Monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, la crise actuelle est un révélateur des désastres économiques et sociaux engendrés par votre politique – casse du droit du travail, démantèlement des services publics, explosion du nombre de travailleurs pauvres et des emplois précaires, assèchement des comptes publics et sociaux –, une politique qui s'est traduite aussi par l'aggravation sans précédent des inégalités.
Les chiffres sont là. Le centième des Français les plus riches détient, à lui seul, la moitié du patrimoine financier total. En dix ans, les 500 plus grosses fortunes françaises se sont enrichies de 150 milliards d'euros. Leur fortune représente désormais 14 % du produit intérieur brut de notre pays, contre 6 % il y a dix ans. A contrario, 7,9 millions de personnes vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Les personnes pauvres représentent 13,2 % de la population. Un Français sur deux vit avec moins de 1 400 euros par mois.
Nos concitoyens auraient pu attendre du Gouvernement qu'il réagisse et s'attache à rééquilibrer la répartition des richesses, fruit du travail de tous. Mais votre politique de baisse des impôts au bénéfice des plus aisés a, au contraire, contribué à aggraver les inégalités et à priver l'État de ses moyens d'action.
Nous vous avons proposé la semaine dernière de supprimer le bouclier fiscal qui permet aujourd'hui aux plus hauts revenus de s'exonérer d'une grande partie de leurs impôts. Vous avez prétendu que le bouclier fiscal permettait d'éviter qu'un contribuable ne travaille plus d'un jour sur deux pour l'État. Cet argument, vous le savez, est mensonger, car les revenus visés par le bouclier fiscal ne sont pas les revenus du travail mais des revenus du patrimoine. Cela m'amène à vous poser la question : trouvez-vous normal qu'une partie des impôts de nos concitoyens, 450 millions d'euros, soit reversée aux grandes fortunes ? Ne trouvez-vous pas scandaleux d'avoir inventé cette solidarité inversée par laquelle vous demandez à la majorité de nos concitoyens d'améliorer le pouvoir d'achat des plus riches ?
Nous vous avons proposé de rétablir le taux marginal de l'impôt sur le revenu et de majorer l'impôt sur la fortune. Vous auriez pu retenir l'une ou l'autre de ces propositions. Vous n'ignorez pas en effet que l'Angleterre comme l'Allemagne ont engagé ce débat. Pourquoi vous y refusez-vous ?
Le fait est que l'imposition des hautes tranches du revenu n'a jamais joué le rôle que vous lui prêtez en termes d'attractivité. Son attractivité, notre pays la doit avant tout à la qualité de ses infrastructures, de ses services publics, de son régime de protection sociale, du travail de ses salariés. Autant d'atouts que vous détruisez un à un.
Vous n'avez pas davantage souhaité que l'on aborde la question de la répartition des revenus au sein des entreprises. Vous vous refusez toujours à supprimer les stock-options, dont l'usage a pourtant été dénoncé par la Cour des comptes. De même, vous refusez, contre toute logique économique, de taxer les parachutes dorés et les avantages exorbitants dont bénéficient aujourd'hui des dirigeants des grandes entreprises.
Pourtant, le constat s'impose : les salaires des dirigeants et des cadres dirigeants des grandes entreprises ont cru de façon exponentielle ces dernières années, tandis que les salariés se serraient la ceinture, que beaucoup ont perdu leur emploi, au nom des folles exigences des marchés financiers, des fonds de pension et autres.
Ce n'est pas seulement la démesure des salaires des patrons qui choque tant nos concitoyens, mais le fait que des entreprises qui licencient tout en réalisant des profits versent dans le même temps des bonus somptuaires à leurs dirigeants. Nos concitoyens ont le sentiment, fondé, que les dirigeants des grandes entreprises et les actionnaires s'enrichissent sur leur dos, avec l'assentiment du Gouvernement.
Vous qui proclamez votre attachement à la valeur travail, que faites-vous contre ceux qui ne vivent que de leur rente et vampirisent l'économie ? Rien. Vous vous êtes bornés à prendre un décret dont la portée est insignifiante puisqu'elle n'intéresse que les bonus des seules entreprises aidées par l'État jusqu'en 2010. En réalité, vous avez cherché à tromper l'opinion publique tout en adressant aux grands patrons le message suivant : attendons que la crise se tasse et tout pourra recommencer comme avant.
Enfin, pourquoi avoir refusé de limiter, comme nous le proposions, le salaire des dirigeants de grandes entreprises à vingt fois le salaire minimal de leurs salariés ? Ce serait une mesure de justice : si le dirigeant veut s'augmenter, eh bien, qu'il augmente tout le monde !
Votre refus systématique d'adopter la moindre mesure de notre texte porte clairement témoignage que, face à la crise actuelle et à ses désastres sociaux, vous avez choisi d'opter pour l'attentisme, sans prétendre en aucune manière modifier les règles du jeu qui ont conduit à la situation dans laquelle nous sommes. Vos beaux discours sur la moralisation du capitalisme apparaissent désormais pour ce qu'ils sont : hypocrites. Vous aurez beau multiplier les mesures d'affichage ; en refusant d'adopter les mesures de simple justice que nous vous proposons dans ce texte, vous manifestez clairement vos véritables intentions : rassurer les milieux financiers sur votre volonté de maintenir le statu quo. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)