Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi, issue des travaux de la délégation aux droits des femmes, excellemment présidée par Mme Zimmermann, m'a motivée. Son intitulé prometteur pouvait laisser supposer que des problématiques fortes allaient être soulevées, celle de la présence des femmes dans tous les lieux de décision, de pouvoir économique et public, celle de l'égalité des salaires, celle de l'accès à toutes les filières et à tous les métiers.
Quand on se bat pour l'égalité entre les hommes et les femmes, l'on se bat pour que cette égalité se réalise partout et à tous les niveaux, y compris dans les instances dirigeantes des grandes entreprises. Mais, au regard de la situation des femmes, pourquoi se contenter de si peu quand nous pouvions saisir l'occasion de traiter le problème de l'égalité des genres dans l'entreprise et celui de la parité dans les responsabilités sous tous leurs aspects ? Or, plutôt que de s'attaquer aux racines de l'inégalité, cette proposition de loi ne se donne qu'un objectif restreint. Elle limite l'obligation de parité – je reviendrai sur ce terme – aux sociétés anonymes qui sont loin de représenter la totalité de notre tissu économique.
Cette proposition de loi semble viser essentiellement les entreprises du CAC 40. Il est vrai que la représentation des femmes y est mauvaise : 10 % en moyenne dans leurs instances de direction, et encore six d'entre elles n'en ont aucune, quand la moitié n'en compte qu'une.
Quand on sait que plus de 22 % des administrateurs des entreprises du CAC 40, soit une petite centaine de personnes seulement, détiennent 43 % des droits de vote de ces sociétés, on mesure à quelle citadelle de possédants il faut s'attaquer. Cela nécessite certes une loi qui instaure une véritable parité, mais surtout que cette loi s'élargisse à des mesures permettant l'intervention des femmes à tous les niveaux des entreprises concernées.
Si les établissements publics sont concernés par ce texte, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, rappelons que les emplois de direction des trois fonctions publiques – vous l'avez évoqué, madame la présidente – ne comptaient encore en 2005 que 15 % de femmes.
Rappelons encore que les inégalités ne concernent pas les seules instances dirigeantes : 13 % de femmes vivent sous le seuil de pauvreté, un tiers n'ont pas de qualification reconnue, près de deux tiers sont employées ou ouvrières, un tiers travaillent à temps partiel, en général subi. Deux fois plus de femmes que d'hommes sont payées au SMIC, et, alors que les filles sont en moyenne plus diplômées que les garçons, elles touchent des salaires inférieurs en moyenne de 27 % à ceux des hommes, ce chiffre atteignant plus de 30 % dans le secteur des services où elles sont particulièrement nombreuses. Alors que de nombreuses femmes doivent affronter une double journée, l'accès aux responsabilités dans l'entreprise leur est plus difficile.
La pension des femmes de plus de soixante-cinq ans est égale à 50 % de celle des hommes. Dans ce contexte, cette proposition de loi ne traite en fin de compte les inégalités professionnelles que par une entrée trop étroite. L'inspectrice de l'IGAS, Brigitte Grésy, dans son rapport du 8 juillet dernier, estime que la faible proportion des femmes dirigeantes est en premier lieu due « à l'illégitimité des femmes dans ces univers de pouvoir caractérisés par l'omniprésence des hommes, à la division sexuelle du travail et à la hiérarchisation du masculin et du féminin ». Elle serait également liée « à l'orientation scolaire et universitaire et au partage inégal des tâches familiales et domestiques ». Il convient donc d'agir sur l'ensemble de ces questions et de lutter contre les préjugés sexistes à tous les niveaux.
Cela implique d'ailleurs que votre majorité ne s'en prenne pas aux quelques acquis des femmes, qu'il s'agisse des bonifications liées à la retraite des femmes, du budget des centres de planification, des subventions en faveur des associations luttant pour les droits des femmes ou des centres IVG. La liste est longue.
