Je ne suis pas venue ici avec la volonté d'attaquer qui que ce soit, sur un sujet important qui touche à la santé de nos concitoyens. Il s'agit d'un problème difficile à gérer, qui ne mérite pas les comportements regrettables de certains.
Il n'est pas question pour moi de nier la nécessité de prendre des mesures de prévention et de protection de la population, notamment face à des agents pathogènes nouveaux comme les virus H5N1 et H1N1. Pour autant, il faut savoir regarder la réalité avec courage et en tirer des enseignements pour l'avenir.
Ce qui nous inquiète, c'est qu'exagération et excès, incohérence et gâchis ont marqué la campagne de lutte contre la pandémie grippale. Cela se révèle très contre-productif et explique, pour une large part, le fait que peu de nos concitoyens se soient fait vacciner.
Les exagérations ont elles-mêmes été assorties d'une certaine opacité, ce qui a conduit à se demander si certaines informations gênantes n'auraient pas été cachées à l'opinion et à s'interroger sur le possible jeu des intérêts financiers de l'industrie pharmaceutique. Puisque vous n'avez rien à cacher, madame la ministre, vous ne serez donc pas opposée à la création d'une mission d'information, voire d'une commission d'enquête. L'exagération du danger et le matraquage médiatique excessif, décalé par rapport à la réalité, ont en tout cas décrédibilisé votre action et provoqué la suspicion des Français.
Les excès portent sur les mesures qui ont été préconisées. S'il est normal, madame la ministre, que les experts dispensent des avis compétents aux autorités sanitaires, reconnaissez que le danger a été très exagéré !
Nous avons, par ailleurs, reçu de nombreuses instructions contradictoires. Le corps médical a ainsi reçu l'injonction – la recommandation, appelez cela comme vous voulez – de prescrire le Tamiflu, dont l'efficacité n'était pourtant reconnue que dans des cas très particuliers. Je ne vous cache pas que, dans les couloirs des hôpitaux, nous nous sommes demandés si le but n'était pas d'écouler les stocks excessifs…
La campagne telle qu'elle a été orchestrée a alimenté à la fois la peur et le doute, dans un contexte de méfiance légitime face à un Gouvernement qui ne s'était pas distingué par sa gestion de crises antérieures. Ce cocktail a alimenté un certain obscurantisme très regrettable. Pourtant, l'intérêt de la vaccination, pour chacun comme pour la collectivité, a été démontré par Pasteur, à la fin du XIXe siècle ! Rien de tout ce qui est arrivé n'aurait dû nous surprendre.
Je voudrais ajouter quelques observations sévères concernant l'organisation. Les médecins généralistes ont été écartés de la vaccination, de même que les centres de santé, qui sont pourtant des structures collectives pluridisciplinaires. C'est regrettable. À Argenteuil, par exemple, la vaccination a eu lieu dans la salle des fêtes, située à 500 mètres du centre de santé. De ce fait, les médecins généralistes ne sont pas, aujourd'hui, en mesure de savoir lesquels de leurs patients sont vaccinés, même ceux relevant de la population à risque.
J'en viens à la mauvaise gestion des réquisitions. Je trouve méprisante la façon dont ont été traités les jeunes internes et les infirmières – à l'image de cette infirmière de Nanterre qui a été réquisitionnée pour le centre de vaccination de Magny-en-Vexin, situé à cinquante kilomètres de sa résidence, sans que personne ne se préoccupe de la façon dont elle pourra s'y rendre. Personne non plus ne s'est préoccupé des conséquences sur la formation des personnes réquisitionnées ni sur la désorganisation des hôpitaux !
Je suis, en outre, préoccupée par les gâchis financiers alors même que vous dénoncez l'irresponsabilité des médecins et des patients et la situation des hôpitaux publics dont le déficit, fin 2008, atteignait 760 millions d'euros, sans oublier que la loi de financement pour 2010 prévoit le prélèvement de 300 millions d'euros sur les caisses complémentaires, qui ont prévu d'augmenter leurs cotisations. Tout cela laisse perplexe.
L'objectif de vacciner un maximum de citoyens est légitime, mais il ne justifie nullement les dérives auxquelles nous avons été confrontés. C'est pourquoi je souhaite que la clarté soit faite concernant la question des doses, des contrats et des prix.
Enfin, je regrette le mélange entre les intérêts économiques et les responsabilités politiques qui a alimenté les soupçons, alors que seul le souci de la santé publique devrait présider à nos travaux.