Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sans vouloir prolonger les échanges intervenus lors des explications de vote antérieures, je dois avouer que je continue de trouver curieuse la situation dans laquelle nous nous trouvons. On nous administre régulièrement des leçons de morale à propos de la séparation des pouvoirs, de l'équilibre des pouvoirs, etc. Or le début de l'examen de ce texte nous donne l'occasion de vivre, de ce point de vue, des moments assez remarquables. Que ne dirait-on pas si les rôles étaient inversés et si la majorité actuelle jetait en pâture tel ou tel avis du Conseil d'État ? Je tiens d'ailleurs à vous remercier, monsieur le secrétaire d'État, car je trouve formidable que vous ayez eu l'élégance, la gentillesse et la courtoisie de répondre assez longuement. Je me permets de relever au passage que nous n'avons pas connu cela sous beaucoup de gouvernements.
Avec l'examen de ce projet de loi organisant la concomitance du renouvellement des conseils généraux et des conseils régionaux, nous abordons la discussion d'un texte qui, malgré son apparence courte et technique, marque en réalité le coup d'envoi de nos débats sur l'un des principaux aspects de la réforme des collectivités locales initiée par le Président de la République : le remplacement, à l'horizon 2014 des conseillers généraux et régionaux par des conseillers territoriaux élus pour siéger simultanément au département et à la région.
Permettre aux conseillers territoriaux de voir le jour à cette date implique ainsi une harmonisation du calendrier électoral nécessitant à son tour de réduire la durée de certains mandats locaux, notamment celui des conseillers généraux appelés à être élus en 2011, qui, pour leur part, verront leur mandat réduit de six à trois ans.
En la matière cependant, à défaut d'exigences constitutionnelles fermement établies, la tradition républicaine veut que, si le législateur est compétent – et, permettez-moi cette incidente, jusqu'à preuve du contraire, c'est encore ici qu'est votée la loi et c'est encore au législateur qu'il appartient de le faire, quels que soient les avis rendus par le Conseil d'État –, si le législateur, disais-je, est compétent pour fixer le régime électoral et donc la durée des mandats des assemblées locales, il s'abstient de réduire la durée de mandats ayant déjà commencé.
Tel est donc l'un des objets de ce texte, monsieur le secrétaire d'État : fixer les règles préalablement aux élections, notamment aux élections régionales de mars prochain, afin de ne pas reporter à une échéance trop lointaine la pleine application de la réforme territoriale dont notre assemblée commence seulement à débattre dans cet hémicycle.
Néanmoins, mes chers collègues, ne nous y trompons pas, en dépit de son caractère de préalable à la réforme de nos collectivités locales, ce texte possède également un objet qui lui est propre – vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, à plusieurs reprises, et le groupe Nouveau Centre souscrit à vos propos – et qui le rend dès lors pleinement autonome par rapport aux autres projets législatifs constituant à ce jour la réforme envisagée des collectivités territoriales. S'il rend techniquement possible l'élection en 2014 des conseillers territoriaux dont le comité Balladur avait proposé la création, son adoption ne préjugerait en aucune manière la décision qui sera en fin de compte celle du législateur.
Indépendamment du débat qui aura lieu dans cette assemblée d'ici à quelques mois, le texte qui nous est aujourd'hui soumis se suffit à lui-même en proposant de mettre fin à l'émiettement dans le temps des scrutins locaux pour stimuler la participation de nos concitoyens à ces élections.
Les élections régionales et cantonales auraient désormais lieu de manière simultanée et, conséquence de ce regroupement dans le temps, le système de renouvellement triennal par moitié des conseils généraux, en vigueur dans notre pays depuis 1871, serait pour sa part abandonné.
Ironie de l'histoire – je ne résiste pas au plaisir d'y revenir – la concomitance des élections régionales et cantonales avait été en 1990 instituée par un gouvernement, celui de Michel Rocard,…