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Intervention de Claude Leteurtre

Réunion du 20 janvier 2010 à 15h00
Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Leteurtre :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis dans cet hémicycle afin de discuter d'un sujet d'une grande importance sociétale : l'égalité professionnelle – objectif partagé. Le groupe Nouveau Centre se demande néanmoins si le débat devait être posé sous cette forme.

Actuellement, seuls 17,2 % des dirigeants de sociétés françaises sont des femmes. De plus, on l'a rappelé, on ne compte que 10 % de femmes dans les conseils d'administration des entreprises du CAC 40, taux qui chute à 8 % pour les 500 premières entreprises françaises.

Que se passe-t-il en Europe ? L'Union européenne commence à s'emparer lentement du sujet, comme le montrent le rapport sur l'égalité adopté par la Commission européenne en décembre 2009 et la résolution du Parlement européen du 17 janvier 2008, qui appelle la Commission et les États membres à « favoriser une présence équilibrée entre les femmes et les hommes dans les conseils d'administration, notamment lorsque les États membres sont actionnaires de ces entreprises ».

La loi espagnole de juin 2007 sur l'égalité entre les hommes et les femmes dans les partis politiques et les entreprises prévoit l'instauration de quotas de 40 % de femmes dans les conseils d'administration des sociétés d'ici à 2015.

La présente proposition entend permettre aux femmes « d'évoluer plus facilement au sein des instances de gouvernance des entreprises », le but étant d'atteindre la stricte parité à l'horizon de 2015.

En s'appuyant sur l'exemple de la Norvège, qui impose depuis 2006 la présence obligatoire d'un minimum de 40 % de femmes dans les instances de gouvernance des entreprises, la proposition de loi prévoit que les grandes entreprises disposeront d'un délai de cinq ans à compter de la date de promulgation de la loi, pour se mettre en conformité avec la règle de stricte parité.

Dans une perspective de comparaison, il est certes fort intéressant et enrichissant d'échanger sur les bonnes pratiques des autres États membres de l'Union européenne.

En ce qui concerne l'égalité professionnelle, nous pensons cependant qu'il n'est pas forcément souhaitable d'adapter entièrement une mesure introduite dans d'autres pays membres. Essayons au contraire de trouver des réformes qui répondent aux spécificités et besoins de notre modèle économique et social.

Nous pensons qu'il est possible d'introduire des quotas dans le secteur public, mais est-il raisonnable de procéder de même dans les entreprises privées ? Est-ce même possible, car il paraît utile de rappeler que les conseils d'administration sont les représentants des actionnaires ?

En revanche, nous approuvons les mesures supplémentaires prévues par le texte, comme l'adjonction d'un rapport de situation comparée au rapport annuel de gestion, proposition nécessaire puisque le rapport de situation comparée constitue un bon outil, à même de rendre compte des conditions de travail des hommes et femmes dans l'entreprise.

Selon la rapporteure, « la loi seule peut favoriser une évolution rapide vers un rééquilibrage du partage des responsabilités à la tête de ces instances de direction ». La société ne peut-elle pourtant évoluer que grâce à des lois et des sanctions ?

Je me permets de vous présenter nos réflexions selon deux axes. L'intervention sur l'égalité des hommes et des femmes à un moment où celle-ci ne peut être établie que de façon artificielle ne nous paraît pas être le bon choix. Il importe de commencer à intervenir plus tôt sur la promotion de l'égalité, et ceci de façon durable. Nous considérons qu'il serait judicieux de prendre davantage de mesures concernant l'enseignement, c'est-à-dire d'approfondir le sujet de l'égalité hommes-femmes dès le plus jeune âge – ce n'est pas l'ancien ministre de l'éducation ici présent qui dira le contraire.

Outre les efforts en matière d'éducation et d'orientation, nous soutenons un certain nombre de mesures favorisant la promotion de l'égalité professionnelle dans le monde de l'entreprise. L'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises – l'ORSE – a recensé 159 accords relatifs à l'égalité professionnelle signés depuis 2001 dans les entreprises. Aujourd'hui, 70 % des entreprises du CAC 40 – soit 28 d'entre elles – sont couvertes par un accord de ce type, contre 60 % en 2008. Il paraît intéressant de s'inspirer davantage de ce qui se fait déjà dans certaines entreprises françaises.

Ainsi, en ce qui concerne la réduction des écarts de salaires, les entreprises travaillent principalement sur les enveloppes salariales, soit en veillant à ce que les augmentations bénéficient dans les mêmes proportions aux femmes et aux hommes, soit en affectant une enveloppe à la réduction des écarts.

Quant à la parentalité, elle peut souvent représenter un obstacle objectif pour l'avancement de la carrière d'une femme. Le rythme de travail de la plupart des cabinets et des entreprises est en effet en discordance avec le rythme familial. Il importe donc d'organiser la flexibilité du temps de travail en valorisant le travail à domicile et en éliminant la pratique fortement discriminatoire des réunions de direction qui se déroulent à des horaires incompatibles avec la garde des enfants.

Pour ce qui est des stratégies de recrutement et de promotion, il est souhaitable d'augmenter la part des recrutements féminins à des postes de responsabilité, en se fondant uniquement sur les aptitudes professionnelles. Une promotion ne devrait pas se fonder sur des critères familiaux, pour ne pas dire sexuels, mais sur les seules compétences.

Enfin, certaines grandes entreprises se sont fixé des objectifs chiffrés pour féminiser l'encadrement. D'autres ont créé des outils pour faciliter la promotion des femmes ou garantir qu'elle soit équitable, en organisant par exemple des réseaux de femmes en interne.

Ces accords relatifs à l'égalité professionnelle nous montrent que le monde de l'entreprise est en train d'évoluer sans que nous soyons contraints d'imposer des lois. Nous sommes optimistes et considérons qu'il serait opportun de laisser un peu de temps aux entreprises afin qu'elles s'engagent davantage pour l'égalité des hommes et des femmes, notamment en matière d'encadrement moyen. Elles sont conscientes qu'elles ont tout à y gagner.

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