Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, comme je l'avais dit en première lecture, nous sommes nombreux à avoir attendu ce projet de loi. Nous avons attendu longtemps puisque, rien que depuis 2002, plus de vingt propositions de loi ont été déposées par des parlementaires de toutes tendances politiques, à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Avec mes collègues Verts, j'avais moi-même présenté, en janvier 2008, une proposition de loi relative aux conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, suite à un travail mené par un grand nombre d'entre nous en coopération étroite et intense avec les associations de victimes, notamment l'association des vétérans des essais nucléaires et « Mururoa et tatu ».
Je voudrais saluer aussi le travail du médiateur de la République qui montre ainsi, une fois de plus, son utilité.
Enfin, un projet de loi reconnaît aux quelque 150 000 personnes, civils et militaires, ayant participé aux 210 essais nucléaires réalisés par la France entre 1960 et 1996, le droit à la réparation des préjudices subis.
Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais tout d'abord dire que, contrairement à de nombreux collègues, nous les Verts avons toujours été opposés aux essais nucléaires, non seulement parce qu'ils participaient de cette course à l'armement atomique si dangereuse pour notre monde, mais aussi parce qu'ils faisaient courir un risque mortel à ceux qui y concouraient comme à ceux qui vivaient à proximité des sites.
Nous avons longtemps été bien seuls à dénoncer ces conséquences sur la santé de toutes ces personnes civiles ou militaires. Le plus grave est que, sans aucun doute, les risques étaient connus. D'ailleurs, je crains fort que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets pour tous les travailleurs du nucléaire civil qui peuvent être soumis à des radiations. Les ouvriers qui travaillent sur les centrales nucléaires civiles ne doivent pas à leur tour être les victimes d'un choix politique ignorant les risques.
Pour ce qui est des essais nucléaires, il y a eu une forme de tromperie qui a été entretenue par les plus hautes autorités de l'État et relayée à tous les niveaux de la hiérarchie. Alors que les maladies sont actuellement de plus en plus nombreuses et que beaucoup de personnes sont déjà décédées, on ne peut plus reculer.
La nécessité d'une reconnaissance et d'une indemnisation n'en est que plus grande. C'est pour moi un devoir qui s'impose à nous tous. C'est non seulement un devoir de vérité de la France vis-à-vis d'elle-même, mais surtout un impérieux devoir vis-à-vis des victimes et de leurs proches.
Un texte de reconnaissance est un pas en avant non négligeable, et l'inscription dans la loi du principe d'indemnisation est également une avancée. Cela étant, nous ne nous pouvons que regretter que certaines attentes fondamentales des associations de vétérans des essais nucléaires ne soient pas satisfaites.
Selon nous, il fallait créer un véritable droit à l'indemnisation pour toutes les victimes et leurs ayants droit – je parle bien de droit. Or quand on crée un droit, on ne peut pas laisser l'attribution de la réparation – au demeurant insuffisante au regard du préjudice subi – à la libre appréciation d'un ministre quel qu'il soit. D'abord, parce que cette indemnisation doit être de droit. Ensuite, parce que le ministre est inévitablement juge et partie : il est le représentant d'un Gouvernement qui aura du mal à s'extraire de toute considération budgétaire – c'est bien pourquoi nous avons tant tardé, ayons le courage de le reconnaître – ; il est à la tête de l'administration qui a, de fait, causé le préjudice pour lequel il est demandé réparation.
C'est donc un problème pratique autant que théorique qui se posera lors des demandes d'indemnisations futures par les personnes victimes.
Pourquoi ne pas avoir retenu la proposition de créer un véritable fonds d'indemnisation autonome sur le modèle éprouvé qui existe pour les victimes de l'amiante, comme l'avait d'ailleurs préconisé le médiateur de la République ? Nous continuons à plaider pour ce système qui offrirait, sans nul doute, une bien meilleure garantie aux victimes.
Pourquoi ne pas avoir non plus retenu l'idée d'une présomption du lien de causalité entre le travail effectué dans les zones concernées par les essais et la maladie contractée par les victimes ? Cette présomption fait défaut pour pouvoir parler d'un véritable droit à l'indemnisation – j'insiste encore une fois sur le mot « droit ». Dans la rédaction actuelle du projet de loi, il n'y a toujours pas de droit, seulement une possibilité.
La formule retenue n'instaure en quelque sorte qu'une politique de cas par cas, à nos yeux dangereuse, même si on peut espérer que la pratique sera différente. Il est dommage que le texte n'ait pas été, d'entrée de jeu, beaucoup plus clair.
Nous ne pourrons donc pas accepter ce texte en l'état. Nous souhaitons que la procédure ainsi créée fasse rapidement l'objet d'un bilan et, surtout, que nous puissions franchir une nouvelle étape dans la reconnaissance d'un véritable droit à l'indemnisation.