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Intervention de Francis Hillmeyer

Réunion du 22 décembre 2009 à 15h00
Réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Hillmeyer :

Monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà treize ans que la France a mis fin à ses essais nucléaires dans le Pacifique. Il était donc grand temps que la nation apporte une juste réparation aux victimes directes de ces essais. J'en ai rencontré plusieurs, dont certaines dans ma propre circonscription, qui m'ont parlé de leurs souffrances physiques et morales devant la difficulté à faire reconnaître la cause de leurs maladies.

Nous ne pouvions en rester au dispositif d'indemnisation actuel, bien trop complexe et illisible. La législation doit être à la fois plus accessible et plus rapide.

Il faut en effet sortir des procès longs et pénibles pour les victimes et leurs familles afin de faire valoir un véritable droit à l'indemnisation, indépendant des différents statuts des anciens participants aux essais nucléaires. Il en va de la responsabilité et de la crédibilité même de notre pays.

Tout d'abord, je tiens à rappeler l'implication personnelle du ministre de la défense dans cette démarche. Ce projet de loi est une grande marque de courage politique, mais pas seulement. Car la loi répond aujourd'hui à un véritable impératif éthique, celui de responsabiliser et de placer dans une perspective à long terme les décideurs de notre pays. Aussi, au nom du groupe Nouveau Centre, je formulerai trois remarques.

La première est que ce débat, dépassant par sa nature même tous les clivages politiques, a fait l'objet d'une discussion fructueuse aussi bien entre les deux chambres qu'entre l'opposition et la majorité. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont travaillé ensemble et fait preuve d'une réelle complémentarité, ce qui a principalement permis d'aboutir à un projet de loi équilibré, qui répond aux attentes des victimes.

J'ajoute que ce texte est issu de la concertation de l'ensemble des parties prenantes de ce dossier, le ministre de la défense ayant reçu à plusieurs reprises des parlementaires, y compris polynésiens, le président de la Polynésie française, ainsi que les principaux opérateurs du nucléaires : EDF, le CEA et AREVA. Les membres de l'Académie de médecine, professeurs et spécialistes des radios induites, ont été consultés.

Ensuite, je tiens à souligner toute l'importance de l'introduction d'un véritable régime de présomption de causalité par le Sénat. Il appartient ainsi à l'État de fournir la preuve d'une absence de lien direct entre les essais nucléaires et les pathologies développées, et non l'inverse.

Ce renversement de la charge de la preuve constitue une avancée majeure de ce texte. Aujourd'hui, l'État assume pleinement ses responsabilités en créant un droit à réparation intégrale des préjudices. Il était en effet indispensable que le demandeur ayant subi un préjudice soit replacé dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si les essais n'avaient pas eu lieu.

J'ajoute que, conformément aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, les ayants droit seront pris en compte dans ce projet de loi : si la personne est décédée, la demande d'indemnisation pourra être présentée par les membres de sa famille.

De même, la charge de la preuve sera allégée pour le demandeur, car celui-ci devra simplement justifier qu'il a résidé ou séjourné aux dates et lieux indiqués par la loi et qu'il est atteint d'une maladie qui figure sur la liste annexée au décret.

Plusieurs éléments importants viennent ainsi s'ajouter afin de véritablement renforcer la demande d'indemnisation et la protection du demandeur. En premier lieu, celui-ci pourra s'appuyer sur le ministre de la défense et sur les administrations concernées, comme, par exemple, les douanes, pour prouver qu'il était dans une zone touchée au moment des essais.

En second lieu, conformément au principe de présomption de causalité, il appartiendra au ministre de motiver son éventuel refus d'indemnisation ainsi que de joindre à sa décision la recommandation du comité d'indemnisation.

Cette double contrainte donnera au demandeur les outils nécessaires pour apprécier la justesse et la pertinence des décisions afin de les contester le cas échéant.

Enfin, je tiens à redire que ce droit n'est pas un simple acquis théorique ; ce sera une réalité vécue et éprouvée pour les victimes des essais nucléaires comme pour leur famille. Je prends l'exemple de la création d'un comité d'indemnisation, qui sera présidé par un magistrat et composé principalement de médecins. J'ajoute que ce comité sera pleinement indépendant puisque ses membres seront nommés non pas par le seul ministre de la défense, mais par les principaux acteurs de la réparation en matière de santé.

J'en profite ici pour souligner le caractère évolutif de la liste des maladies ouvrant droit à indemnisation. Celle-ci comptera initialement dix-huit maladies et sera conforme à la liste établie par une agence spécialisée de l'ONU. D'autres maladies pourront y être annexées en fonction des avancées de la science.

Autre point positif qu'il convient de souligner : ce projet de loi tient compte de la variabilité de la sensibilité des individus aux expositions des rayonnements ionisants, ne retenant pas de seuil minimum d'exposition.

Ces deux points permettent d'introduire des conditions d'indemnisation plus justes et plus équitables, car fondées sur la réalité des faits.

Enfin, j'aimerais saluer le courage et la dignité des victimes civiles et militaires qui se battent depuis des années pour obtenir une juste réparation de leur préjudice. Je crois que la représentation nationale se doit de conclure le plus rapidement possible la transcription législative de cette démarche.

Vous n'en serez donc pas surpris, monsieur le ministre, le groupe Nouveau Centre votera ce texte, dont l'urgence apparaît chaque jour plus évidente. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

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