Pourtant, on peut déceler une certaine forme de dérision dans la démarche du Gouvernement à l'égard de notre système démocratique, lorsque le Parlement est invité à se prononcer sur un texte dont la portée et les contours ne sont pas encore connus.
Lorsqu'il s'agit de justifier le calendrier retenu, le Gouvernement défend l'autonomie de ce projet de loi, indépendant des autres volets de la réforme. Il n'impliquerait pas nécessairement l'adoption des autres projets de loi examinés ultérieurement.
Pourtant, la lecture de l'exposé des motifs contredit cette affirmation. Il rappelle que l'entrée en vigueur de la réforme territoriale, telle qu'elle est envisagée par le Gouvernement, prévoit l'élection des conseillers territoriaux en mars 2014, appelés à siéger à la fois au conseil général de leur département d'élection et au conseil régional de la région à laquelle appartient celui-ci.
L'exposé des motifs précise expressément que, pour que l'élection de ces futurs élus soit possible, le mandat des conseillers généraux et celui des conseillers régionaux doivent nécessairement prendre fin simultanément. Je sais bien qu'on ne votera pas in fine l'exposé des motifs mais pourquoi ne pas dire clairement, quand vous présentez votre projet de loi, ce que vous avez écrit dans le document qui nous est remis ?
Ce lien direct entre ces projets de texte n'est en aucun cas nié par le Gouvernement lui-même. Contester leur interdépendance reviendrait à nier l'évidence, vous en conviendrez.
À ce jour, ni le nombre ni la répartition par département de ces futurs conseillers territoriaux ne sont connus. Récemment, vous précisiez, monsieur le secrétaire d'État, que les éléments nécessaires à la détermination du seuil retenu pour le nombre de ces élus seraient connus au début de l'année 2010, lorsque le Conseil constitutionnel se sera prononcé sur le redécoupage des circonscriptions législatives.
Alors, je vous pose la question : quand les parlementaires pourront-ils connaître les éléments définitifs et indispensables à leur bonne information ? C'est un peu comme avec la décision du Conseil d'État : vous gardez par-devers vous des informations et vous ne jouez pas la transparence.
Nous n'en savons pas davantage sur les domaines sur lesquels ces futurs élus seront appelés à délibérer. En effet, il nous faudra attendre l'adoption d'une loi ultérieure, prévue dans un délai de douze mois après l'adoption d'une première loi, pour connaître le détail de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités.
La conception de la démocratie dont se prévaut la majorité est décidément singulière, et ces pratiques sont d'autant plus inacceptables lorsqu'il s'agit de décider d'un enjeu aussi capital que l'avenir du paysage institutionnel français et des collectivités territoriales. Plus encore, c'est de l'organisation de l'État et de la démocratie qu'il s'agit. On peut craindre que les motivations ne soient purement démagogiques et électoralistes.
Par ailleurs, le texte en discussion s'inscrit dans le cadre d'un projet global à contre-courant des attentes des citoyens. Plutôt que cette réforme, ce qu'ils attendent, c'est d'abord d'avoir du travail et des revenus qui leur permettent de vivre dignement. Ensuite, s'ils s'intéressent de plus près au fonctionnement de leurs collectivités territoriales, ils veulent une réforme qui renforce la démocratie et qui approfondisse les acquis de la décentralisation.