Merci madame la présidente. Cette proposition de loi fait suite aux scandales survenus ces dernières années avec la faillite de sites Internet du type « Showroom 2001 », « Le Magicien des prix » et, surtout, de la CAMIF qui a été placée en liquidation judiciaire en octobre 2008, provoquant alors l'émoi de la France entière avec des dizaines de salariés se retrouvant du jour au lendemain sans emploi et plusieurs milliers de clients, dont certains très modestes, ne pouvant recevoir ce qu'ils avaient commandé et réglé. Qui plus est, les transporteurs qui n'avaient pas pu se faire payer n'ont pas hésité, pour rentrer dans leurs fonds, à se retourner contre les consommateurs. Nombreux ont été ceux d'entre nous qui ont été sollicités par des particuliers ou des professionnels pour sortir de situations ubuesques.
La vente à distance (qui désigne la vente d'un bien ou la fourniture d'une prestation de service conclue sans la présence physique simultanée des parties, celles-ci utilisant exclusivement, pour la conclusion du contrat, une ou plusieurs techniques de communication à distance) a pris une ampleur tout à fait extraordinaire grâce au développement du commerce électronique. S'il représente aujourd'hui plus de 80 % de la vente à distance, il ne s'y résume pas pour autant. La vente à distance subsiste à la marge sous d'autres formes, qu'il s'agisse du téléphone, du fax, du minitel ou du support papier. Cela étant, le consommateur peut aujourd'hui visiter plus de 60 000 sites marchands actifs contre un peu plus de 15 000 en 2005. En 2008, le marché de la vente à distance représentait en France plus de 25 milliards d'euros – dont 20 milliards pour le seul e-commerce –, correspondant à l'envoi de plus de 220 millions de colis. Outre le fait que toutes les potentialités offertes par le commerce électronique n'ont pas été exploitées, le consommateur doit aujourd'hui compter avec de nouvelles formes technologiques de la vente à distance, en particulier le « m-commerce », c'est-à-dire le commerce électronique à partir du téléphone portable, auquel on prédit un brillant avenir.
Comme vous le voyez, la vente à distance ne cesse de se développer. Fatalement, le consommateur, noyé sous des messages publicitaires parfois peu lisibles, sans cesse sollicité par des propositions toujours plus nombreuses, ne sait plus distinguer le bon grain de l'ivraie et cède parfois aux offres alléchantes de vendeurs peu scrupuleux contre lesquels il convient de prendre des mesures fortes, afin de les empêcher de nuire plus longtemps.
Fallait-il pour autant un nouveau texte législatif ? Cette proposition de loi ne concerne que la vente à distance : il ne s'agit pas ici de refondre tout un pan de la législation en matière commerciale, mais bien davantage de renforcer les conditions de mise en oeuvre d'une forme de vente tout à fait singulière. Outre quelques directives communautaires adoptées notamment en 1997 et en 2000, le législateur national s'est attaché depuis longtemps à veiller à ce que le consommateur à distance bénéficie de garanties. Ainsi, l'ordonnance du 23 août 2001, qui fait figure de texte fondateur, a introduit la définition du contrat de vente à distance dans le code de la consommation et renforcé les contraintes pesant sur le professionnel en matière d'information à dispenser au consommateur. Elle a aussi explicitement prévu l'octroi au consommateur d'un délai de rétractation de sept jours francs au moins. Par la suite, la loi de juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a spécifiquement traité du commerce électronique, posant notamment le principe selon lequel le professionnel était responsable « de plein droit à l'égard de l'acheteur » de la bonne exécution du contrat en cause. En 2007, le secrétariat d'État à la consommation a établi un « baromètre des réclamations » permettant ainsi de connaître, chaque semestre, la typologie des problèmes rencontrés par les consommateurs et, de ce fait, de suivre l'évolution du volume des réclamations et de leur traitement. Signe de l'efficacité des dispositifs précédemment mis en place, les résultats obtenus au fil des années ont montré une baisse constante des réclamations dans le secteur de la vente à distance, hors effet CAMIF. Enfin, la loi Chatel de janvier 2008 a proscrit les appels surtaxés vers les hotlines, une mesure bénéficiant tout particulièrement aux consommateurs ayant recours à la vente à distance sur des sites Internet. Ce texte a par ailleurs remanié les conditions de rétractation du consommateur et renforcé à son bénéfice les informations que doit lui délivrer le professionnel.
