est néanmoins sensible puisqu'elle suit immédiatement la réforme fiscale qui a entraîné la suppression de la taxe professionnelle et par voie de conséquence atténué sinon quasiment fait disparaître la responsabilité des élus dans le vote des impôts, ces élus locaux qui sont jugés trop dépensiers par le Gouvernement et doivent subir la vindicte de ses membres.

L'autonomie fiscale constitue une des clés de la liberté d'administration des collectivités. Peut-être est-ce précisément pour cette raison qu'elle est malmenée par le Gouvernement ?

Nous assistons ici à une renationalisation des impôts, qui s'allie fort bien à la recentralisation qui se prépare avec la réforme territoriale.

Cette recentralisation devrait aggraver encore l'asphyxie financière des collectivités territoriales déjà observée au cours de ces dernières années.

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