Puisque nous discutons d'un projet de loi qui organise la concomitance des élections des conseillers régionaux et des conseillers généraux, je souhaiterais aborder la question tout à fait centrale du droit de vote et d'éligibilité des résidents étrangers non communautaires. Dans bon nombre de communes, les habitants ont été consultés sur ce sujet et, chaque fois, une majorité d'entre eux s'y est dite favorable. C'est, du reste, un sentiment partagé dans l'opinion publique. Ainsi, en 2008, plus de 50 % des Français considéraient qu'il serait juste d'accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires pour les élections locales et un sondage récent montre que cette tendance s'est encore renforcée.
Or il semblerait que M. Sarkozy ait tout simplement décidé de revenir sur ses engagements de campagne, faute d'avoir converti sa majorité à ses vues. Mais comment peut-on encore penser qu'un immigré, d'où qu'il vienne, a plus à voir avec un pays où il ne vit plus qu'avec celui où il a choisi de s'installer, de travailler, de fonder une famille, de scolariser ses enfants, de payer ses impôts, d'agir dans la cité et de créer des richesses, participant ainsi au « rayonnement de la France », pour reprendre l'une de vos expressions favorites en matière de droits des étrangers ? En quoi ces résidents seraient-ils moins méritants que les citoyens nés ou naturalisés Français ou membres de la Communauté européenne ? Nous pensons au contraire que l'égalité des droits, notamment en ce qui concerne la participation à la vie politique de son lieu de résidence, est une condition indispensable à une véritable représentation de la souveraineté populaire dans son ensemble.
Où se situe l'anomalie : dans le traitement égalitaire des étrangers qui résident sur notre territoire depuis au moins cinq ans ou dans le choix de faire l'impasse sur une réforme qui aboutirait enfin à une réelle justice, à une véritable modernité démocratique, telle qu'elle existe dans de nombreux autres pays européens ?
Ce projet de loi aurait été l'occasion parfaite d'innover et d'ouvrir le droit de vote aux étrangers, bref de moderniser réellement les institutions. Mes chers collègues, non seulement vous nous égarez en multipliant des réformes qui ne sont pas abordées dans le bon sens et qui mettent de côté des sujets aussi importants que la parité, le pluralisme politique, le respect des engagements liés à la décentralisation et le droit de vote des étrangers, mais, surtout, vous vous attaquez à des domaines qui sont très éloignés des préoccupations des Français. La réforme des collectivités locales, le débat sur l'identité nationale ou encore les pseudo-problèmes de sécurité sont autant de sujets qui nous détournent des véritables problèmes : l'emploi, le logement, les transports, l'accès à l'enseignement
Nos concitoyens ne sont pas dupes. Ils sont tout à fait capables de comprendre que les collectivités locales sont trop souvent le dernier représentant public véritablement présent dans les territoires, en particulier dans les plus populaires d'entre eux, c'est-à-dire ceux qui ont le plus besoin d'un appui et d'une présence publics. Cette réforme territoriale et, en tout premier lieu, ce projet de loi compliquent nos institutions et éloignent un peu plus les élus de leur terrain. Force est de constater que vous mettez la charrue avant les boeufs. En effet, en voulant vous inscrire dans des logiques électoralistes et donc court termistes, vous oubliez le fond du problème : la participation des citoyens à la vie de la cité et à la vie démocratique.
En un mot et pour conclure, nous sommes, depuis la rentrée, confrontés à trois propositions – réforme du Grand Paris, suppression de la TP et réforme des collectivités locales – qui participent d'un même projet politique très bien orchestré. Ne perdons pas de vue que tout est absolument lié. La dynamique engagée par le Gouvernement va clairement dynamiter les logiques de survie des territoires les plus vulnérables. C'est pourquoi les députés de notre groupe se mobiliseront contre le projet de big bang territorial et voteront résolument contre l'ensemble de ces textes.