Comme vous pouvez le constater, la protection du consommateur dans le cadre des ventes à distance est d'ores et déjà assurée. Néanmoins, la pratique a montré que certaines lacunes existaient : la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui tend justement à les combler.
Composée initialement de trois articles, je vous proposerai de l'enrichir par certaines dispositions qui m'ont été inspirées au fil des différentes auditions auxquelles j'ai procédées. Quels que soient nos interlocuteurs, tous ont bien compris l'équilibre auquel nous visions entre la sécurité accrue du consommateur, d'une part, et la liberté d'action des entreprises, d'autre part. La première ne doit pas paralyser la seconde. De même qu'il convient de faire appel à la responsabilité du consommateur, il importe de ne pas enserrer les entreprises dans de trop lourdes contraintes qui n'auraient pour effet que de décourager les initiatives.
L'article 1er article a principalement pour objet de renforcer les pouvoirs de l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation en lui permettant, au terme d'une procédure contradictoire, d'interdire à un professionnel dont la défaillance est patente, toute prise de paiement avant la livraison intégrale du produit ou l'exécution effective du service commandé. Le texte initial interdisait également la prise de commande mais une telle interdiction aurait pour effet, dans bien des cas, de couper les vivres à une entreprise déjà fragile alors que la poursuite de son activité pourrait lui permettre de répondre de nouveau à ses obligations. Par ailleurs, le risque pour le consommateur réside avant tout dans le fait de régler une commande sans que celle-ci ne soit exécutée, non dans la commande elle-même. En outre, comme vous le constaterez, j'ai souhaité que ce soit l'autorité administrative compétente qui puisse prendre la mesure d'interdiction, et non le ministre comme initialement proposé, afin d'agir avec davantage de célérité et de souplesse.
L'article 2 appelle peu de commentaires : il permet seulement à l'autorité administrative de saisir le président du tribunal de commerce compétent afin qu'il détermine avec le professionnel en difficulté les voies et les moyens pour y remédier.
Enfin, l'article 3 a pour objet d'exclure l'action directe en paiement du voiturier aux contrats de vente à distance. Ce système permet au transporteur qui n'aurait pas été payé en raison des défaillances du professionnel de la vente à distance – faillite, mise en liquidation judiciaire… – de ne pas livrer le consommateur final avant que ce dernier ne lui règle la facture normalement due par le professionnel. Il est tout à fait inconcevable que ce système perdure dans le cadre de la vente à distance puisqu'il pénalise doublement les consommateurs qui n'auraient pas été livrés. Pourquoi, me direz-vous, ne pas tout simplement supprimer ce système une bonne fois pour toutes ? Je vous l'ai dit, mes chers collègues, le but de cette proposition de loi est de renforcer la sécurité du consommateur dans le cadre des ventes à distance. Il s'agit donc de respecter ce cadre et de ne point en sortir au risque, sinon, d'en dénaturer la portée et d'ouvrir des perspectives sans limite aux modifications que nous pourrions apporter au code de la consommation et au code de commerce…
Telle est la teneur de cette proposition de loi qui, à n'en pas douter, réglera nombre de difficultés. Lors des Assises de la consommation qui se sont déroulées à la fin du mois d'octobre, M. Hervé Novelli, secrétaire d'État en charge du commerce et de l'artisanat, a d'ailleurs apporté un soutien explicite à ce texte qui allie avec mesure la pédagogie et la répression : je ne peux que l'en remercier. Ponctuellement, je présenterai quelques amendements afin d'affiner telle ou telle disposition, mais nous avons dans l'ensemble un texte équilibré, propre à satisfaire toutes les parties – les échos et les opinions qui me sont parvenus sont d'ailleurs tous globalement positifs – et à renforcer la bonne image que nos compatriotes ont de la vente à distance.