Pour toutes ces raisons, nous devons aller plus loin. Vous le souhaitez, madame la présidente, je l'ai entendu dans votre intervention. Nous le souhaitons aussi. Ensemble, nous pouvons avancer dans le débat qui va suivre. C'est le sens d'une série d'amendements que les députés communistes et du parti de gauche proposeront.
Il est d'abord important d'affirmer que la parité, ce n'est pas 40 %, taux adopté en commission, mais 50 %. L'égalité n'est pas un quota, la parité non plus. Puisque les femmes sont aussi compétentes et nombreuses que les hommes, on ne peut accepter, au nom de la démocratie, moins que la parité. La parité, ce n'est pas trop, ce n'est pas un « trop plein », chers collègues.
S'il est juste de penser qu'une véritable parité dans les conseils d'administration et de surveillance constituerait une avancée en soi pour les femmes concernées, nous savons qu'elle ne permettrait pas à elle seule de résoudre le problème des inégalités professionnelles.
Nous l'avons vu avec la loi sur la parité. Il s'agit d'une avancée en soi là où les élections ont eu lieu au scrutin de listes à la proportionnelle. Mais elle n'a pas permis une réelle évolution des mentalités. J'en veux pour preuve la stagnation de la place des femmes partout où le scrutin n'est pas proportionnel.
Peut-on se représenter, en 2010, que, bien que plus nombreuses que les hommes dans l'électorat, les femmes ne représentent que 18 % des effectifs de l'Assemblée, 22 % de ceux du Sénat et 13 % de ceux des conseils généraux ? Que seulement 11 % des maires sont des femmes ? Et cela ne va pas s'arranger avec la proposition de votre majorité d'instaurer le scrutin uninominal à un tour pour l'élection des fameux conseillers territoriaux – je crains qu'il y ait peu de conseillères. (Mme Marie-Jo Zimmermann approuve.)
De même, alors que la précarité explose et que les femmes en sont les premières victimes, il est indispensable de stimuler la négociation salariale en organisant une grande conférence nationale sur les salaires et en sanctionnant les entreprises qui ne respecteraient pas l'obligation d'une négociation annuelle portant sur la réalisation de l'égalité des salaires entre femmes et hommes.
Démocratiser l'entreprise est une des conditions de la réduction des inégalités de genre, tout comme la suppression des logiques financières qui ont mené à la crise que nous connaissons, une crise dont les femmes payent le prix fort, elles qui sont déjà doublement exploitées avec les bas salaires et la précarité.
C'est pourquoi nous vous proposons des amendements visant à faire entrer les représentantes et les représentants des salariés dans ces lieux de décision stratégiques pour la gestion des entreprises que sont les conseils d'administration et de surveillance, visant à leur donner non seulement voix délibérative mais aussi un droit de veto contre les licenciements ou la flexibilisation des horaires.
Enfin, il est impératif d'agir en amont de la vie professionnelle, car une bonne partie des inégalités qui la parsèment trouvent leurs origines dans les choix d'orientation. Il faut lancer une grande campagne pour faire reculer les discriminations dans l'accès aux filières et aux métiers. Il faut créer un grand service public unifié de l'éducation, de la formation et de l'orientation scolaire, plaçant au coeur de ses missions la lutte contre les inégalités de genre.
Chers collègues, comme nous travaillons tous groupes confondus au sein de la mission spéciale destinée à la rédaction d'un texte de loi contre les violences faites aux femmes, et comme nous sommes en passe d'aboutir, pourquoi ne pas travailler, dans le même état d'esprit, à une grande loi-cadre sur l'égalité de responsabilités entre les femmes et les hommes, réellement susceptible de changer la donne ?
Si votre initiative est intéressante, madame la présidente de la délégation, elle mériterait beaucoup plus. En votant les amendements communistes et du parti de gauche, vous contribuerez à rendre ce texte plus utile aux femmes de ce pays. C'est dans cette attente que les députés communistes et du parti de gauche décideront de leur vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)