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Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 13 janvier 2010 à 10h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

Le sujet est complexe parce que le droit européen est compliqué et aussi parce que la directive services est le fruit d'un compromis politique ; il est d'une importance capitale, puisqu'il s'agit de créer le marché intérieur des services avec, à la clef, des emplois. L'objectif visé est donc positif mais, comme l'a souligné votre rapporteur, le choix d'une approche sectorielle ayant été écarté, une des difficultés tient à ce que la directive services concerne tous les services, mis sur le même pied.

Par ce texte, il est demandé aux États de passer en revue les activités réglementées et les régimes d'autorisation sur leur territoire, en vue de garantir la liberté d'installation et de prestation de services. Il leur est aussi demandé de créer un portail Internet permettant aux opérateurs des États membres d'avoir accès sans délai à toutes les informations qui faciliteront leur installation dans n'importe quel pays de l'Union.

Cette directive a une histoire sur laquelle il est bon de revenir. Dans un premier temps, elle a fait l'objet d'une forte opposition, selon moi justifiée, car dans le texte initial figurait le principe « du pays d'origine », en vertu duquel un prestataire de services européen pouvait appliquer la réglementation de son pays d'origine, et non celle du pays où il s'installait. À ce moment, les Gouvernements s'étant désengagés du processus, le Parlement européen a décidé de remettre l'ouvrage sur le métier et nommé Mme Évelyne Gebhardt rapporteure. Un compromis a alors été trouvé entre les groupes politiques du Parlement européen, ce qui a permis une nouvelle rédaction de la directive.

Mais ce travail s'est fait en dehors de la Commission européenne. Or, c'est elle qui est chargée d'appliquer la directive dans sa nouvelle version, et les points de vue respectifs de la Commission et du Parlement n'étant pas tout à fait les mêmes, il y a difficulté.

Au Parlement européen, les débats ont porté en premier lieu sur le principe du pays d'origine, qui a été éliminé du texte. Ont ensuite été discutées les exclusions. Comme il s'agit d'une directive « horizontale », il convenait d'exclure de son champ d'application certaines activités, soit qu'elles relèvent d'une directive sectorielle, soit qu'elles aient été l'objet d'une négociation spécifique entre États. C'est ainsi que certaines activités ont été exclues du champ d'application de la directive services : services financiers, agences de travail intérimaire, jeux d'argent, taxis… – toutes activités qui n'ont rien à voir avec les services d'intérêt général.

Les débats ont ensuite porté sur les services sociaux. Tout ce qui concerne la santé était exclu du champ d'application de la directive. Pour ce qui concerne les services sociaux, les choses étaient un peu plus complexes, car deux éléments sont entrés en jeu : les critères d'activité et le mandatement. Le Parlement européen a décidé que pourraient être exclus du champ de la directive le logement social, l'aide à l'enfance, l'aide aux familles et les services aux personnes dans le besoin, ces services devant être mandatés par les pouvoirs publics.

Voilà comment la nouvelle rédaction de la directive a été conçue. Mais, la Commission européenne considère que les exclusions décidées par le Parlement européen sont beaucoup trop nombreuses et qu'il fallait ouvrir le marché intérieur des services bien davantage. Elle a d'ailleurs publié un manuel de transposition de la directive, que le Parlement européen conteste.

Dans ce cadre, quelle transposition le Gouvernement propose-t-il ? Il exclut du champ d'application de la directive certaines activités mais pas d'autres. Des discussions ont eu lieu à ce sujet, certes, mais nous n'avons pas eu beaucoup d'informations. Ainsi, nous ne savons ni combien, précisément, de régimes d'autorisation ont été notifiés à la Commission européenne ni comment ils ont été justifiés. Ainsi, dans le domaine de la santé, les laboratoires d'analyse médicale sont exclus ; pour ce qui est des services sociaux, le logement social est exclu, d'autres services le sont aussi mais les établissements d'accueil de la petite enfance ne le sont pas, alors même que la directive prévoit explicitement qu'ils peuvent l'être. Ce choix suscite de très vives inquiétudes.

Il convient de souligner que ce n'est pas parce qu'une activité n'est pas exclue du champ de la directive que son régime d'autorisation sera démantelé et les contraintes réglementaires encadrant son exercice, levées. La France a déclaré à la Commission européenne environ 500 régimes d'autorisation qu'elle veut voir préservés en l'état, mais une discussion va avoir lieu à l'échelon communautaire, et les difficultés vont commencer car la Commission européenne ne manquera pas d'estimer que, dans tel État membre, le régime d'autorisation est trop restrictif par rapport à ce qui prévaut ailleurs. Dans ce cadre, le choix fait par le Gouvernement français de ne pas exclure l'aide à la petite enfance du champ d'application de la directive suscite de multiples interrogations dans les régions. Qu'adviendra-t-il du régime d'autorisation de création de crèches ?

En résumé, la France aurait dû aller beaucoup plus loin et exclure d'autres services du champ d'application de directive services. C'est ce qui explique notre proposition qui, tout en adaptant le droit français au droit européen, sécurise les services sociaux, menacés par le « paquet Monti-Kroes » relatif aux aides d'État. L'Association des maires de France travaille avec le Gouvernement à trouver un système de sécurisation. Nous proposons à cette fin la création d'une convention de partenariat qui permettrait aux collectivités de contracter avec les associations. Au-delà, la France doit continuer de revendiquer sa spécificité en matière de services sociaux. Alors que le Traité de Lisbonne donne une base juridique à la rédaction d'une directive reconnaissant et sécurisant les services d'intérêt général, on regrettera que le Gouvernement français ait fait sienne une vision plutôt conforme à celle de la Commission européenne. De ce fait, on peut craindre que, pour ce qui concerne l'aide à la petite enfance, il ne se trouve politiquement désarmé. Une forme de normalisation est en marche. Or, le tiers secteur est très présent en France mais beaucoup moins dans les autres pays de l'Union européenne. Cette spécificité pose problème à la Commission européenne, dont la vision est beaucoup plus classique : le marché d'un côté, l'autorité publique de l'autre, et rien entre les deux. En adoptant une vision un peu trop conforme à celle de la Commission, le Gouvernement a fragilisé la position française pour ce qui concerne les services sociaux. La proposition tend aussi à protéger notre spécificité.

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